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26.04.2019

Venise, la Serenissima confrontée au changement climatique

Une cité prodige d’ingéniosité architecturale et technique menacée par la montée des eaux.

   

Née de la rencontre de l’eau douce des fleuves et des marées de la mer adriatique, la lagune vénète est un équilibre écologique fragile. Au Vèmesiècle, les invasions lombardes poussent les peuples italiques à se retrancher dans la lagune, espace protecteur grâceà son ensemble marécageux abrité de longues îles. S’inspirant du savoir-faire des sauniers, ces peuples développent des techniques de construction inédites consistant à renforcer la portance du sol des barennes en y plantant un réseau serré de pieux de chênes portant un plateau de bois et de pierre ceinturé par un mur de pierres étanches. Ainsi naît Venise, un empire de 126 îlots drainés grâce à un réseau de canaux artificiels dans un milieu naturel imprenable militairement et favorisé par le commerce du sel. 

Aujourd'hui, les inondations se multiplient à Venise, par les effets combinés du changement climatique qui provoque la montée du niveau de la mer et par l'affaissement du sol amplifié par le développement de la zone industrielle de Marghera. Au cours du XXèmesiècle, l’activité portuaire a pompé massivement les eaux de la nappe phréatique entrainant un abaissement du niveau de Venise. Les ceintures étanches qui fondent tous les bâtiments se retrouvent fréquemment sous l’eau salée fragilisant leurs maçonneries par l’effet de l’oxydation.

Venise, un écosystème fragile face au développement de l’activité portuaire et touristique

A Marghera, malgré le risque de déséquilibre écologique, un chenal profond a été creusé pour permettre l’accostage de gros bateaux de commerce et de tourisme créant des vagues « moto ondoso » sur leur passage dans la lagune. Barennes et maçonneries de la ville se fragilisent irrémédiablement.

Le tourisme de masse et le développement de l’économie mondiale a accéléré la disparition de l’artisanat local (pêche et exploitation du sel) provoquant la migration des vénitiens qui entretenaient jadis la lagune et notamment les barennes dont 70% ont disparu en un siècle. Or ils constituent un rempart contre les vagues, un système naturel d’épuration de l’eau favorisant l’équilibre écologique de la lagune.

   

Le projet MOSE, une prouesse technologique pour sauver Venise des eaux ?

Pour sauver Venise, la ville a développé le projet baptisé « MOSE » (MOdulo Sperimentale Elettromeccanico), toujours inachevé, composé de 78 digues flottantes construites pour être fermées par l’homme à chaque risque d’« acqua alta ». Un projet destiné à protéger la ville des inondations pour lequel aucun accord de gouvernance n’a nommé de responsable pour actionner le système : le port, la ville, le Consorzio privé en charge de sa construction?

   

D’après une partie de la communauté scientifique, l’impact de ce projet sur la qualité des eaux et les pollutions microbiologiques pourrait être important ; une partie des eaux non traitées de la ville rejetée dans les canaux ne s’évacuerait plus vers la mer. Cela s'ajouterait à d'autres dommages que subit déjà l'écosystème de la lagune, provoqués par la perte des marais d'eau salée, des zones marécageuses et l'érosion des fonds marins liée au dragage. 

Venise et sa lagune sont en péril. Sauver cet espace naturel tout en maintenant son développement est-il possible? La question n’est pas technique mais politique : elle suppose que les acteurs du territoire s’accordent autour d’une gouvernance partagée en faveur d’un développement sobre et durable. 

Venise en quelques chiffres

  • Surface lagune : 550 km2
  • 260 717 habitants en 2018
  • Surface : 415.9 km²
  • Surface eau : 257.8 km² (62%)
  • Densité de population : 626.8 habitants / km²
  • 25 millions de touristes
  • 60inondations par an contre 4 par an en 1900
  • Depuis 1870, le niveau de la mer a augmenté de 26 cm
  • 70% de la ville couverte d’eau pendant les tempêtes

Merci aux participants de l'Executive Master Gouvernance Territoriale et Développement Urbain pour cet article : Sylvie LEVEQUE, Sylvain PARENT, Laurent SALLAGOITY et Franck BEAUVALLET.

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