Prologue I : L’immigration européenne en Argentine, un phénomène controversé
Comme nous l’avons déjà observé dans le cas chilien, en Argentine la survenue de l’indépendance est le premier évènement qui contribue à favoriser l’immigration. A partir de 1816, en effet, le nouvel Etat argentin s’émancipe et, comme ses voisins, désire se moderniser et s’inclure dans l’ordre économique et politique mondial.
Cependant, l’indépendance est une condition nécessaire mais pas suffisante pour encourager l’immigration dans ces jeunes nations. Le cas de l’Argentine est particulier du fait de ses spécificités démographiques et économiques. En effet, au moment de sa construction, le pays compte à peine une centaine de milliers d’habitants et en 1850 sa population totale avoisine seulement le million de personnes. Cette infériorité numérique par rapport à ses voisins (même le Pérou et la Bolivie sont alors plus peuplés) est donc à l’origine des nombreuses politiques en faveur de l’immigration que mèneront les gouvernements des années 1850 à 1900. Comment espérer, effectivement, s’insérer dans l’économie mondiale si l’on dispose d’immenses étendues de terres et d’une économie principalement agricole mais que l’on manque d’une main d’œuvre suffisamment nombreuse pour exploiter ce potentiel ? Ainsi la Constitution Nationale de 1853 fait de la politique d’incitation à l’immigration européenne un principe fondamental.
A cette situation locale favorable s’ajoutent des facteurs internationaux, tels que la révolution des transports ou les crises économiques et politiques rencontrées par certains pays européens. Nous avions déjà, dans l’avant-propos historique rédigé pour le Brésil, commenté ces crises européennes à partir desquelles naissent les grandes vagues d’immigration. En Argentine le phénomène prend une ampleur particulière puisque, juste après les Etats-Unis, il s’agit du deuxième pays d’accueil des Européens sur le nouveau continent !
Bien que la nation soit favorable à ces migrations, nous verrons que les flots de nouveaux arrivants, que les autorités de la jeune nation sont incapables de contrôler, ne vont pas sans poser de sérieux problèmes. Ainsi, entre désir d’européanisation et critiques des politiques migratoires, il s’agit d’observer en quoi l’immigration européenne en Argentine a pu être un fait historique controversé.
I. De l’immigration souhaitée…
A) Un désir d’européanisation
1) L’immigration comme principe constitutionnel
En Argentine, le désir d’accueillir des migrants européens ne résulte pas seulement de visées économiques, mais témoigne également d’une orientation culturelle spécifique que les hommes politiques d’alors tentent de donner à leur pays. L’un des avocats les plus connus de l’immigration est sans doute Juan Bautista Alberdi, diplomate et théoricien politique, qui dans son ouvrage rédigé en 1852, Bases y puntos de partida papa la organisación política de la República Argentina(1) , affirme que « gouverner c’est peupler »(2) . Bien sur, il s’agit pour lui de peupler le pays avec discernement et donc de choisir une population éduquée, qui apportera savoir-faire et progrès à la nouvelle patrie. Son regard est alors dirigé vers l’Europe, perçue comme une source de civilisation et de renforcement intellectuel. C’est pourquoi la Constitution de 1853, que nous avons déjà citée, assure une absolue tolérance religieuse, à l’heure où de nombreux Européens fuient les persécutions dans leurs pays d’origine, et un bon traitement pour les immigrés sur le sol argentin. Dès son préambule, le texte indique qu’il est écrit “para nosotros, para nuestra posteridad, y para quienes quieran habitar en el suelo argentino”(3) . Les articles les plus significatifs sont néanmoins les numéros 20 et 25. Le premier commence par l’affirmation suivante “Los extranjeros gozan en el territorio de la Nación de todos los derechos civiles del ciudadano”. L’article 25 affirme quant à lui que “El Gobierno federal fomentará la inmigración europea; y no podrá restringir, limitar ni gravar con impuesto alguno la entrada en el territorio argentino de los extranjeros que traigan por objeto labrar la tierra, mejorar la industrias, e introducir y enseñar las ciencias y las artes”.
2) Immigration et appareil institutionnel
Cette vision résolument positive de l’immigration est embrassée par des présidents tels que Bartolomé Mitre, au pouvoir de 1862 à 1868, et surtout Domingo Faustino Sarmiento qui
lui succède de 1868 à 1874. Sous la présidence de ce dernier, une importante crise politique due à la guerre avec le Paraguay, conjuguée aux soulèvements internes des caudillos et à l’instabilité des frontières, le pousse à implémenter un projet « civilisateur » selon lequel la modernisation économique et politique de l’Argentine passerait par l’immigration. Il est donc le premier homme politique à réaliser des campagnes de propagande destinées à attirer l’immigrant européen et à installer des agences de l’immigration à l’étranger.
A l’intérieur du pays, ces principes fondateurs de la nouvelle République Argentine se voient continuellement appliqués jusqu’au début du XXe siècle, notamment à travers la création de véritables institutions chargées de promouvoir et de gérer l’immigration. En 1875 est créée la « Comisión General de Inmigración», chargée de promouvoir l’immigration en Argentine, des contrats sont passés avec les diverses compagnies de navigation et des « Oficinas de Propaganda » apparaissent en Europe (1886). En plus de ces institutions, l’Argentine se dote parallèlement d’un cadre légal favorable à l’immigration. La loi 817 dite « Ley de Inmigración y Colonización », votée le 6 octobre 1876 indique que le gouvernement s’engage à protéger les migrants. Ainsi, les nouveaux arrivants se voient accorder un logement temporaire gratuit, une assistance dans la recherche d’une destination de travail et une prise en charge des coûts de déplacement.
Source: Resumen Estadístico del Movimiento Migratorio en la República Argentina (1857-1924)", Ministerio de Agricultura de la Nación, sección Propaganda e Informes, Bs. As.,1925. Posteriores (Dirección Estadística de la Dirección Nacional de Migraciones).[wikipedia] |
B) Les limites des politiques migratoires
1) L’échec des politiques de subvention
Les politiques migratoires culminent sous le Gouvernement Juárez Celman (1886-1890) qui, s’inspirant du modèle paulista, met en place un système d’immigration subventionnée. En plus des mesures énumérées précédemment, les voyages transatlantiques sont alors entièrement payés par l’Etat argentin. Le déploiement de telles politiques montre l’importance qu’occupe l’immigration européenne aux yeux des autorités : la concurrence du voisin brésilien et des Etats-Unis est forte en cette fin de XIXe siècle et le besoin de main en Argentine reste important. Toutes les solutions sont ainsi envisagées pour que le pays maintienne son rang de deuxième pays d’accueil d’Amérique.
Etrangement, la politique d’immigration subventionnée sera un échec et ne durera ainsi que trois ans, de 1887 à 1890. On lui reproche en effet d’attirer les immigrants les plus pauvres d’Europe qui viennent alors s’entasser dans les quartiers délabrés de Buenos Aires, sans contribuer au progrès national. Les résultats sont en outre décevants car seule une légère hausse des entrées d’immigrés est enregistrée, bien en dessous des prévisions escomptées. La source de cet échec réside paradoxalement dans la renommée même de l’Argentine : les conditions exceptionnelles de son économie avaient de fait développé un véritable mythe argentin qui était bien plus attirant que les politiques publiques du pays. Souvent, les immigrés partaient ainsi rejoindre un parent ou un ami leur ayant vanté leur nouvelle situation de vie et court-circuitaient de la sorte les services étatiques.
2) L’impact réduit des politiques publiques appliquées à la terre
Si les politiques d’immigration de l’Etat argentin eurent un impact limité, elles déclenchèrent également des conséquences inattendues.
C’est bien l’intérieur du pays que l’Argentine entend peupler de paysans qualifiés européens et, pour les persuader de s’installer dans ces territoires, l’accès à la terre leur est promis. Néanmoins, les grands propriétaires n’envisagent guère de céder leurs privilèges et les terrains de leurs immenses estancias. Très vite, l’accès à la propriété est donc rendu impossible par manque de terres disponibles et ce sont des paysans journaliers qui viennent travailler pour les patrons « hacenderos ». On les appelle parfois les « golondrinas », « hirondelles », car ils migrent pour travailler lors de la saison des cultures en Argentine et retournent dans leur pays d’origine une fois celle-ci terminée. Ainsi, le rêve d’une immigration sélectionnée et « civilisatrice » n’est jamais réellement mis en place. Les nouveaux arrivants choisissent dès lors de rester à Buenos Aires, plutôt que d’aller dans les campagnes où ils ne peuvent prétendre à aucune ascension sociale. Même ceux installés en dans la Pampa rejoignent les centres urbains dans un mouvement général d’exode rural. Selon les chercheurs Guillermo Angel Velázquez et Sebastián Gomez Lende(4) , l’immigration est un des facteurs responsables de la répartition actuelle de la population sur le territoire argentin, notamment de la macrocéphalie de Buenos Aires. En effet, nous le verrons par la suite, c’est particulièrement dans la capitale que nous avons choisi d’étudier que les politiques doivent se confronter à la difficulté de gérer une telle augmentation de la population.
II. …A l’immigration décriée
A) Le renversement de l’image de l’immigrant
La ville portuaire devient donc le pôle d’attraction d’une nouvelle population qui apporte avec elle tout un savoir-faire technique mais aussi une culture, des traditions et des convictions. Comment éviter, dans ce cas, que ces immigrés ne regroupent par affinités identitaires et ne s’organisent socialement et politiquement ? C’est ce dernier aspect qui nous intéresse à présent. Le phénomène de l’immigration est particulièrement important à étudier du point de vu social et politique, puisqu’il a été voulu par des gouvernements et a été encadré par une législation et des institutions publiques. Toutefois, nous allons voir qu’il va tout de même échapper petit à petit aux autorités argentines et rapidement prendre des allures dissidentes.
1) Des groupes ethniques fermés
Tout au long de la période d’immigration de masse (1880-1914), environ 4 200 000 personnes débarquèrent en Argentine. On peut ainsi compter plus de 2 000 000 d’Italiens, 1 400 000 Espagnols et 170 000 Français, suivis ensuite, dans une moindre mesure, par les Britanniques, les Allemands et les Portugais. Les populations slaves et arméniennes sont également particulièrement nombreuses mais, s’éloignant de notre sujet de recherche, elles ne feront pas l’objet de notre étude.
L’arrivée massive de ces immigrés débouche très rapidement sur la formation de groupes ethniques fermés qui ne s’intègrent pas à la société argentine. Les liens communautaires sont solides et se mêlent à un vaste réseau de contacts qui ne fait que renforcer l’isolement collectivités : les patrons et propriétaires choisissent ainsi des ouvriers et locataires de la même nationalité et, dans les villes, de véritables quartiers italiens et espagnols font leur apparition. En plus d’un vigoureux associationnisme, les manifestations patriotiques européennes sont en outre très visibles. Buenos Aires est ainsi envahie par des couleurs nationales des Espagnols lors du 4ème centenaire de la découverte de l’Amérique en 1892, ou des Français, lors du centenaire de la Révolution Française.
Cependant, l’importance croissante des communautés européennes dérange les pouvoirs publics qui aspirent à l’instauration d’une société homogène. L’image de l’immigrant se dégrade donc peu à peu, d’autant que la plupart refuse d’adopter la nationalité argentine. Ne pouvant participer à la vie politique par les urnes, une scission apparaît entre la figure du « travailleurs» et la figure du « citoyen », au grand mécontentement des élites.
2) L’émergence de la question sociale et l’organisation politique des immigrés
En réalité, le refus de devenir argentin ne traduit pas une tendance apolitique des migrants. Au contraire, ils vont contribuer à l’émergence de nouvelles voies d’expression politiques qui achèveront de poser l’immigration comme un fait controversé.
Dans les années 1860, la classe ouvrière, favorisée par l’établissement d’une immigration de plus en plus urbaine, ne cesse de croitre à Buenos Aires. Rapidement, des organisations syndicalistes et de travailleurs se créent dans lesquels les migrants jouent un rôle conséquent. Des groupes tels que les Français « Les Egaux » ou les Allemands du « Club Vorwärts » (« Club Avant-Garde » en français) commencent à organiser le mouvement ouvrier en Argentine, fédérant d’autant plus facilement les travailleurs que ceux-ci sont grandement dans le besoin, comme en témoignent les nombreuses organisations régionales de secours mutuel déjà existantes. Une fois le premier syndicat (La Unión Tipográfica) créé en 1878, d’autres organisations naissent dans les diverses branches de l’économie : syndicats des employés de commerce (Sociedad de Dependientes de Commercio en 1880), ferroviaires (La Fraternidad de Maquinistas y Fogoneros de Locomotoras en 1887), maçons, boulangers etc.
En 1896 est créé le Parti Socialiste, auquel adhèrent de nombreux étrangers. Mais les immigrants apportent également avec eux, en plus du socialisme, la culture anarchiste. Ces deux forces donnent naissance à la FOA : Federación Obrera Argentina, première centrale syndicale du pays, capable de générer de véritables mouvements de travailleurs.
L’inquiétude des autorités face à cette organisation se traduit par une politique répressive dès le début du XXe siècle. En 1902, le Congrès vote la «Ley de residencia » qui donne aux pouvoirs publics la possibilité d’expulser tout étranger se rendant coupable d’un crime sur le sol argentin. Elle permet ainsi l’expulsion des immigrants participant à des organisations syndicales et notamment des leaders des premiers mouvements contestataires. Malgré l’immense grève générale (la première recensée dans le pays) déclenchée en réaction à la proposition de cette loi, les autorités ne cèdent pas et engagent un bras de fer avec les organisations prolétaires. Celles-ci, en dépit de leurs divisions internes (les socialistes se distinguent en 1903 des anarchistes en créant l’UGT - Unión General de Trabajadores), font front aux politiques et ébranlent le gouvernement de Juan Roqua, alors obligé de recourir à la force pour faire taire la contestation.
Désormais, la machine protestataire semble être mise en place et ce sont bien les migrants européens, ainsi que leurs descendants, que l’on blâme pour cela. On enregistre en effet de nombreux mouvements appuyés ou organisés par les immigrants. Le soulèvement civico-militaire organisé par l’Union Civique Radicale en 1905, la grève des loyers pour protester contre la précarité et l’insalubrité des conditions de vie dans les conventillos en 1907, la grande grève agraire de 1917 sont autant d’évènements qui s’enchainent et témoignent de l’importante confrontation entre les élites au pouvoir et le peuple. Ce conflit mène finalement, après l’établissement du suffrage universel et secret par la loi Sáenz Peña en 1912, à l’élection en 1916 du président Hipólito Yrigoyen, issu du parti de la Unión Cívica Radical, qui implémentera d’importantes réformes sociales dans le pays. Tout au long du XXe siècle, la conscience politique des immigrants et de leurs descendants, nés Argentins et donc pourvus du droit de vote, sera à l’origine de bien des courants d’opposition populaire, syndicale et sociale.
B) Le débat identitaire
1) Réorienter l’immigration ?
Il va sans dire que l’organisation sociale et politique des migrants que nous venons de décrire est à l’origine d’une forte désillusion des politiques sur les apports escomptés de l’immigration européenne à la nation argentine. Par ailleurs, la prédominance italienne est fortement contestée chez les élites, qui nourrissent l’idée selon laquelle les Européens du nord sont plus civilisés que les Méditerranéens. Se profile également la peur de l’existence d’une politique impérialiste de l’Italie envers ses « colonies libres », qu’il s’agit dès lors d’empêcher.
Dès les années 1880, émerge donc sur la scène politique un débat opposant les partisans d’une immigration spontanée et ceux d’une immigration sélective. L’idée d’opérer un « tri » parmi les immigrés est ainsi un des motifs de la politique migratoire subventionnée dont nous avons parlé précédemment: les Italiens en sont en effet exclus. Par la suite, le passage des années et l’influence des lois nord-américaines(5) n’atténuent pas les virulentes discussions traitant d’une immigration sélective. Cependant, aucune des innombrables initiatives parlementaires ne parvint à obtenir assez d’appui pour émettre une loi et rien ne sera réellement réalisé dans les domaines législatif ou administratif. Au contraire, en 1911 est inauguré à Buenos Aires un nouvel Hotel de inmigrantes aux dimensions pharamineuses !
2) Pour la création d’identité nationale ou « l’invención de la tradición »
L’échec de la mise en place d’une immigration subventionnée n’a toutefois pas apaisé les préoccupations des autorités quant à la formation d’une société argentine homogène et harmonieuse. Aussi, si la Ley de Residencia résout le problème de l’instabilité, elle ne solutionne pas celui de l’identité. Il est donc intéressant d’observer que le renversement de l’image de l’immigrant va mener à la nécessité de construire – c’est-à-dire « d’inventer » – une « tradition nationale », à même de rattacher les enfants d’immigrés à un espace d’identification commun.
L’éducation est la principale arme pour mener à bien cette entreprise. Sous le Gouvernement de Julio Roqua, l’entrée des enfants de migrants à l’école primaire publique, où l’enseignement de la langue espagnole et de l’histoire nationale sont particulièrement mis en avant, est ainsi rendue obligatoire en 1884. A ces mêmes fils de migrants s’impose, à partir de 1902, l’obligation d’effectuer une année de service militaire pour la nation. Ces instruments à « fabriquer » des citoyens argentins, inspirés des politiques de la Troisième République française, inspirés des politiques de la Troisième République française, aspirent également à la création d’une conscientisation politique. La loi Saenz Peña de 1912 instaure dès lors le suffrage universel masculin pour les argentins natifs. Si les étrangers ne sont pas inclus directement dans cette réforme, les fils de la vague migratoire de 1880, eux, le sont.
Ainsi, l’on peut observer que le problème identitaire, comme le dit Pierre Vayssière dans son ouvrage L’Amérique Latine de 1860 à nos jours, se pose plus tôt en Argentine qu’ailleurs du fait de cette immigration massive. Une des conséquences du processus de migration sera en effet de remettre en question toute la structure sociale du pays. Auparavant, les élites, principalement composées de grands propriétaires terriens, ne se voyaient effectivement pas menacées par les masses de travailleurs. Néanmoins, l’urbanisation du pays fait surgir une classe moyenne majoritairement d’origine étrangère. Celle-ci envoie de plus en plus de ses enfants dans les universités et l’éducation croissante des fils de migrants provoque dès lors un changement dans la politique.
L’oligarchie élitiste qui auparavant réclamait la « civilisation » venue de l’Europe se ferme face aux forces de la modernité, tentant de conserver leur main mise sur le pouvoir politique. Dès 1920, est entamé un mouvement nationaliste prônant un retour à une « argentinité non européenne ». La classe dirigeante associe alors sa légitimité l’ancienneté de ses racines argentines.
Un tel mouvement trouve également un certain écho dans la littérature où la figure du « gaucho » argentin est remise à l’honneur. La poésie « gauchesque », déjà réhabilité en 1872 par José Hernández avec son livre Martin Fierro, trouve un nouveau souffle avec des auteurs tels que Benito Lynch ou Ricardo Güiraldes qui font du typique cavalier argentin une figure mythique. Ce retour à des racines auparavant méprisées est d’autant plus paradoxal qu’il intervient à une époque où le traditionnel « gaucho », gardeur de bétail à cheval, se fait dans la réalité de plus en plus rare. L’antique aristocratie héritière des traditions hispaniques refuse néanmoins d’accepter cette évidence: l’Argentine s’est européanisée.