Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

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Thema
Thema - Comment la compétition démocratique travaille les identités collectives
Sous la responsabilité de Christophe Jaffrelot

Le sens commun explique volontiers le politique par la culture. L’analyse en sciences sociales inverse toutefois cette relation de causalité, en révélant que les communautés fondées sur la langue, la religion, la race ou la caste sont largement façonnées par la forme du régime. Ainsi, que ce soit en Afrique du Sud, au Liban, en Inde ou en Pologne, la démocratie contribue, notamment par le biais de la compétition électorale, à redéfinir les identités collectives, dont chaque étude de cas démontre ici qu’elles sont, par nature, processuelles et interactives.

Thema
La compétition électorale et la fabrique des identités
9-15

 

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Thema
La dame blanche, l'incirconcis et les diamants noirs : la résurgence du discours racial en Afrique du Sud
Denis-Constant Martin
17-34

À la lumière des résultats des élections de 2009, cet article analyse la résurgence d’un discours racial dans les débats politiques sud-africains. Il considère que, si ni l’« ethnie » ni la « race » ne sont des facteurs explicatifs permettant de comprendre le comportement des électeurs, la « race » continue de structurer les perceptions des interactions sociales que partagent les citoyens sud-africains. De ce fait, dans une période d’aiguisement des tensions sociales et de la compétition pour le contrôle des richesses économiques que permet, notamment, le pouvoir d’État, elle peut être, et se trouve effectivement, utilisée pour discréditer les adversaires.

Thema
Unité et diversité de la communauté chiite libanaise à l'épreuve des urnes (2009-2010)
Élizabeth Picard
35-55

Depuis l’assassinat de Rafic Hariri en 2005, la scène nationale libanaise est clivée en deux coalitions multiconfessionnelles. Partis politiques confessionnels, le Hezbollah et Amal ont bénéficié d’un système électoral de quotas et de la règle de la majorité simple pour remporter la quasi-totalité de la représentation parlementaire chiite aux législatives de 2009 et se propulser avec leurs alliés chrétiens et druzes au centre de l’État, jusqu’à devenir la majorité gouvernementale. Ils justifient leur captation de l’électorat chiite par l’imposition d’une représentation unifiée des identités dans un discours hégémonique qui met en valeur la mémoire confessionnelle et la lutte contre Israël. L’unanimisme chiite a cependant été mis en question par le déroulement et les résultats des municipales de 2010. Mobilisant des acteurs secondaires et portant sur des enjeux locaux, elles ont révélé la pluralité des positionnements au sein de la confession chiite, comme dans les autres confessions. Et suggéré qu’une réforme électorale, attendue depuis huit décennies, contribuerait à modifier les modes d’identification et les cadres de mobilisation.

Thema
Vers une désethnicisation de la politique en Inde ? La persistance du vote de caste
57-73

Si le vote sur enjeu a probablement joué un rôle plus important que par le passé lors des élections législatives de 2009 en Inde, cette renationalisation ne s’est pas traduite – au-delà du déclin des forces nationalistes hindoues – par une quelconque désethnicisation de l’espace public. Au contraire, les programmes de discrimination positive ainsi que les tensions qu’ils ont fait naître ont renforcé le rôle politique des castes en les transformant en groupes d’intérêt au détriment de l’ancien système fondé sur une communauté de valeurs partagées (celles des hautes castes). Au niveau des États – niveau le plus important dans la politique indienne d’aujourd’hui, même à l’occasion d’un scrutin national – les partis politiques sont associés à des castes qui votent souvent majoritairement pour l’un d’entre eux. Dans certains États, les Dalits sont même en passe de transcender les divisions fondées sur les identités de jatis pour se regrouper derrière un parti, le BSP. La reconduction du Congrès au pouvoir – argument clé des tenants de la renationalisation – est donc le résultat d’une fragmentation – et non d’une réunification – du jeu politique, et ce, sur la base d’une logique de caste. Dans un système électoral à un tour, le parti le plus gros gagne en effet davantage de sièges, même s’il perd des voix, dès lors que ses adversaires sont plus nombreux

Thema
Les réemplois politiques du stéréotype « polonais = catholique » et leurs limites dans la Pologne postcommuniste
Patrick Michel
75-91

En l’espace de deux décennies, on est passé en Pologne d’une quasi-impossibilité de critiquer l’Église et sa place dans l’espace public à une exigence socialement formulée de laïcisation de cet espace, comme l’attestent tant les manifestations contre la croix dressée devant le Palais présidentiel à Varsovie (pour censément célébrer le souvenir du Président Lech Kaczyński, disparu dans la catastrophe aérienne de Smolensk), que la mise en cause de l’Église polonaise dans la lettre adressée par le père dominicain Ludwik Wiśniewski au nonce apostolique en Pologne. L’analyse de cette évolution conduit à s’intéresser aux usages politiques du stéréotype « polonais = catholique » après 1989. Ce qui ouvre à une triple réflexion : sur la permanence de la fonction effective dévolue à la religion en Pologne, indépendamment de la rupture qu’a constituée 1989 ; sur la signification des réemplois de la référence au religieux dans l’évolution de la scène polonaise depuis l’instauration de la démocratie ; et sur le rôle du religieux comme ressource en matière de gestion simultanée de l’identité et du mouvement, c’est-à-dire des recompositions identitaires induites par les profondes mutations auxquelles la société polonaise, comme toutes les autres sociétés, se trouve confrontée.

Varia
Les mirages de la politique étrangère européenne après Lisbonne
Franck Petiteville
95-112

Cet article vise à évaluer les changements potentiels introduits par le traité de Lisbonne dans la politique étrangère de l’Union européenne (UE). Au-delà, il ouvre le débat avec quelques approches dominantes de l’étude de celle-ci, en interrogeant la capacité effective de l’UE à gérer les crises et les conflits internationaux. Trois apories possibles de l’évolution de la politique étrangère européenne sont ici distinguées : tout d’abord, les apports du traité de Lisbonne sont jugés peu susceptibles de modifier la grammaire d’une politique étrangère qui continue d’être essentiellement « institutionnelle » ; ensuite, il s’avère que cette politique étrangère européenne a tendance à s’épuiser dans une diplomatie du speech act sans « actes », que ce soit dans la politique de développement ou dans celle de la défense ; enfin, est remise en cause la croyance bien établie ces dernières années selon laquelle la « puissance normative » européenne serait en mesure de se substituer à la puissance tout court dans la régulation des problèmes internationaux.

Varia
La Ligue islamique mondiale en Europe : un instrument de défense des intérêts stratégiques saoudiens
Samir Amghar
113-127

Afin de lutter contre l’influence de plus en plus grande dans le monde arabe du nationalisme laïque promu en Égypte par le Président Nasser, l’Arabie Saoudite a décidé dans les années 1960 d'apparaître comme un pôle de rayonnement religieux et idéologique. La pierre angulaire de la politique hégémonique de l’Arabie Saoudite pour le leadership mondial de l’islam a été la création, en 1962, de la Ligue islamique mondiale, organisation en charge de financer les projets liés au développement de l'islam dans le monde. C'est en Europe sans doute que les activités prosélytes de la Ligue sont les plus importantes. Si elle occupe une place prépondérante dans la politique de soft power du royaume saoudien, la Ligue a également pour mission de lutter contre les idéologies susceptibles de menacer la stabilité de son régime. Elle finance des projets de construction de mosquées, distribue des Corans et des brochures, organise des cours et des conférences islamiques, espérant ainsi créer parmi les populations musulmanes des réseaux de clientèles et d’allégeances non critiques à l’égard du royaume saoudien. La Ligue prône un salafisme composite, qui, certes, ressemble sur le plan dogmatique à celui prôné par les théologiens d’Arabie Saoudite, mais qui s’en distingue par sa dimension sociale et politique, inspirée des Frères musulmans. Face à la multiplication des risques internationaux (guerre en Irak, al-Qaïda, jihadistes saoudiens…), la Ligue participe à un vaste ensemble institutionnel « de protection du trône saoudien », comme le Dar al Ifta, Conseil des oulémas saoudiens qui fait allégeance au pouvoir et lutte par ses différentes fatwas contre l’islamisme contestataire et le terrorisme islamique.

Varia
Altérités intimes, altérités éloignées : la greffe du multiculturalisme en Amérique latine
129-149

Cet article discute les analyses les plus courantes des réformes multiculturelles en Amérique latine, ainsi que les principales analyses du mouvement indien dans cette même région. À partir d’une enquête historique et ethnographique menée au Mexique sont décrits les positionnements de trois générations d’informateurs autochtones face aux politiques officielles d’assimilation (1920-1980) et de reconnaissance de la diversité (2000-2010), dans un quartier rural de Mexico, Milpa Alta, dont la population a été identifiée comme descendante des habitants précolombiens. L’argument développé est que les politiques multiculturelles, la législation internationale sur les droits autochtones et, souvent, les discours politiques autochtones sont en tension avec les régimes nationaux d’altérité. Dans le cas étudié ici, les politiques multiculturelles se greffent sur une configuration qui situe les populations autochtones dans une position d’altérité par excellence, mais une altérité endogène car imaginée comme étant une partie constitutive du grand « Nous » national, conçu comme uniformément métis (mestizo). Au-delà de sa spécificité, l’exemple mexicain permet de réfléchir à l’importance du caractère exogène ou endogène de l’altérité pour discuter le consensus qui entoure aujourd’hui le modèle multiculturel.

Lectures
Construire la paix : conceptions collectives de son établissement, de son maintien et de sa consolidation
Séverine Autesserre
153-167

 

Construire la paix : conceptions collectives de son établissement, de son maintien et de sa consolidation

 

Lectures
Lecture
David Scheer
169-173

Grégory Salle, La part d’ombre de l’État de droit : la question carcérale en France et en République fédérale d’Allemagne depuis 1968, Paris, Éditions de l’EHESS, 2009, 343 page

Lectures
Lecture
Vincent Viet
175-180

Claire Zalc, Melting Shops : une histoire des commerçants étrangers en France, Paris, Perrin, 2010, 330 pages

Lectures
Lecture
Stef Jansen
181-185

Isabelle Delpla et Magali Bessone (dir.), Peines de guerre : la justice pénale internationale et l’ex-Yougoslavie, Paris, Éditions de l’EHESS, 2010, 317 pages.

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