Bicentenaire de la Bolivie
Écris par Alice Di Concetto
La Bolivie a fêté 2009 le bicentenaire non de son indépendance, mais du "premier cri libérateur d'indépendance" qui correspond à la révolte de Chuquisaca du 25 mai 1809. La célébration nationale du mouvement s'inscrit pleinement dans la commémoration du bicentenaire au niveau du continent.
Le mouvement d'indépendance Bolivien débute par la révolte des populations indigènes. Ces soulèvements qui se sont déroulés de 1779 à 1781, n'aboutissent pas car matés par les espagnols. Toutefois, ils impulsent le mouvement d'indépendance bolivien déjà incarné par de grandes figures telles que Tùpac Amaru II. En fait, ce sont les soulèvements de Chuquisaca (actuellement Sucre) puis celui de La Paz de 1809 qui constituent le point de départ des guerres d'indépendance de tout le continent américain. Ainsi, le soulèvement populaire de Chuquisaca du 25 mai 1809 contre le gouverneur est considéré comme le premier mouvement indépendantiste d'Amérique latine et fonde véritablement l'identité et l'histoire latino-américaine. D'où son nom; Primer Grito Libertario de América. Mais c'est seulement en 1825 que le haut Pérou déclare son indépendance sous le nom de République de Bolivar, ensuite changée en République de Bolivie, puis reconnue officiellement le 6 aout de la même année.
Simon Bolivar a joué un rôle central dans la construction des nations d'Amérique latine et l'identité sud américaine, mais il semble que c'eût été la Bolivie qui ait montré le plus grand attachement au personnage du Libertador, en adoptant son nom. Le 18 mai 1826, Bolivar signe un décret reconnaissant l'indépendance de la Bolivie par le Pérou, pays auquel la toute nouvelle nation était attachée. Peu après, le nom du pays est choisi en hommage à Simon Bolivar qui est, dans le même temps, honoré du titre de "Père de la République et Chef suprême de l'Etat". Bolivar, très reconnaissant, refuse toutefois la fonction de président de Bolivie qui lui est offerte.
Le personnage historique du Libertador qu'incarne Simon Bolivar est ancré dans l'histoire de la Bolivie et va même jusqu'à définir l'identité du pays. Ainsi, quand les politiques en viennent à trouver un nom pour le jeune pays, un député (M. Martin Cruz) dit que tout comme Rome vient de Romulus, de Bolivar viendrait Bolivie, assimilant directement la construction mythique de la grande Rome - et, par la suite de l'empire romain - à la construction de la Bolivie.
Bolivar rend bien l'attachement que lui porte la Bolivie, en l'appelant sa hija predilecta (fille préférée), le choix des mots renvoyant directement à une filiation paternelle avec le pays, largement revendiquée et célébrée dès lors. Mais Bolivar s'éloigne très vite de sa nouvelle œuvre, porté par son projet panaméricain. Bolivar a, en effet construit le pays de la Bolivie, mais n'en a pas pour autant fait une nation au sens de la philosophie des Lumières, philosophie qui l'a pourtant beaucoup influencé dans ses actions. Simon Bolivar affirme ainsi les principes du libéralisme politique mais, dans un même temps, estime qu'il faut s'appuyer sur des principes non démocratiques afin de mener à bien la révolution. D'où la présidence à vie dans la Constitution de la Bolivie de 1826.
En fait, l'indépendance de la Bolivie, qui est peut-être une des moins significative, résume bien toutes les contradictions que l'on retrouve dans les phénomènes d'émancipation du XVIIIe siècle - et encore aujourd'hui - en Amérique latine. Ce sont des pays qui se sont construits, et non des nations, autour d'un culte patriotique unificateur rendu au personnage libérateur incarné par Simon Bolivar.
La planification du bicentenaire a débuté dès 2003 avec la promulgation de la loi 2501 du 5 août qui créa le Comité National du Bicentenaire du 25 mai 1809 (Comité Nacional del Bicentenario del 25 de mayo de 1809). Cela se concrétisa plus à partir de 2006, après la victoire d'Evo Morales, quand le nouveau gouvernement prit la tête de la Dirección Ejecutiva del Comité Nacional de Celebración del Bicentenario. Le Plan Maestro, guide selon lequel doivent se dérouler les festivités, à pour objectifs principaux la réflexion et le développement d'une proposition politique continentale pour le nouveau millénaire au travers de;
- la promotion et l'approfondissement de l'intégration national et hémisphérique
- la diffusion du bicentenaire du Primer Grito libertario de América (voire ci-dessus), des idées de liberté et de démocratie
- l'amélioration des niveaux de vie et des infrastructures urbaines dans les villes principales du pays (notamment celle de Sucre, avec l'appui du programme de développement des Nations Unies -PNUD)/
La célébration du bicentenaire de l'indépendance de la Bolivie a commencé dès janvier 2009, avec un événement majeur au moins par mois; festivals musicaux, journées culturelles autour de la littérature, du théâtre etc...auxquels les journaux (La Prensa, par exemple) se sont associés.
Au niveau des villes, la célébration du bicentenaire a été mise à profit en Bolivie afin de promouvoir l'intégration nationale. Ainsi, la loi de Création du Comité national (Ley de Creación del Comité Nacional) a pour objectif de favoriser la cohésion au pays via la commémoration nationale. C'est pour cela que la célébration du bicentenaire s'est en partie organisée selon et par les villes et régions.
C'est à La Paz que s'est déroulé la cérémonie solennelle de commémoration du bicentenaire le 25 mai 2009. De nombreux chefs d'état, parmi lesquels le président du Nicaragua Daniel Ortega, ont été accueillis par Evo Morales. C'est effectivement depuis La Paz qu'a été lancé l'appel à la liberté à toute l'Amérique latine. Au cours de la cérémonie a notamment été lue la célèbre proclamation de la Liberté de juillet 1809 considéré comme un des textes les plus importants du processus révolutionnaire latino-américain.
D'un point de vue plus matériel, Evo Morales a inauguré à cette occasion la Vía Balcón, une route aéroportuaire construite pour l'événement.
La ville de Sucre et sa province (province de Chuquisaca) s'est beaucoup engagée dans la célébration du bicentenaire, puisque c'est de là qu'est parti tout le processus d'indépendance. Il y aussi eu une marche contre le racisme mené par les peuples indigènes. En fait, la région y a surtout trouvé le moyen de s'intégrer au niveau national par le biais de la célébration.
La Bolivie, en fêtant le bicentenaire de sa révolution a trouvé le moyen de donner de la cohésion au pays autour d'une célébration fédératrice car historique. Toutefois, il semblerait que les objectifs n'aient pas été atteints étant donné que les divisions au sein du pays se maintiennent, à l'image des manifestations menées séparément par les groupes indigènes. Peut-être le but de la célébration était trop ambitieux mais on peut aussi interpréter cela comme un premier effort de rassemblement national autour de la réflexion suivante; Que fêter durant ce bicentenaire? Il semblerait qu'il s'agisse effectivement de l'indépendance de peuples d'Amérique latine, mais indigènes compris cette fois-ci.
Mis à jour le 5 décembre 2009