Normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis
En annonçant le 17 décembre 2014 le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba, le président Obama a mis un terme à l'isolement du régime castriste qui durait depuis 1961. La guerre froide est bel et bien terminée dans ce continent.
Comment expliquer une telle décision et quelles en seront les conséquences?
Le timing n'est pas anodin. Soutenu par l'ensemble de l'Amérique latine, Cuba venait d'accepter l'invitation à participer au sommet des Amériques qui aura lieu en avril 2015 à Panama. Comme en 2013, les Etats-Unis s'y étaient opposés. Le président Obama risquait l'humiliation de devoir s'assoir à la même table que Raul Castro à Panamá. Son annonce lui assure au contraire d'être accueilli en héros en avril et devrait lui permettre de relancer la coopération interaméricaine. Obama a finalement été conséquent avec une de ses promesses de campagne: il a pris acte que l'embargo avait été un échec et qu'il convenait de changer de politique.
Du côté cubain, c'est peu dire que l'heure est à la recherche urgente de solutions pratiques aux problèmes économiques. Les réformes lancées depuis deux ans n'ont pas produit les effets escomptés et, surtout, la crise économique au Venezuela se traduit par un manque à gagner évalué à plusieurs milliards de dollars. Cuba a désespéremment besoin d'investissements étrangers, et la perspective de voir augmenter le montant des transferts monétaires vers l'île est réconfortante pour le régime. Sur un plan plus politique, Raul Castro était favorable à une normalisation dans le respect des différences, ce que finalement il a obtenu.
Obama ne peut lever l'embargo par décret, donc la situation économique de Cuba devra attendre encore pour s'améliorer de façon substantielle. Le président américain a clairement indiqué au Congrès qu'il lui revenait à présent de démonter l'arsenal législatif (notamment la loi Helms Burton de 1996 qui a durci l'embargo de 1962) qui pénalise Cuba. La bataille qui s'annonce sera rude, mais elle est gagnable car l'opinion publique et une majorité de la classe politique américaine est favorable à cette levée d'embargo.
Il n'en reste pas moins que les mesures prises vont produire des effets immédiats, qui s'ajoutent aux mesures prises dès 2009:
- Cuba va être enlevé de la liste, établie par le Département d'Etat, des Etats soutenant le terrorisme, où il figure depuis 1982. Ceci va automatiquement annuler un certain nombre de sanctions. Cuba sera éligible à l'assistance économique des Etats-Unis, et l'administration américaine ne s'opposera plus à l'occroi de prêt à la Banque mondiale.
- Les Etats-Unis vont otroyer davantage de permis pour voyager dans l'île. Les catégories d'activités concernées sont larges, ce qui revient presque à une liberté totale (que seul le Congrès peut décider): culture, sports, humanitaire, fondations privées, promotion d'exportations de produits autorisés, dissemination d'information.
- Les transactions économiques vont être facilitées (utilisation de cartes de crédit, droit d'exporter du matériel de télécommunication ou de construction, montant des marchandises importées porté à $400 par personnes, etc.), et les remises autorisées passent de $500 à $2000 par trimestre.
A terme, cette normalisation politique et ces mesures économiques vont sans doute contribuer à améliorer le quotidien des Cubains. Le scénario du "Tsunami", évoqué avec effroi depuis quelques années par les autorités cubaines, ne vas pas se produire immédiatement, car le tourisme ne peut être autorisé que par le Congrès. Pour autant, les évolutions en cours vont s'accélérer. Le secteur public a déjà bien du mal à freiner l'hémorragie des fonctionnaires vers les activités "libérales". La dollarisation de l'économie va s'accélérer et, avec elle, les inégalités vont se creuser. Les derniers acquis de la révolution cubaine sont clairement menacés.
Obama l'a bien compris, l'embargo n'a fait qu'offrir au régime castriste des ressources de légitimation. Sa levée pourrait s'avérer autrement plus efficace.
Olivier Dabène