COLOMBIE
Des documentaires sur les indigènes en passant par le trafic de drogues, les femmes cinéastes s'intéressent aux sujets sensibles de la société colombienne à travers le documentaire
Interview : Clotilde Richalet Szuch
Introduction et Transcription : Camila Cornejo
Pour pouvoir parler de la situation de la femme dans le cinéma colombien, il faut dans un premier temps comprendre sa place dans la société colombienne. Comme une grande partie des pays latino-américains, la Colombie a été marquée par un XXè siècle assez turbulent dans le domaine politique, entre dictatures et une conflit armée interne qui continue à exister, et connaître ces données va nous permettre de comprendre la société colombienne de nos jours en question de parité. Le conflit armé colombien a commencé en 1964, et va opposer les plusieurs acteurs, dont les guérillas d’extrême gauche contre face à l’État colombien et des groupes paramilitaires d’extrême droite. À ces derniers se sont ajoutés des groupes de narcotrafiquants entre autres. Des milliers de victimes sont issues de ce conflit depuis son début, même si celui-ci a baissé en intensité depuis quelques années. Il faut quand même dire que la Colombie est classée comme un des pays les plus violents du monde, et il faut mentionner que selon l’ONU la Colombie a la deuxième place en chiffres historiques de violence contre les femmes, et ces chiffres ne font que croître depuis le début du conflit, de la part de tous les acteurs qui en participent. La violence contre les femmes est juste une des formes de domination présentes dans la société colombienne, qui comme la plupart des sociétés du reste du subcontinent sont très marquées par le machisme. La quête de l’égalité en droits et de la parité, surtout dans le domaine politique, a été longue, mais en 2020 a été passée l’obligation d’une parité de genre dans les listes électorales, ce qui est un gros pas dans la direction correcte.
L’industrie cinématographique colombienne est en pleine croissance. Elle a déjà une place dans la scène internationale et produit plus de films que jamais, surtout grâce à la loi de cinéma qui existe depuis quelques années. La quête de la parité n’existe pas exclusivement dans le domaine politique, mais aussi dans le cinéma. Comme dans le reste des secteurs du pays, l’audiovisuel est très dominé par les hommes. Certains métiers sont des exceptions à cette règle, comme la production, ou les métiers qui seraient traditionnellement considérés plus “féminins”, comme la direction d’art ou le maquillage. C’est rare de voir des femmes dans les rôles techniques ou dans des positions de pouvoir, comme dans la réalisation ou direction de photographie. Il existe un manque de représentation de la voix des femmes, tant sur la représentation de leurs histoires sur le grand écran que derrière les caméras. Surtout dans le cinéma de fiction.
Le manque de représentation féminine dans la création de films parait très curieux du fait qu’il y a une grande présence des femmes dans la culture, comme Isadora de Norden, qui est la fondatrice de la cinémathèque, cette dernière étant dirigée encore par une femme. Nous pouvons alors constater que les femmes semblent être finalement plus dans la gestion que dans la création, et ça expliquerait pourquoi il existe un manque d’histoires féminines. Aujourd’hui il y a une lutte constante pour créer plus de place pour une parité en audiovisuel, pour permettre aux femmes d’utiliser leur voix, et on peut voir de plus en plus de femmes dans des métiers où elles n'étaient pas présentes auparavant. Nous pouvons voir de plus en plus de femmes réalisatrices, surtout dans le documentaire, qui historiquement ont toujours étés plus accessibles aux femmes, mais aussi dans la fiction, par exemple avec Christina Gallego, qui était présente sur le tapis rouge de Cannes avec l’initiative des 82 femmes de 50/50 pour 2020.
TEMOIGNAGES
Adelfa Martinez Bonilla
Directrice de la Cinémathèque du Ministerio de Cultura
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Ici, en Colombie, nous avons un plus petit nombre de femmes qui travaillent dans l'industrie cinématographique, travaillant dans des domaines tels que la production, la réalisation ou les techniques. Mais je pense que ça augmente de plus en plus. Hier au BAM (Bogota Audiovisual Market), nous avons eu une conférence avec Cristina Gallego, la codirectrice de Pájaros de Verano, et aussi avec Cristina Echevarría, la réalisatrice de Carmen y Lola, qui était le film d'ouverture du BAM, sur le thème : "Le pouvoir des femmes dans la cinématographie ".
Elles ont évoqué, par exemple, les difficultés rencontrées en tant que femme pour pouvoir accéder à un emploi plus équitable par rapport aux opportunités que les hommes ont normalement dans tous les contextes. Ici en Colombie, dans le secteur de la culture, on peut dire que ce sont heureusement les femmes qui occupent un pourcentage très élevé à des postes de direction. En Colombie, la direction de la cinématographie, de la production d'images, la ministre de la culture, nous sommes des femmes qui ont démontré par notre travail et par notre talent la capacité d'assumer de plus grandes responsabilités.
Ana Nieto de Gamboa
Productrice: The jungle knows you better than you do (2017)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Je ne peux vous parler que de mon expérience. A mes débuts au cinéma j’ai toujours été entourée de femmes. Mon mentor est Diana Bustamante et grâce à elle, j'ai rencontré des femmes très puissantes dans l'industrie. Mais je pense que le pourcentage de films réalisés par des femmes est beaucoup plus faible. Les femmes ont tendance à prendre les choses en main et elles finissent par être plus productrices.
Proimages a récemment écrit sur "Pájaros de verano", le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra, en le qualifiant de film de Ciro Guerra. Et dans l'esprit de nombreuses personnes, le film n'est que le sien. Ca a été violent : Cristina a été rendu invisible. Ils ont supposé qu'elle était la productrice.
Les femmes sont toujours considérées comme le pouvoir derrière le trône, mais nous voulons avoir notre propre trône.
Il y a une grande différence dans les domaines techniques. Quand j'étudiais le cinéma, les hommes étaient beaucoup plus privilégiés, les femmes étaient directement envoyées à la production.
Ana Pineres
Productrice : La nina (2016), Siempreviva (2015), Como te llamas? (2018), Sonar no cuesta nada (2006)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
C'était très excitant à voir. Plus que le pouvoir féminin, c'était le symbole que nous pouvons nous rassembler pour beaucoup de choses. Y voir des femmes du monde entier, de tous les secteurs de l'industrie. C'était très excitant de voir notre productrice Cristina Gallego, qui fait également partie de l'association que je préside : l'Association colombienne des producteurs de films. Je pense que c'est le premier pas vers ce que nous, les femmes, devons faire : nous unir.
S'unir pour travailler, avoir de nombreuses luttes communes, s'unir aussi avec les hommes, cela ne doit pas être une bataille de genre. Il est important que nous adoptions une position dont nous, les femmes, avions besoin depuis longtemps au sein d'une industrie.
Je préside une boite de prod appelée CMO Producciones, où, non pas parce que nous le voulons, 90% de ceux qui travaillent sont des femmes. Nous ne l'avions pas choisi de cette façon, la femme a simplement été plus compétitive lorsqu'il s'agit de gagner sa place. Et je viens de faire un film où 80% d'entre nous étaient des femmes, la scénariste, les deux protagonistes, moi-même en tant que productrice. Des mesures importantes sont peut-être prises dont il faut tenir compte dans ce qui se passe avec les femmes. Peut-être avons-nous accès à plus de formation ou plus d'espaces nous sont ouverts, ou même nous ouvrons nous nous-mêmes nos propres espaces au sein de l'industrie. Je pense qu'il est temps de s'unir comme au moment symbolique de Cannes.
Ana Salas
Réalisatrice : En el taller (2016)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Il y a une différence entre le film documentaire et le film de fiction. Dans le cinéma de fiction, la place des femmes est très limitée. En Colombie, ces dernières années, je crois que deux longs métrages de fiction ont été sortis en salles par des femmes. Les réalisatrices de fiction sont très peu nombreuses. Pour qu'une chef op s'affirme, elle doit se battre bien plus qu'un homme. Identique pour les ingénieurs du son. J'ai réalisé mon dernier film, qui est un documentaire, avec une petite équipe, une chef op, Sofia Odoni, une ingénieure du son nommée Carolina Ortiz et moi-même. Ensuite, il y avait d'autres participants qui étaient des hommes, mais l'équipe principale était des femmes. Je ne l'ai pas forcément fait pour une raison féministe mais c'est vrai qu'elles m'ont dit à quel point c'était difficile pour elles d'être dans d'autres productions avec seulement des hommes. Dans le domaine du documentaire, le nombre de femmes y est impressionnant. C'est peut-être parce que le champ de la fiction est si fermé aux femmes que le documentaire devient le plus approprié, avec des budgets plus petits et des productions plus indépendantes. Les réalisatrices et productrices recherchent leurs propres ressources et tracent leur chemin.
Camila Loboguerrero
Réalisatrice : Maria Cano (1990), Nochebuena (2008), Con su música a otra parte (1983)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Cela a été lent mais avec des pas fermes. J'ai réalisé mon premier long métrage de fiction en 1982 et pendant près de 20 ans j'étais la seule femme à avoir réalisé un long métrage. Et ça m'a donné beaucoup de peine d'être la seule. Quand je suis allé dans des festivals, j'ai découvert qu'au Vénézuela il y en avait 5 ou 6, dans d'autres pays encore plus.
D’être la seule, j’avais honte, je me sentais désolée pour mon pays. Le machisme est très fort et l'éducation est très macho. Il y avait beaucoup de femmes dans le monde du cinéma mais dans des rôles subalternes, sans jamais diriger ni écrire de scénario. Très peu de femmes ont raconté leurs histoires à partir de leurs opinions. C'est curieux parce que les organismes d'État qui ont aidé le cinéma étaient dirigés par des femmes, le premier directeur de Focine était Isadora de Norden, la créatrice de la cinémathèque d'État. Les femmes dans des rôles administratifs ont été très importantes, très efficaces, mais nous avons hésité à nous exprimer au cinéma.
Carol Ann Figueroa
Scénariste : Paciente (2015), Laura (2014), Los Bomelias (2014), 16 memorias (2008)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
J'ai toujours dit que l'industrie colombienne était très féminine parce que je vois beaucoup de femmes dans tous les domaines de l'audiovisuel, de la télévision, du cinéma, de la publicité, etc. Mais en même temps, nous avons beaucoup de réalisateurs masculins et juste quelques réalisatrices, qui ont un ou deux films au maximum. Il y a aussi le fait que l'industrie cinématographique colombienne est très petite, il est donc difficile en général de faire des films. Ce n'est pas si compétitif. Mais les femmes ne sont certainement pas encouragées à se lancer dans ces types d’entreprises, nous avons beaucoup de femmes dans la production et je pense que les meilleurs films sont produits par des femmes.
Même dans les groupes de femmes au cinéma, nous avons du mal à identifier le problème, et cela vient du fait qu'il y a des groupes qui sont très fermés pour les femmes, comme le domaine technique. Il y a beaucoup de femmes qui s'intéressent à la réalisation, plus que les hommes. Peut-être que nous le verrons davantage dans la prochaine génération. Mais nous devons leur donner leur propre espace, les motiver.
Catalina Arroyave
Réalisatrice : Los dias de la ballena (2019)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
C'était très puissant. Et j'étais très excité parce que Cristina Gallego, la productrice de Parajos de Verano, en faisait partie. C'était incroyable, car j'ai l'habitude de ne pas être représentée. Non seulement parce que je suis une femme, mais parce que je suis colombienne et que je viens de Medellin, une ville avec une grande histoire de drogue et de violence. Donc, parler des femmes cinéastes de cette région n'est pas habituel pour moi ! Voir Cristina avec ce groupe de femmes très célèbres signifie que je pourrais y arriver un jour moi aussi! Lorsque vous grandissez dans les quartiers populaires, en dehors du centre du monde, je ne connais ni l’Europe, ni Paris…, vous avez l’habitude de ne pas être représentée. Généralement je ne vois pas de gens comme moi dans l’industrie. Ce mouvement des femmes a été intéressant pour moi car pour la première fois j'ai eu l'impression d'avoir des alliés. Je me suis sentie faire partie de quelque chose. Il y a ce grand désir d'être avec d'autres femmes et de raconter nos histoires. Ce mouvement est très stimulant et inspirant.C’est aussi une alarme : seulement 82 femmes dans toute l’histoire du FIF. Où étions nous ? Si j'étais adolescente aujourd'hui, j'aurais l'impression qu'il y a de la place dans le monde pour moi et que le monde veut écouter ce que j'ai à dire. Tout cela s'accompagne également d'une pression pour les femmes. Il y a une attitude difficile envers les femmes maintenant, à savoir ce qu'elles vont faire maintenant qu’on leur laisse leur chance. Alors, est-ce un autre préjudice ? Devrons-nous encore plus démontrer que nous sommes capables de faire du bon travail et que nous méritons cette reconnaissance ? Mais de toute façon ce geste à Cannes était puissant et important. Il est important d'utiliser votre visibilité pour aider les autres. Je pense également que les hommes devraient être inclus dans ces discussions ; cela devrait aussi être leur discussion.
Clare Weiskopf
Réalisatrice : Amazona (2016) / Productrice : Homo botanicus (2018) / Scénariste : Limbo (2019)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Je pense que cela grandit à chaque fois. Il y a plus de réalisatrices de fiction. Par exemple Laura Mora, que vous allez sûrement rencontrer, réalise des films violents, mais avec une vision intime. De plus en plus de femmes guerrières sortent, capables d'aller et de réaliser des fictions en Amérique latine. Les hommes doivent comprendre et respecter qu'une femme dirige, qu'elle a du pouvoir. Et pas seulement au cinéma. Quand une femme arrive pour diriger tout le monde soupçonne de ce qu'elle a fait pour y arriver. Petit à petit, j'espère que les choses changeront, qu’il n'y aura plus de panels de femmes, qu'il n'y en aura plus besoin, parce que nous serons tous égaux.
Claudia Triana
Directrice du BAM et de ProImagenes
A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain
Nous avons depuis 1998 un fonds ibéro-américain, avec 32 pays avec l'Espagne, le Portugal et maintenant l'Italie. Chaque gouvernement donne des fonds et vous pouvez en faire la demande pour diffusion, mais vous devez avoir au moins deux partenaires. Nous avons donc commencé à essayer de faire plus de choses ensemble. Mais dans l'industrie, pour sortir un film, vous devez avoir de la publicité, faire connaître votre travail. La plupart de nos films, à part les 5 meilleures comédies, sont des drames indépendants. Cela signifie un créneau spécifique d'audience, cela signifie être en concurrence avec d'autres pays. Les circulations sont difficiles, nous n'avons pas d'agents de vente. Nous avons quatre distributeurs de films colombiens, qui distribuent des films indépendants. Ils reçoivent peu de publicité. Nous avons beaucoup de coproductions avec la région, mais les films ne sont pas forcément vus dans la région. Nous devons beaucoup y travailler. En 1997, nous n'avons sorti qu'un seul film, et les documentaires étaient destinés au petit public et aux ONG. Les films ont commencé à avoir un fonds depuis 2003. L'année dernière, nous avons fait 44 films. Maintenant, notre principale préoccupation est de voir comment nous pouvons faire circuler nos travaux.
Cony Camelo
Actrice : Nochebuena (2008), Alborada carmesi (2009), Los oriyinales (2017)
A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain
Je crois qu'il y a un éveil de la conscience féminine et un besoin de raconter nos histoires, et c'est partout. Je pense que c'est quelque chose qui s'est produit naturellement, un moment d'ébullition qui s'est produit partout dans le monde. Peut-être plus facile en Europe car ce sont des pays moins sexistes que le nôtre. Nous n'avons toujours pas beaucoup d'interconnexion en Amérique latine. Il y en a, sans aucun doute, mais c'est un marché où 80% sont des hommes. Il y a une mode pour dire que les femmes sont de meilleures productrices, alors elles restent dans ce domaine. Mais c'est une façon de dire que nous ne sommes pas de bonnes réalisatrices. Ils veulent que nous restions dans le domaine administratif et que nous laissions le côté créatif aux hommes. Il y a encore un long chemin à parcourir. Dans dix ans, les perspectives seront sûrement différentes et les femmes pourront raconter leurs histoires elles-mêmes.
Cristina Campuzano
Actrice : La justa Medida (2013), Poker (2011), Esto huele mal (2007)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Je pense que les femmes colombiennes sont respectées, mais quand vient le temps de choisir les gens en position de pouvoir, cela finit toujours par aller vers les hommes. Ils savent que nous sommes très talentueuses. Et je sais qu'à la télévision, ils donnent une plus grande place aux femmes maintenant. Mais dans le cinéma, si vous n'êtes pas la productrice pour décider, c'est très dur. Il y a plus de femmes dans les documentaires que dans la fiction. Nous devons leur montrer ce dont nous sommes capables, mais pour ce faire, nous avons besoin de plus d’opportunités.
Cristina Gallego
Réalisatrice : Parajos de verano (2018)
Productrice : Parajos de verano (2018), El abrazo de la serpiente (2015), Ruben Blades Is Not My Name (2018)
** elle faisait partie des 82 femmes sur le tapis rouge
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
Ils m'ont contacté (le festival de Cannes) via la chargée de relations publiques qui dirigeait le film que je présentais. Elle était impliquée dans le collectif 50/50 2020. Ce qui était super sympa, c'était d'arriver et de voir ces femmes, dont beaucoup sont très connues, actrices et réalisatrices, et sentir que nous étions toutes dans la même recherche. Il y avait un sentiment invisible, cette quête pour l'égalité des sexes. Pendant longtemps il semble que toute la lutte féministe a été considéré comme une rébellion injustifiée. Ce qui s'est passé l'année dernière avec ME TOO a rendu visible un très gros problème : l'inégalité et la manière dont les femmes et les hommes se comportent vis à vis du travail, du corps, du sexe… Et sans pénaliser un côté ou l'autre, il y a des positions de genre compliquées pour les femmes, qui ont été rendues visibles par ce scandale. Maintenant cette marche des 82 femmes rend visible tout cela : l'histoire de la sous-représentation, de l'inégalité du travail et de l'inégalité des paiements, qui a été une constante dans l'industrie, devient maintenant visible. C’est une représentation de la société. On parle du monde cinématographique mais cela se passe en médecine et en administration et dans tous les médias. Pour nous (Amérique latine), dans la société et le pays dans lequel nous vivons : c’est une douleur quotidienne. Nous ressentons des inégalités tout le temps.
Rassembler toutes ces femmes qui représentent le glamour et le gratin de la société était une chose très surprenante, car nous nous sommes rendu compte que nous cherchions tous la même chose, des sociétés les plus avancée jusqu’au au tiers monde. Nous avons tous besoin d’égalité. Et clairement les 82 femmes contre 1700 hommes est ridicule, se rendre compte qu'il y a 3% de voix de femmes au festival de Cannes.
Daniela Abad
Réalisatrice : Carta a una sombra (2015), The smiling Lombana (2018)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
J'étais très enthousiasmé par le tapis rouge et toutes les photos étaient si belles et puissantes. J'étais tellement heureuse parce que Cristina Gallego était là. C'était puissant pour les Colombiens. Ce fut un moment émouvant pour tout le monde dans le milieu du cinéma. C'est arrivé à Cannes, donc c'était énorme pour nous. Aujourd’hui, tout le monde devrait être féministe. Je ne suis pas en permanence en train de me dire que je suis une femme, je veux que mon travail soit reconnu parce que je suis bonne et pas uniquement parce que je suis une femme. Je pense que ce genre d'événement est très important.
Diana Peréz
Productrice : Short tales from the South (2018), Guilty men (2016), Outsider (2016)
A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain
Les coproductions se produisent de plus en plus. Depuis quelques années, nous avons un fonds minoritaire (Ibermedia) qui nous permet non seulement de demander de l’aide, mais aussi d’être aidés dans d’autres pays. Nous pouvons créer des alliances et reconnaître les gens de l'industrie. Il est naturel que ces relations entre pays se produisent, nous partageons la langue, la culture, les intérêts. Ils sont donnés avec plus de force à chaque fois. Nous cherchons à co-créer, à être utile et à recevoir. Coexister. Il est important que les latino-américains construisent ensemble et dépendent moins des pays du nord.
Diana Bustamante
Productrice : Comprame un revolver (2018), Refugiado (2014), Todos tus muertos (2011), La tierra y la sombra (2015)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
A propos de ce tapis rouge, j'ai des sentiments mitigés. Je pense qu'il est nécessaire de rendre visible le travail des femmes au cinéma. Je suis attristé par le système dans lequel nous sommes, où la seule chose qui semble importante est de diriger. Pour moi, le cinéma est un acte collectif. Nous devons repenser ce que nous entendons par création artistique au cinéma. Il existe de nombreuses éditrices très importantes. Nous devons rendre visibles ces espaces où nous sommes très présentes. Je crains aussi de voir de mauvais films féminins au festival, qui parleraient plus d'une position politique que d'une position cinématographique. Il y a des femmes autonomes et fortes par elles-mêmes, sans avoir besoin d'un mouvement. Cela m'a semblé une action intéressante qui me soulève d'autres questions. Quand je suis entrée à l'université, j'étais la seule femme, je devais m'adapter au monde des hommes mais ce que je voulais vraiment faire, c'était des films, et mon travail parle pour moi.
Elba MacAllister
Productrice / Distributrice - Co-founder Cineplex
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Elle est grandissante. Les femmes prennent vraiment en charge la production. Vous pouvez compter sur les doigts d’une main les femmes qui réalisent des fictions. Elles travaillent principalement dans le documentaire. Cristina est l'une des premières dans la fiction. Dans la distribution, les femmes vendent des films plus qu’elles ne les acquièrent. Il y a eu une évolution ces dernières années. Par exemple il n'y avait que trois femmes acheteurs pour "Brokeback Mountain", il n'y avait aucun acheteur d'homme. C’est une femme qui a mené la décision et scellé le deal et c'était énorme.
Gerylee Polanco
Productrice : Tormentero (2017), Siembra (2015), Epifania (2016)
Directrice Artistique du Festival du Film de Cali
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
Je pense que nous sommes au deuxième moment de la révolution des femmes. Cela s'est déjà produit dans les années 60, 70 et maintenant il y a une reconquête non pas de l'espace car il a déjà été gagné mais de nouvelles conquêtes. Je pense que c'est là où nous en sommes maintenant.
Ce matin, j'étais à une conférence de Paula Vaquero et elle parlait de ce qui allait suivre après METOO, alors elle parlait de statistiques, de chiffres, et on commence à se rendre compte que les choses sont inégales. Nous sommes tous un peu complices de ces relations inégales au travail, en famille, en couple, dans la rue. Ici en Colombie, il arrive que vous descendiez la rue et qu'on vous lance une réflexion. Il y a du harcèlement, de l'agression, que l'on vulgarise par un système culturel. Je crois que le système culturel doit être brisé pour pouvoir accueillir cet espace et ces voix qui viennent du féminin, mais le féminin et le masculin ne sont pas opposés. Je pense qu’il faut être ouvert pour rendre ces relations plus harmonieuses et mixtes. J'ai étudié la médecine chinoise. Il y a une biologie qui nous détermine mais chaque être humain a une énergie et les énergies masculine et féminine sont complémentaires. Nous ne pouvons pas être l'un sans l'autre. Vous devez atteindre cet équilibre entre ces énergies. Ces énergies ne doivent pas entrer en conflit.
Je pense que tout ce qui est fait, comme des initiatives à grande échelle dues à la couverture médiatique du Festival de Cannes, est très important. Je l'ai suivi, j'ai lu le manifeste, j'ai vu la vidéo 34 mille fois. On a tendance à mépriser un peu les chiffres, mais dans ce cas, les chiffres ont été avéré. Quelque chose ne va pas et nous ne le réalisons pas parce que nous avons banalisé un certain statu quo, nous avons banalisé certaines habitudes et certains comportements.
En tant que productrice de films, en tant que réalisatrice, en tant que directrice culturelle, j'ai trouvé une résonance chez d'autres femmes. Elles commencent à être plus conscientes du problème. Et moi aussi quand je suis en réunion, je regarde pour voir combien il y a de femmes. On devient plus sensible et attentive. C'est une question d'éducation. Les femmes qui ont lancé cette révolution il y a 40 à 50 ans, nous en sommes le résultat. Mais même ainsi, j'ai toujours le sentiment d'avoir reproduit le machisme mille fois et je pense que je le fais toujours. Par conséquent, nous devons continuer sur cette voie, il est important que ces choses se produisent. J'adore les manifestations de ce genre. Il me semble que ce sont des événements très précieux et qu’ils motiveront les générations suivantes. Les transformations sociales ne se font pas du jour au lendemain, nous devons nous battre car nous sommes dans un système social inégal, un capitalisme avec des structures mentales établie qui vous empêchent de comprendre ce qui se passe.
Isidora de Norden
Directora de la Cinemateca Distrital
Directora de Focine,
Directora del Instituto de Cultura y Turismo de Bogotá
Directora de relaciones culturales de la Cancillería, de Colcultura y del Pabellón de Colombia
Gerente del Fondo de Cultura Económica delegada por la Unión Latina
Asesora cultural para los países de este ente en París
Embajada de Colombia en Venezuela.
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
Je trouve cette idée extrêmement originale et intelligente. Il faut attirer l’attention sur le fait que les femmes ne peuvent pas rester en retrait. Et c'est un outil très frappant. Ce serait intéressant si nous, femmes de culture, pouvions faire cela et attirer l’attention sur les conditions dans lesquelles nous travaillons. Nous devons non seulement attirer l'attention sur les femmes avec lesquelles nous travaillons et qui ont travaillé pendant de nombreuses années dans la culture. Parce qu'il n'est pas facile dans des pays comme le nôtre de comprendre l'importance de la culture. Il y a des questions que les chefs d'État considèrent beaucoup plus importantes que la culture. Mais un pays qui ne lui donne pas l'importance est un pays qui cesse rapidement d'exister.
Jenny David
Productrice : Bajo tu sombra (2019)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
Eh bien, c'était très impressionnant. Comme un appel symbolique, parce qu'il n'a pas de pouvoir réel dans cette marche, seulement symbolique. En même temps, je me suis demandé s'il était temps de normaliser le fait que nous soyons au cinéma et tout simplement nous inclure. Où s'il fallait continuer l’appeler « cinéma féminin » parce que nous sommes des femmes. C'est un sujet incisif, celui des quotas, alors quoi on t’inclut parce que tu es une femme ou parce que tu le mérite et que tu as une bonne carrière. Je me pose toujours cette question.
Juana Uribe
Productrice TV
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Nous sommes dans une situation privilégiée, je ressens plus de machisme dans d'autres secteur de la société. En Colombie, des femmes occupent des postes de dirigeantes, productrices, réalisatrices, écrivains. J'ai vécu en Italie et je n'ai jamais vu ça. J'ai voyagé dans toute l'Europe pour travailler à la télévision et je n'ai pas vu autant de femmes à des postes clefs qu’en Colombie. C'est donc une situation étrange car, étant un pays très macho, les femmes ont pris l'habitude de se frayer un chemin très rapidement. Mais il s'agit de faire en sorte que chaque femme travaille en Colombie ait quelqu'un qui l’aide à la maison. Nous sommes très privilégiés dans ce sens. Je suis une mère célibataire, écrivaine, monteuse et productrice à succès parce que j’ai quelqu’un qui m'aide à être cette femme. Qui prend soin de mon fils, qui m'aide à la maison… Il y a toujours un réseau de femmes. Cela signifie que j'ai pu écrire plus de 2000 heures de télévision, ou produire des centaines d'heures, ou être juge dans des concours. Parce que j'ai une aide.
Laura Mora
Réalisatrice : Matar a Jesus (2017), Codigo Origen (2016), Antes del fuego (2015)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
C'est paradoxal car nous sommes très peu de réalisatrices, alors qu'il y a beaucoup de productrices. La plupart des projets pertinents de la cinématographie colombienne ces dernières années ont été produits par des femmes et réalisé par des femmes qui sont convaincues qu'il y a des histoires à raconter, des histoires fortes et intelligentes. Ces sont des femmes qui ont ouvert la voie au cinéma national. En ce qui concerne la réalisation le panorama est plutôt sombre. Mais une nouvelle génération arrive. Je pense que partout dans le monde les femmes ont été reléguées à des métiers spécifiques, le leadership a toujours été très masculin. La Colombie a une culture très macho et conservatrice. La place des femmes est reléguée au second plan. Nous n'avons pas eu de femme présidente. Mais je pense que c'est quelque chose qui existe partout dans le monde, j'ai vécu en Australie et c'est un pays tout aussi macho, j'ai travaillé au Mexique c’est pareil. C'est toujours à la femme de travailler plus pour y arriver. Mais avec ce type d'initiative, une voie s'ouvre et je pense qu'elle sera imparable.
Lina Rodríguez
Directrice de FICCI Festival du Film de Cartagena
A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain
Le problème que nous avons en Amérique du Sud, c'est que nous ne consommons pas de films de notre région. La Colombie a un problème avec son propre cinéma. Il y a une fracture entre le public et le cinéma colombien, ils pensent que c'est ennuyeux, qu'il est contemplatif et ne génère pas d'argent. Nous ne voyons pas notre cinéma, ni le cinéma argentin ou chilien. Il faut travailler à la formation du public. Il y a un travail énorme à faire pour coproduire davantage, et donner de la visibilité à notre cinéma dans le reste de la région. Les festivals de films sont très importants pour créer une sensibilité à notre cinéma régional.
Marcela Lizcano
Réalisatrice : Aislados (2015)
Productrice : Aislados (2015), Suspension (2019), A loss of something ever felt (2019)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Je pense que la Colombie compte un grand nombre de femmes travaillant dans le cinéma, en particulier en tant que productrices. Et en tant que réalisatrices, nous sommes davantage des réalisatrices de documentaires. Le documentaire colombien est presque seulement composé de femmes. Et c'est très intéressant car cela parle aussi du type de sensibilité des femmes, ce que nous pensons important de dire.
Si le chemin n'était pas très prêt pour les femmes dans le cinéma de fiction, dans le documentaire c'était inévitable ; nous avons besoin de raconter nos histoires. Il y a aussi de grandes femmes qui font des films de fiction. Ou qui produisent avec d'autres femmes.
Je fais partie d'un groupe de réalisatrices de documentaires et nous avons commencé à nous rencontrer pour parler de la situation du documentaire en Colombie. Un travail collaboratif a émergé qui va au-delà du partage de ce que sont nos films, mais plutôt de la gestion d'un groupe qui nous permet de diffuser et de rendre plus visibles nos travaux. Notre rôle est de montrer que nous pouvons être plus que de grandes productrices, nous pouvons être de grandes réalisatrices. Nous avons une vision très claire de ce qui se passe en Colombie. Et une force énorme pour mener les projets jusqu'au bout. Je pense qu'au final nous sommes dans un moment de croissance.
Marcela Rincon Gonzalez
Colombie
Réalisatrice : El libro de Lila (2017)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
La même chose se passe dans le cinéma colombien comme dans le reste du monde. La présence des hommes est bien plus grande. Historiquement, surtout dans les principaux rôles cinématographiques sont les hommes qui étaient à la tête. Mais les choses changent petit à petit, il y a plus de place pour les femmes. Mais cela a été un processus lent et difficile. Bien que les choses aient été réalisées. J'ai été la première femme en Colombie à réaliser un film d'animation, au moins il y a des petites choses qui commencent à changer.
Maria Cecilia Sanchez
Actrice : Chichipatos (2020), El arriero (2009), La pasión de Gabriel (2008)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Chaque fois que nous avons l'opportunité d'avoir plus de femmes dans l'audiovisuel colombien nous la saisissons. Il y a des femmes très intéressantes dans le cinéma de ces dernières années. À la fois réalisatrices et actrices ou productrices. Je pense que c'est un médium où les femmes peuvent exprimer de plus en plus ce qu'elles ont à l'intérieur.
Les actrices veulent exprimer leurs propres visions et idées, et pas seulement être un objet de désir pour les autres. Nous donner la parole est très gratifiant. Mais le problème avec le cinéma colombien et latino-américain en général est qu'il se rapproche de plus en plus d'un genre très naturaliste et très réaliste où les acteurs professionnels n'ont plus de place. Je suis très indépendante et je change de pays pour chercher du travail, cela conduit à une certaine instabilité et c'est ma propre décision qui a ses avantages et ses inconvénients. J'ai toujours été intéressé à vivre des expériences dans d'autres pays et à découvrir d'autres systèmes.
Vous ne pouvez pas grandir artistiquement dans un endroit où les cinéastes ne vous voient pas. En Europe, vous êtes automatiquement classé dans certains rôles, ils sont toujours similaires, en Espagne, j'ai toujours été une prostituée, ou j'étais en prison pour drogue pour être une actrice colombienne. Il existe de nombreux stéréotypes sur les Latinas en Europe, mais figurez-vous qu’ils existent aussi ici. Je viens d'un milieu populaire mais je n'ai jamais eu à jouer ces rôles ici parce que je ne suis pas cette brune, donc au final ça ne veut rien dire. Ici, il est si difficile de faire des films, cela coûte très cher et prend beaucoup de temps. Mais la vérité est que le cinéma est quelque chose de beau.
Maritza Rincón
Productrice : El libro de Lila (2017)
A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain
Je pense que le fait que le cinéma latino-américain soit plus vu en Europe que sur notre propre continent est très ironique. On le voit plus dans les festivals européens : Cannes, Toulouse, etc. Il est plus facile de générer une rencontre en Europe qu'ici ! Les films arrivent en premier là-bas. Ici nous avons un problème de circulation du cinéma, la distribution est très compliquée. Lorsque nous cherchions des coproductions pour notre film "Lila", nous sommes allés à Annecy rencontrer d'autres Latinos pour travailler. Ici, il n'y avait pas d'espace pour rencontrer des gens en animation. C'est triste car nous avons l'avantage de la langue qui nous unit. Mais c'est un dialogue qui commence à se produire.
Marta Rodriguez de Silva
Réalisatrice : La hoja sagrada (2002), Nunca mas (2001), Testigos de un etnocidio: memorias de resistencia (2009), La sinfónica de los Andes (2020)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Ça fait cinquante années que je travaille dans le cinéma, et c’est dur de rompre avec les traditions. Nous avons une culture patriarcale très conservatrice. Quand quelqu’un comme moi dit à ma mère que j’allais faire du cinéma, elle a cru que j’étais folle ou que je n’étais pas sérieuse.
Mais nous avons été les personnes qui ont ouvert le chemin et l’espace pour les femmes. J’ai travaillé avec Fernand qui a fait un film sur ma vie qui s’appelle Transgression, ce titre parce que nous avons du rompre avec beaucoup de tradition patriarcale. J’ai étudié la sociologie. J’étais dans les premières femmes qui sont allées à l’université. Maintenant les filles vont à l’école de cinéma et ce n’est pas un tabou. Nous avons ouvert le chemin.
Mirlanda Torres
Productrice : Con amor y sin amor (2011), Nochebuena (2008), Manos sucias (2014)
A propos de la dynamique cinématographique sur le continent Sud-Américain
J'ai eu de très bonnes interactions avec des femmes de différents pays, j'ai coproduit avec des femmes aux États-Unis, au Pérou. La loi de 1556 sur le cinéma a amené de nombreux producteurs de différents pays. Je pense qu'il y a une relation très forte non seulement avec l'Amérique du Sud mais aussi avec les États-Unis et l'Europe en général depuis que la Colombie a commencé à se positionner dans le cinéma avec différents réalisateurs qui se sont aventurés dans des festivals. Et bien que la distribution de nos films ne soit pas si forte en Amérique du Sud, je crois qu’il y a beaucoup de fraternité pour faire des projets ensemble, on s'entraide et se complète. Je pense qu'en ce moment nous sommes à un point de développement très fort. Avant, nous nous cherchions nous-mêmes et maintenant c'est dans les deux sens puisque nous sommes un pays qui est intéressant : les autres pays cherchent des films chez nous. C'est aussi parce que des histoires très universelles sont écrites.
Monica De Greif
Ex-Ministre de la Justice de Colombie
Secretary of Economic of Development of Bogota
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
Les femmes veulent enfin qu’on les reconnaisse comme faisant partie de l’industrie du cinéma, et elles le méritent. Elles travaillent depuis longtemps et il était grand temps qu'elles se réunissent et disent ce qu'ils avaient à dire.
Natalia Agudelo Campillo
Productrice : Los dias de la ballena (2019), Poker (2011), Nadie nos mira (2018)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
J'étais là. Et j’étais au courant de l’événement avant qu'il ne se produise grâce à Cristina Gallego, elle était très excitée. Je pense que c'était très important, Cannes est une fenêtre sur le monde, et il y a eu beaucoup de couverture médiatique. Dans la réalisation, vous ressentez une grande segmentation entre les réalisateurs femmes et hommes. Nous devons visualiser les femmes qui font partie de l'industrie, dans la réalisation ou non.
Natalia Santa
Réalisatrice : La defensa del dragon (2017)
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
J'ai beaucoup réfléchi à ce que signifient ces mouvements de femmes dans le monde. Je pense qu'il est important pour les femmes de dire "arrêtez", de parler fort, de dénoncer les agresseurs. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction et il est bon de commencer à parler de ce genre de choses. En même temps, j'ai l'impression que cela doit impliquer un changement de l'intérieur, pas seulement du milieu. Hollywood et l'industrie cinématographique dans son ensemble ont une grande responsabilité dans l'idée que nous nous faisons des femmes, en tant qu'objet sexuel. Nous demandons l'égalité, l'égalité des salaires, des chances et des conditions. Nous devons faire ce changement de l'intérieur, écrire des histoires avec des rôles de femmes différents. Expliquer comment nous percevons les relations entre les hommes et les femmes. Le problème est la sexualisation des femmes, l'importance du sexe dans nos images quotidienne. A bas l'idée que nous y arrivons si nous sommes assez désirables pour les hommes.
Les femmes sont aussi les créatrices de la réalité dans laquelle nous vivons, nous ne pouvons pas simplement être considérées comme passives, comme victimes, nous sommes tellement plus. Je ne veux pas que ma fille de 8 ans se voie dans quelques années comme un simple objet sexuel, je veux qu'elle se perçoive comme une personne, une citoyenne. Et les films ont un grand rôle à jouer dans ce domaine, nous devons donc le changer en tant que femmes.
Paola Turbay
Directrice du Festival de Ciné : IndieBo
A propos de la montée des marches des 82 pour la parité au Festival de Cannes 2018
Je pense que 2017 et 2018 ont été les deux années où les femmes ont vraiment pu parler et se manifester contre quelque chose qui ne va tout simplement pas. L'inégalité et l’injustice sont désormais manifestes. Nous devons recevoir du soutien non seulement des femmes, mais aussi des hommes. Qu’ils réalisent ce qui est bien et ce qui est mal, et que certaines choses sont tout simplement inacceptables. Pour que ces choses ne soient pas acceptées dans l'industrie.
Je pense que c'est un point culminant où les femmes se sentent soutenues, ce que nous voulons, ce que nous pensons et ce que nous pouvons faire est enfin pris en compte, et pas seulement considéré comme une fable. C'est l'évolution de toutes ces années de lutte pour ce qui est juste, et c'est finalement reconnu et célébré, ce qui est très important. Créer une prise de conscience est important, mais si vous ne créez pas d'alliances, ne synchronisez pas vos pensées et vos efforts et ne vous réunissez pas en tant que groupe fort, rien ne se passera, et cela se passe enfin maintenant.
Patricia Ayala Ruiz
Réalisatrice et Productrice : Un asunto de tierras (2015), Don ca (2013), Tacarcuna (2017)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Je crois qu'en ce moment nous vivons une transformation. Le cinéma colombien est très récent. Depuis dix ans, avec la loi sur le cinéma, nous avons fait plus de films. Et avec ça, le rôle des femmes se consolide. Les femmes ont envahi la zone de production. Ce que je ressens, c'est que depuis quelques années nous migrons vers d'autres domaines, vers la direction des arts, du son, du montage et de la réalisation. Nous avons besoin de femmes autonomes qui veulent réaliser. En général, celles qui le font le font très bien. Je suis professeur à la National Film School. Nous sommes tous des cinéastes. Tous sont passionnés, et je vous dis que mes meilleurs étudiants, notamment en management, sont des femmes. Si je regarde toutes les générations que j'ai pu accompagner, celles qui se démarquent sont les femmes, elles ont la confiance, les outils et une vision particulière. Comme Cristina, pour moi c'est elle qui montre la voie, elle est fantastique.
Paula Villegas
Directrice de la Cinémathèque de Bogota
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Je suis la directrice de la Cinémathèque. Il y a un mois, nous avons eu un échantillon de créateurs afro-descendants en Colombie. Et il y a toujours ce regard que l'Afro est exclu du marché. Et dans le cadre de cette exposition, la discussion des réalisatrices africaines a eu lieu pour la première fois. Et elles ont dit que toute leur vie, elles se sont battus pour être reconnus comme des créateurs afro, et maintenant elles se rendent compte qu'elles doivent aussi se battre pour une place en tant que femmes.
Ensuite, nous avons eu le cycle rose, qui est un cycle de films gay et queer que nous faisons à la cinémathèque. Qui comprends beaucoup d’exclusion et d’inégalités également.
Vous devez prendre conscience de votre place dans la société. Et je crois qu'en tant que femme, j'ai le devoir de donner sa place pour une femme qui fait bien son travail.
Vicky Hernandez
Actrice : Mi hijo no es lo que parece (1974), Todos los gritos del silencio (1975), La Passion de Gabriel (2008), Esperando a papa (1980)
A propos de la place de la femme dans l’industrie cinématographique de son pays
Les femmes en Colombie se sont battues pour l'ensemble de la société, pour leurs propres droits, afin d'ouvrir la voie. Je ne sais pas si c'est notre géographie, notre mixité raciale, notre culture conservatrice, qui rend notre pays très dur envers les femmes, et dans les films aussi. Très peu de réalisatrices parviennent à faire leur travail, bien que beaucoup plus depuis 20 ou 30 ans, il est clair qu'un espace a été ouvert, mais il est minime. Une fois encore, les femmes doivent prouver qu'elles sont capables, elles doivent frapper à toutes les portes, faire face à des problèmes non seulement inhérents à leur travail mais au machisme, avec la position des institutions des différents noyaux sociaux, où le pouvoir est détenu par le des hommes, des hommes avec une mentalité machiste.
Le harcèlement continue, la femme doit être belle comme seule condition pour accomplir son travail, elle doit être accessible aux hommes, être disponible. Que vous dirigiez, jouiez ou produisiez.
C’est à la mode de parler des problèmes des femmes, peu importe de quelle manière ou au détriment de quoi, car cela vaut la peine de parler des femmes. Quelles que soient les intentions de ceux qui en parlent, cela peut aider à ouvrir la voie à de nouvelles femmes et à de nouvelles histoires dans le cinéma. Je fais des films dans mon pays depuis les années 70, je suis une des plus vieilles actrices qui restent dans ce pays. Je suis l'actrice qui a le plus filmé en Colombie et c'est à mon tour, comme on dit vulgairement, de déflorer la majorité des réalisateurs, je parle dans un sens cinématographique. Et tout a été une lutte, car rien ne m'a été donné, tout ce que j’ai eu c’est grâce à de nombreux sacrifices, beaucoup de travail et de longues heures de travail. Parce que je n'ai jamais été une belle femme, j'ai donc dû combattre le triple de ce que j'aurais dû combattre si j'avais été une jolie fille. Je continue à me battre pour le droit de travailler, de m'exprimer, de dire des choses et de ne pas me faire imposer la vision des autres. Je ne me ferais imposer ni des personnages, ni des moments historiques que je vais raconter, ni des conditions de travail. Jusqu'à présent, j'ai combattu des milliers de batailles, et j'ai dû renoncer à beaucoup de choses en dehors de la scène pour pouvoir m'exprimer. Cela a été très dur. Curieusement, quand les femmes dirigent, ce sont elles qui croient le moins aux actrices, ce phénomène se produit ici. Je ne sais pas s'il y a une sorte de compétition secrète. Il y a eu de nombreuses situations de compétition que les hommes mettent en œuvre. Parce que c'est aussi un moyen d'arrêter d’employer des femmes.
Maintenant, il y a beaucoup de femmes qui étudient et travaillent dans l'industrie cinématographique, mais nous sommes à un stade très naissant, malgré le fait que la cinématographie en Colombie a un peu avancé, nous n'avons pas d'infrastructure importante ou de nombreux professionnels avec beaucoup d'expérience en raison des difficultés à faire des films.
Nous avons de nombreux problèmes dans la conception du féminin au cinéma. La réalité que je vois : ce sont des femmes indépendantes, maitres de leur destin, qui doivent contribuer à la société.