Accueil>Il était une data : l’Union européenne investit 5,1 milliards d’euros dans la santé (2021-2027)

30.11.2021

Il était une data : l’Union européenne investit 5,1 milliards d’euros dans la santé (2021-2027)

Quoi de plus précieux que la santé ? Jusqu’à présent pourtant, l’Union européenne ne semblait traiter cette question qu’à la marge, son rôle se limitant à appuyer l’action des Etats membres sans pouvoir les contraindre. Si la santé reste une « compétence d’appui », l’actuelle crise sanitaire pourrait néanmoins amener l’Union à renforcer considérablement sa politique en la matière, comme le prouve la récente décision de multiplier par plus de 10 le budget de son programme EU4HEALTH.

De la catastrophe au réveil européen

Avant le sursaut, il y a d’abord eu le temps de la désorganisation voire de la panique face à l’ampleur de la pandémie. Sous-estimée, celle-ci a pu s’installer en Europe, faisant même du continent le principal foyer du Covid en avril 2020. Alors que les populations attendaient une réponse rapide et coordonnée, l’UE a montré exactement l’inverse avec des réponses très hétérogènes. Cela à la fois sur les choix sanitaires (mesures de confinement total dans certains pays, pari de « l’immunité de groupe » dans d’autres…), les commandes de masques et de vaccins (avec à la clé des tensions fortes entre Etats membres), ou encore l’aide d’urgence qui a parfois été fournie par des pays tiers comme la Chine, qui ne s’est pas privée de la mettre en scène.

Face à l’insuffisance manifeste des moyens et des cadres européens démontrée par cette gestion inefficace de la pandémie, la Commission européenne a proposé en mai dernier de renouveler le programme de santé EU4HEALTH, mais cette fois avec une dotation budgétaire bien plus importante. De 450 millions d’euros pour la période 2014-2020, le programme passe à 5,1 milliards d’euros pour 2021-2027. Dans le même temps, ses objectifs sont également élargis pour lutter contre les menaces sanitaires transfrontalières, assurer l’accessibilité des médicaments, et renforcer les systèmes de santé nationaux.

La santé, une compétence d’appui à renforcer

Pour autant, la santé reste une « compétence d’appui » de l’UE et non une « compétence partagée ». Cela signifie qu’elle reste du ressort des Etats, et que les décisions de l’Union ne sont pas contraignantes au niveau juridique. Celle-ci met simplement en place un socle commun, chaque membre restant ensuite libre de se saisir des outils qu’il désire pour sa population. Pour autant, certaines directives ont bien un impact sur les systèmes de santé européens, mais elles sont alors prises sur des bases juridiques autres (douanes, concurrence…) qui ont trait aux quatre grandes libertés de circulation (biens, capitaux, services, personnes) que garantit l’UE. C’est par exemple ce qui permet aux citoyens européens d’avoir accès aux soins dans l’ensemble de l’Union.

D’une façon générale, il faut comparer le budget européen dédié à la santé à celui des Etats. Pour les six années passées, les 450 millions d’euros dévolus à EU4HEALTH pour l’ensemble des 28 Etats ne pèsent guère face aux 260 milliards d’euros de dépenses annuelles de santé de la seule France pour la seule année 2017. De la même manière, si l’on compare l’UE avec les Etats-Unis, on se rend compte des limites de son intégration : le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), basé à Stockholm et mis en lumière par la pandémie, ne compte que 300 agents… contre près de 9 000 pour son équivalent américain, le Center for disease control and prevention (CDC). Enfin, au chapitre des fragilités révélées par le Covid, celle concernant l’approvisionnement médical des Européens : en 1990, 80 % des vaccins injectés sur le continent y étaient fabriqués, tandis qu’aujourd’hui ils proviennent à 80 % de Chine et d’Inde. 

Prouver que l’Europe protège ses citoyens

Face à ces nombreux défis qui demandent davantage de coopération au niveau européen, l’ambition renouvelée du programme EU4HEALTH est une opportunité pour reconquérir la confiance érodée des citoyens dans l’UE. Les milliards investis doivent permettre de mieux surveiller les maladies infectieuses au niveau européen et mondial, de bénéficier du poids de l’Union pour négocier des contrats communs plus avantageux avec les laboratoires, ou encore de garantir l’approvisionnement en denrées médicales stratégiques, assortis de stocks conséquents pour les situations d’urgence. A cela s’ajoutent les piliers historiques de la politique de santé européenne : elle contribue en particulier à la prévention de maladies via un ambitieux plan cancer, la lutte contre le tabagisme ou encore la réglementation des pesticides.

Parfois jugée déficiente quant à sa capacité à faire valoir ses intérêts au niveau mondial (diplomatie, défense, économie…), l’Union serait bien inspirée de saisir cette occasion pour prouver à ses citoyens qu’elle joue un vrai rôle protecteur, comme elle entend par ailleurs le faire au niveau du climat. La santé est un marqueur fort pour les populations, d’autant plus à un moment où elles sont atteintes dans leur vie quotidienne et dans leur chair. La tâche n’est pourtant pas simple car la crise sanitaire a aussi réveillé de vieux antagonismes parmi les Etats membres, notamment sur la gestion budgétaire, les uns se disant « rigoureux » face à d’autres jugés « dépensiers ». Surtout, l’UE, encore convalescente du Brexit, est aujourd’hui dans la confrontation avec certains de ses membres (Hongrie, Pologne…) qui prennent une trajectoire autoritaire et défient ouvertement Bruxelles. Aux Européens désormais de prouver à ces peuples qu’ils peuvent coopérer intelligemment, et que l’Union vaut mieux que la désunion.

Découvrez toutes nos formations en Santé et protection sociale.

Abonnez-vous à notre newsletters