Argentine. Macri en route pour les présidentielles ?
Le 17 août 2010, Mauricio Macri, député national de Union Pro et chef du gouvernement de la ville de Buenos Aires, a déclaré à la radio porteña La Red, que cette fois «nous ne manquerons pas le train, quitte à ce qu'il faille se débarasser de [Nestor] Kirchner 1». Pour le journal La Nación, Macri aurait avoué avoir bel et bien démarré sa campagne pour les élections présidentielles de 2011. Mais à qui fait donc référence ce «nous» impersonnel?. Macri vise-t-il vraiment le siège de la Présidence? En quoi consiste sa stratégie politique actuelle?
Considéré comme un potentiel opposant aux époux Kirchner en 2011, la stratégie politique de Macri a fait l'objet de plusieurs spéculations. En effet, s'il venait à se présenter en temps que candidat de centre-droit, les Kirchners ferait face à une opposition divisée, avec d'une part Macri et d'autre part, les partisans du péronisme fédéral.
Néanmoins, il serait actuellement bien imprudent d'affirmer que le chemin qu'empruntera Macri en 2011 soit nécessairement la convoitise de la Présidence. Sa priorité consiste avant tout à renforcer le soutien de son électorat, essentiellement « porteño », probablement en vue d'une éventuelle réélection au poste de chef du gouvernement de Buenos Aires, dont les élections sont prévues en décembre 2011 (deux mois après les élections présidentielles).
La stratégie communicationnelle de Macri : afficher son identité anti-péroniste
Les propos ambigus tenus par Macri à la radio La Red, lui permettent certainement de s'assurer qu'il ne reste pas exclu des grands débats portant sur les élections présidentielles de 2011. L'on serait tenter de croire, à en suivre la même logique que La Nación, que cette stratégie communicationnelle permettrait à Macri de gagner du temps pour analyser la concurrence politique et entamer des négociations avec certains des représentants de cette dernière afin de déterminer si sa candidature aux élections serait viable.
Cette analyse, à trop interpréter le comportement actuel et la stratégie politique de Macri comme une investigation du marché politique, ne permet pas de dégager la véritable fin de ces manigances communicationnelles.
Si Macri cherche réellement à continuer de faire l'objet de spéculation quant à sa candidature, c'est avant tout parce que les débats médiatiques lui donnent l'opportunité d'incarner le rôle du véritable rival des époux Kirchner. De centre-droit, Macri s'oppose aux justicialistes. Or, c'est justement cet attribut qui caractérise la grande majorité de l'électorat de Macri (en 2007, Macri fut élu chef du gouvernement de Buenos Aires avec 57% des voix au deuxième tour). Ce dernier, concentré à Buenos Aires, constitue un fief anti-kirchnériste et rejette, pour la plupart, le péronisme. La priorité de Macri consiste surtout à préserver son image anti-péroniste, et a fortiori, anti-justicialiste.
Le positionnement de Macri face aux autres péronistes dissidents : la carte du solitaire
La stratégie d'isolement de Macri est motivée par trois raisons. Premièrement, il est conscient que les chances d'être élu Président de la République sont bien minces en l'absence d'alliances avec les péronistes dissidents. Alors pourquoi Macri a-t-il pris le parti de ne pas se montrer depuis fin juillet avec les péronistes dissidents, alors même qu'il s'apprête d'ici quelques mois à parcourir le pays pendant vingt-quatre semaines? Pourquoi avoir opté pour la stratégie inverse de Francisco De Narváez, son ancien allié lors des élections législatives de 2009? Parmi ceux avec qui De Narváez apparaît fréquemment en public, l'on peut citer Felipe Solá (actuel député national de la Province de Buenos Aires, tout comme De Narvaez), Eduardo Duhalde (ancien gouverneur de la province de Buenos Aires), Mario das Neves (actuel gouverneur de la province du Chubut), Alberto Rodríguez Saá (actuel gouverneur de la province de San Luís), Jorge Busti (ancien gouverneur de la province de Entre Ríos) et Carlos Alberto Reutemann (sénateur de la pronvince de Santa Fe). L'on serait tenté de croire que si Macri joue la carte du solitaire en souhaitant ne pas s'afficher avec les péronistes dissidents, c'est en vue de mieux se positionner face à la concurrence. En effet, cette stratégie lui permettrait d'endosser l'étiquette de « l'homme politique nouveau » et/ou mesurer avec de plus de précision lesquels de ses attributs sont valorisés par les argentins.
Pourtant, la stratégie d'isolement du chef du gouvernement porteño a surtout pour vertu de prouver à son électorat qu'il ne souhaite pas nouer de contacts avec les partisans du justicialisme. Il s'agit pour Macri de préserver son identité d'homme politique « libre », celui qui n'est prêt à faire aucune concession aux époux Kirchners et au parti justicialiste.
En outre, Macri doit se confronter à Julio Cobos (membre de l'Unión Cívil Radical), actuel vice-président de la République, opposant aux Kirchner. L'électorat de ce dernier, très similaire à celui de Macri, tend à s'élargir, intégrant peu à peu l'électorat de l'actuel chef du gouvernement de la capitale (comme l'indique l'enquête d'aout 2011 menée par le groupe Isonomía Consultores). La menace de Julio Cobos constitue la deuxième raison pour laquelle Macri semble donner priorité à la conservation de son soutien électoral.
La troisième raison pour laquelle Macri tient à se recentrer sur ses électeurs porteños, tient à la taille du défi auquel il serait confronté, s'il prétendait au siège de la Présidente. À supposer que Macri renonce aux alliances, il lui faudrait conquérir la classe moyenne de l'intérieur du pays. Or, la classe moyenne argentine est particulièrement hétérogène sur le plan idéologique (Marcelo Leiras, Todos los caballos del Rey). Celle-ci, pour la plupart anti-kirchnériste, offre un soutien électoral autant pour le centre-droit, que pour les socialistes, ou pour les radicaux.
Les faiblesses de Macri : le « Watergate porteño » et la gestion de Buenos Aires en question
Aux obstacles politiques auxquels Macri ferait face s'il venait à entrer dans la course à la Présidence, s'ajoutent deux thématiques pressantes qui sont susceptibles d'endommager son image.
En premier lieu, suspecté d'avoir procédé à des écoutes illégales, une commission d'enquête vient d'être mise en place, mi-août 2010. Macri est actuellement en quête de législateurs qui puissent s'exprimer en sa faveur et le disculper.
En deuxième lieu, la gestion de la ville de Buenos Aires a été particulièrement critiquée ces derniers jours. Entre autres, l'on peut citer les manifestations des étudiants, protestant contre le manque d'infrastructure scolaire. Les dettes s'accumulent : selon le journal La Nación, Macri demanderait à la Législature une augmentation du budget de la capitale entre 850 et 900 millions de pesos pour l'année 2011. Macri a donc fort à craindre de voir son électorat se réduire si un scandale judiciaire éclate, et si, en parallèle, s'intensifient les critiques quant à la gestion de ville.
Jusqu'à présent, Macri semble avoir fait le choix politique suivant : il se donne comme priorité de renforcer son électorat porteño, avant de se décider quant aux élections présidentielles de 2011. En s'affichant seul, Macri vise à communiquer encore plus fortement son identité anti-justicialiste, afin de complaire son électorat. Face à un possible scandale judiciaire et à une gestion de la ville de plus en plus mise en cause, Macri a besoin de tout le soutien politique des porteños pour rester crédible. Les assertions assurant que Macri aurait démarré sa campagne risquent fortement d'être de fausses alertes données par les opposants des Kirchner qui craignent une réélection des époux en 2011, ou les faux espoirs de ceux qui souhaitent voir l'opposition divisée aux élections.
Bibliographie
Articles
Di Marco, Laura. Marcelo Leiras : « No veo a Macri aliado al peronismo disidente. » Noticias Urbanas. 12 juillet 2010.
Majul, Luis. ¿Quién le puede ganar a Kirchner? La Nación. 8 septembre 2010. http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1302448
Macri advirtió que sigue adelante con su canditatura, aunque tenga que « tirar por la ventana a Kirchner ». La Nación. 17 août 2010. http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1295460
Solicitara Macri redestinar fondos para pagar deudas. La Nación. 8 septembre 2010. http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1302426
Données
Gobierno de la Ciudad de Buenos Aires. Escrutinio definitivo de la eleccion del 24 de Junio
de 2007 – Total de votos. Informaccion electoral.
http://www.buenosaires.gov.ar/areas/seguridad_justicia/dg_electoral/resultados_elecciones_2007.php#c
Indicadores de opinion publica. Isonomía Consultores. Août 2010, n°40, p.2.
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Entretien réalisé le 7 septembre 2010 avec Marcelo Leiras, docteur de l'Université de Notre-Dame, actuel directeur des départements de Science Politique et de Relations Internationales à l'Université de San Andrés.
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1"Esta vez nos toca. Este tren que hemos dejado pasar tantas veces y que hoy nuevamente está en la estación de la Argentina para que nos subamos, nos vamos a subir, aunque tengamos que tirar por la ventana a Kirchner porque no lo aguantamos más." Propos originaux tenu par Mauricio Macri à la radio La Red.