Stocks d’armes nucléaires, 1945-2017
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Commentaire de Benoît Pélopidas
Ces graphes représentent le nombre d’ogives nucléaires dans le monde.
La séparation entre les deux graphes montre que plus de 90% des armes nucléaires ont constamment été aux mains des Etats-Unis et de la Fédération de Russie et que cette primauté demeure après la fin de la guerre froide. Par contraste, tous les autres Etats dotés et celui qui y a renoncé (l’Afrique du Sud) ont déployé des arsenaux de taille relativement limitée. Ces graphes montrent aussi la quantité considérable de systèmes d’armes nucléaires produits depuis 1945 (plus de 130 000) et le fait que leur nombre sur la planète a atteint un pic en 1986, qui s’est suivi d’une réduction drastique jusqu’à aujourd’hui. Il montre donc que le démantèlement massif d’ogives nucléaires est possible et a eu lieu. Néanmoins, ces graphes exigent au moins deux précisions.
La première précision consiste à contextualiser ce qui est mesuré. Si l’on mesure la capacité de destruction des arsenaux nationaux plutôt que le nombre d’ogives, les tendances sont très différentes. D’une part, la recherche récente sur les effets d’explosions nucléaires dans des environnements urbains sur la production de nourriture suggèrent qu’un affrontement nucléaire limité entre l’Inde et le Pakistan suffirait à tuer plus d’un milliard d’individus par famine. Les modèles climatiques aboutissant à cette prévision n’ont pas été testés sur les autres Etats dotés mais la recherche conduit à relativiser considérablement l’idée selon laquelle seuls les Etats-Unis et la Russie disposeraient d’arsenaux nucléaires susceptibles de causer des dommages majeurs. D’autre part, la capacité de destruction des armes nucléaires qui restent (environ 14 000 en 2018 contre 64 000 en 1986) demeure suffisante pour mettre fin à la civilisation humaine, en dépit de la réduction quantitative que nous avons notée. Même si l’on néglige la possibilité de famine indiquée plus haut, il convient de rappeler qu’en 1955 déjà, le rapport Strath estimait qu’une attaque sur le Royaume-Uni avec seulement dix bombes à hydrogène serait susceptible de causer jusqu’à douze millions de victimes et une perturbation irréversible de l’organisation de la société et de sa capacité productive. Enfin, si l’on mesure la capacité de destruction des arsenaux plutôt que le nombre d’ogives, le pic pour les Etats-Unis n’est pas en 1966 mais des décennies plus tard (Eden 2011).
La seconde précision concerne la dynamique récente de modernisation des arsenaux nucléaires entamée dans la totalité des Etats dotés, qui n’aboutit pas nécessairement à une augmentation quantitative du nombre d’ogives représenté sur le graphe mais prolonge la durée de vie de ces systèmes loin dans le futur et, dans nombre de cas, augmente leur capacité de destruction. Une compréhension agrégée des capacités de destruction exige par ailleurs de prendre en compte des systèmes d’armes non-nucléaires non-représentés ici mais qui accentuent encore considérablement la primauté des Etats-Unis.
Pour en savoir plus : www.sciencespo.fr/nk