Les élections du renouveau en Equateur?
L'Equateur se rend une nouvelle fois aux urnes pour les élections générales de dimanche (26 avril). Le mouvement politique de Rafael Correa, nommé Partia altiva i soberania (PAIS), est donné grand vainqueur de ce scrutin tant aux élections présidentielles, législatives que locales. Un bémol peut cependant être posé sur les résultats des élections locales (provinces et cantons) au regard du grand nombre de mouvements politiques indépendants (MPI) qui participe à nouveau aux élections.
Les élections de dimanche viennent mettre un terme à deux ans de réforme constitutionnelle. Depuis l'élection de Rafael Correa à la présidence de la république en novembre 2006, les équatoriens ont successivement approuvé la tenue d'une assemblée constituante en avril 2007 puis la nouvelle constitution en septembre 2008.
Une politique nationale contre les anciennes forces régionales.
Rafael Correa devrait poursuivre son ascension en s'assurant une victoire dimanche et ce dès le premier tour. Malgré quelques conflits internes au gouvernement et l'émergence de marques d'opposition à certaines mesures présidentielles, notamment en matière économique, Rafael Correa conserve un appui homogène dans le pays sans opposant politique direct.
Les équatoriens avaient élu R.Correa en 2006 afin de porter le pays sur la voie du changement. L'une des principales revendications était alors la fin de la partidocracia, c'est-à-dire l'éloignement du pouvoir de la vieille classe dirigeante. Ce fut chose faite. Aucun des partis politiques traditionnels ne présente de candidature pour les présidentielles. Les deux partis politiques traditionnels, le PSC et l'ID, ont définitivement disparu de l'espace politique. Respectivement implantés à Guayaquil et Quito, ces deux partis avaient exacerbé les divisions régionales dans le pays. Il faut donc croire que la nouvelle ère politique ouverte par R.Correa permettra de consolider le retour d'une représentation nationale.
Les deux principaux concurrents de R.Correa aux élections présidentielles sont les outsiders politiques issus de la crise de la fin des années 90. On retrouve à nouveau Alvaro Noboa, qui s'engage dans sa quatrième candidature, et Lucio Gutierrez, ex-président destitué en avril 2005, qui a conservé une base électorale dans la partie amazonienne du pays et dans la partie centrale des Andes. Si Correa ne remportait pas plus de 50% au premier tour, L.Gutierrez devrait passer au second tour. La quatrième candidature signifiante mais loin d'être significative sur les huit présentées, est celle de Martha Roldos, ex-alliée de Correa, dont la candidature regroupe des ex membres de l'ID mais aussi de MPAIS, déçus par les processus de négociations lors de l'assemblée constituante. Les sondages ne lui donnent pas plus de 5% des suffrages.
Rafael Correa semble donc faire l'unanimité au niveau national. La campagne électorale a d'ailleurs était donnée pauvre en débat et arguments selon les médias équatoriens. L'enthousiasme des premiers mois a été perdu chez certains électeurs, notamment dans les villes où l'inflation de la dernière année a mis à bas la classe moyenne et où le ton autoritaire du président n'est pas forcément accepté. En revanche, R.Correa a renforcé son électorat dans les provinces agricoles et en particulier sur la côte. Sa politique d'investissement dans les infrastructures routières a fortement contribué à l'extension de ses appuis. Loin d'être une politique clientéliste, Rafael Correa a fait le choix d'une politique d'investissement sur le long terme, par ailleurs recommandée dans le dernier rapport du FMI, en faveur des provinces les plus isolées pour rééquilibrer le développement économique. L'autre mesure phare du gouvernement fut la décision d'un moratoire sur le remboursement de la dette afin d'investir prioritairement ces fonds dans les politiques sociales. Face à la crise économique qui touchera plus durement l'Equateur que d'autre pays, il n'est pas certain pour autant que R.Correa puisse poursuivre pleinement ses réformes de la sécurité sociale et de l'éducation.
La nouvelle constitution a également rétabli la représentation nationale au Congrès. Depuis 2002, le congrès n'était composé que de députés régionaux. Le gouvernement de L.Gutierrez avait mis fin aux représentants nationaux pour privilégier les intérêts politiques régionaux des représentants et faciliter les alliances, majoritaires aux scrutins. Dorénavant, le congrès comptera à nouveau de quinze représentants nationaux aux côtés des cent trois régionaux.
Un Statu quo se dessine au niveau local.
Il est difficile de se prononcer sur le scénario des élections locales, car le mouvement politique de Correa, MPAIS, va être confronté à ses premières élections locales. Aux élections de 2006, seule une minorité des conseillers municipaux avait été renouvelée et l'enjeu du mouvement était alors de s'imposer avant tout au niveau national. Désormais, l'enjeu des élections locales est de taille pour MPAIS. D'une part, les dernières résistances de la vieille garde politique se trouvent au niveau local. Jaime Nebot, maire de Guayaquil et candidat à sa réélection, est le plus fervent opposant à R.Correa. D'autre part, la fragmentation politique au niveau local semble se maintenir. MPAIS va devoir rivaliser avec un grand nombre de candidats, ce qui n'assure pas forcément sa victoire.
Depuis la fin des années 90, l'Equateur a vu imploser un nombre impressionnant de mouvements politiques dits juridiquement indépendants. Leur degré de participation et de représentation est inégal sur le territoire. Plutôt significatif des provinces de la Sierra originellement, le phénomène a également gagné certaines provinces de la côte dont le Guayas. L'actuel maire de Guayaquil, Jaime Nebot s'est lui-même retiré du PSC, pour créer son propre mouvement. Rafael Correa, lui-même, a créé un mouvement politique national et non un parti politique pour s'aligner sur ce phénomène. Il n'est pas nécessaire pour le propos de cet article de rentrer ici dans une explication détaillée de ce processus où les acteurs politiques locaux ont initié la scission avec les partis politiques. En revanche, il est plus intéressant de se demander pourquoi le mouvement politique de R.Correa n'a pas réussi à regrouper ces mouvements sous l'étiquette de MPAIS au regard de l'appui national porté à la politique du président.
Deux raisons peuvent être avancées pour expliquer cette apparence de statu quo au niveau local que confirmera le scrutin de dimanche. Tout d'abord, il faut mentionner que la réforme du système électoral est le point faible de la nouvelle constitution. Depuis 1998, le système électoral s'est converti en un réel instrument de rétro action pour les partis politiques en Equateur. Le système a été transformé continuellement en juxtaposant les formules et résolutions au point d'en faire le système électoral le plus complexe au monde. La dénonciation de ces réformes électorales et de la politisation du tribunal électoral a été un des thèmes majeurs de la campagne de Rafael Correa en 2006. Certes une dépolitisation du Tribunal Suprême Electoral, nouvellement nommé Conseil National Electoral, a été opérée, mais aucune mesure n'a été prise pour clarifier le système. Seul un article de la Constitution stipule que dorénavant aucune formule ne pourra être modifiée dans l'année en cours d'une élection. Par ailleurs le nouveau texte ne pose aucune limite à la participation des mouvements politiques indépendants. Aucun degré de représentativité ne leurs est exigé pour se maintenir sur les registres. Les acteurs locaux maintiendraient donc leur pratique au regard d'un système électoral inchangé. Ensuite, il faut soulever le fait que la loi sur la décentralisation est en cours. La participation des mouvements politiques indépendants est fortement liée au degré d'autonomie administrative et fiscale des gouvernements infranationaux. On peut émettre l'hypothèse que la participation de ces mouvements sera régulée par le degré de compétence octroyé aux gouvernements locaux.
Finalement, on pourrait également penser que cette fragmentation de la participation au niveau local a été délibérément voulue par MPAIS qui n'a pas cherché à récupérer ces petites organisations politiques. Les anciennes pratiques politiques du jeu d'alliance politique et de cooptation sont peut être en train de prendre fin. A cet effet, il faut souligner que la Constitution a également rétabli le calendrier électoral qui prévalait avant 1998. Désormais, les élections locales se dérouleront simultanément aux élections législatives et présidentielles et non pas à mi période, ce qui facilitait les alliances des partis traditionnels aux mouvements politiques indépendants lors des scrutins locaux.