Salvador: les 100 jours de Funes
Si l'élection de Mauricio FUNES à la présidence de la République salvadorienne est en soi un moment historique, le fait en soi ne renseignait en rien sur ce qu'allait faire le nouveau pouvoir. Les enjeux étaient grands, les attentes tout aussi fortes. Certains allaient même jusqu'à penser que le véritable défi de ce nouveau Président serait d'abord de rester au pouvoir, sous-entendant que certaines forces politiques n'accepteraient jamais un tel gouvernement, ou encore que le chaos menacerait inévitablement le pays.
De ce point de vue, le simple fait de « fêter » ces 100 premiers jours de pouvoir du FMLN est un premier pas permettant de répondre aux esprits chagrins qui se manifestèrent ainsi. Le pouvoir est là, bien installé, il fonctionne, et a connu ses premières crises et ses premières victoires. Dès lors, considérons le panorama qui résulte de ce trimestre politiquement riche.
L'arrivée du FMLN au pouvoir
C'est sur ce premier point que l'on peut d'ores et déjà tirer les enseignements les plus clairs de ce que sera la présidence actuelle. On avait assez médité, durant la campagne électorale, quand aux rapports complexes en le candidat FUNES et le parti qui le soutenait. Il avait été notamment souligné à l'envie par ses détracteurs que le président potentiel ne serait qu'une marionnette aux mains du FMLN, et qu'il lui serait impossible de gouverner de manière modérée en raison des hiérarques communistes qui tenteraient de lui imposer leurs visions. La composition du gouvernement, et le processus qui y présida, infirment plutôt cette opinion, bien qu'il faille encore être prudent.
Le processus de transition fut en effet des plus souples, à l'étonnement de beaucoup, pour ne pas dire de tous. Non seulement l'ARENA, par la voix de son président d'alors, Antonio SACA, reconnut rapidement sa défaite, mais encore l'administration sortante joua le jeu, et des commissions furent nommées pour assurer la meilleure coordination possible. Celle-ci ne fut pas toujours idéale, certes, mais si l'on tient compte des rancœurs historiques entre ces deux partis, de la défiance parfois viscérale qui anime certains de leurs membres, les choses se déroulèrent bien. A telle enseigne que ledit processus fut salué, en Amérique Latine, comme dans certaines réunions internationales comme un modèle digne d'éloges. En soi, donc, ce processus semblait indiquer la volonté de tous, futur parti de gouvernement comme nouvelle opposition, de tourner la page, d'une manière peut-être enfin définitive, de la guerre civile. On pourrait presque dire que cette première alternance démocratique marquait l'aboutissement réel des Accords de Paix signés en 1992. On retrouve trace de cette volonté dans les appels renouvelés par le futur Président et certains membres de son entourage immédiat à l'Union. Une union qu'il faut entendre d'abord comme l'acceptation des différences politiques, et l'indication qu'il ne fallait pas non plus espérer ni des virages à 180° ni un statut-quo stérile. Une union d'autant plus nécessaire que le Salvador devait et doit faire face aux conséquences de la crise économique, qui se manifestent autant par la chute des exportations que par celle, une première depuis 10 ans, des « remesas », ces sommes d'argent envoyées mensuellement par la diaspora salvadorienne, implantée principalement aux Etats-Unis et durement touchée par le chômage. Une union, enfin, rendu évidente par l'équilibre des forces au Parlement, qui rend impossible toute modification de la Constitution mais aussi toute nomination d'importance, sans l'accord des deux grandes forces que sont le FMLN et l'ARENA. Sans parler de l'approbation des prêts internationaux, véritables poumons d'un budget exsangue, qui passe par un vote à la majorité renforcée, d'où là encore compromis obligatoire. Il est intéressant de noter que dans deux de ses trois discours les plus importants, celui lors de la victoire électorale de mars 2009, puis celui prononcé lors de la fête nationale du 15 septembre, le thème de l'union nationale a été un point central. Ce fut moins vrai lors de son discours d'entrée en fonction du 1er juin, mais le moment historique s'y prêtait sans doute moins et il convenait alors de marquer la rupture.
Le nouveau pouvoir
Le second moment de vérité fut la constitution du gouvernement. Il s'agissait ici de vérifier la mise en pratique des paroles du candidat FUNES, à savoir que son gouvernement ne serait pas celui d'un parti, mais qu'il serait ouvert à ceux désireux de participer au « changement » sans esprit partisan. C'était là un de ses thèmes réitérés au long de la campagne, et qui fit l'objet d'un certain nombre de spéculations de part et d'autre. Le processus de nomination des ministres prit du temps, et l'on ne connut l'ensemble du cabinet que deux jours avant la prise de pouvoir. Bien des noms furent évoqués. Au final, l'équilibre obtenu par le Président FUNES est remarquable : 7 ministres sont du FMLN, contre 6 qui ne le sont pas. Encore le cas particulier de la Ministre de la Santé est-il à part, car Mme Rodriguez ne fut jamais directement lié au FMLN, même si son précédent poste de Rectrice de l'Université Nationale, la seule université publique du pays, implique une certaine proximité avec ce parti. Son intérêt pour les droits des femmes, son rôle de médecin toujours sensible aux questions sociales plaide également en ce sens. Mais il n'est pas établi qu'elle fut militante, disons plutôt sympathisante probablement. Si l'on examine le tableau ci-dessous, on prend la mesure non pas seulement de la répartition en nombre, mais bien des postes distribués :
- Ministres FMLN Affaires Etrangères, Justice et Sécurité, Education,Travail, Travaux Publics, Intérieur, Santé
- Ministres non FMLN: Finances, Economie, Défense, Agriculture, Environnement, Tourisme
Le quasi-équilibre numérique est en effet contrebalancé par l'importance des postes contrôlés par le FMLN : la plupart relèvent des attributions régaliennes de l'Etat, et permettent une surveillance effective des politiques mises en œuvre. C'est en particulier le cas des ministères dits sociaux (Education, Travail et Santé) mais aussi des ministères d'autorité (Sécurité, Intérieur, Affaires Etrangères). Par contre, sans doute pour donner des gages de modération au secteur privé et aux investisseurs internationaux, c'est tout le domaine économique qui semble échapper au parti de l'ex-guérilla communiste : Economie, Finances, mais aussi Tourisme et Agriculture. On note également que les Forces Armées, qui auraient sans doute été très froissées de se retrouver sous l'autorité d'un ministre issu de l'anciennes guérilla échappent à ce traumatisme, même si la nomination du colonel Mungia Payes fut la dernière annoncée. Sa promotion au grade de Général, une tradition dans tous les gouvernements locaux, a d'ailleurs provoqué bien des grincements de dents. Elle lui avait été refusée, à l'époque, par le Président Cristiani, au motif de sa participation à la Junte qui tenta d'éviter la guerre civile.
Cela étant, tout le monde se trouve ainsi satisfait, mais aussi mécontent. Certaines voix au FMLN font ainsi remarquer que le Parti fut la base de cette élection et n'a pas mis la main sur les ministères « capitalistes ». D'autres se font un plaisir de souligner la mainmise du FMLN sur les principaux leviers de contrôle de l'Etat. D'une certaine manière, au-delà des polémiques politiciennes de rigueur en la matière, cette double critique est rassurante, car elle prouve que les deux visions sont fausses. Mais, et c'est là un des risques inhérent à la candidature de Mr FUNES et à sa présidence aujourd'hui, elle place le Président en situation d'arbitre permanent entre ces deux forces qui constituent sa majorité : d'un côté le FMLN, de l'autre les « Amigos de Mauricio ». Cette configuration d'une sorte de cohabitation interne peut certes générer une certaine créativité, et permettre donc d'élaborer des solutions originales aux problèmes du pays. Elle peut cependant se transformer en luttes intestines, voire paralyser l'action du gouvernement. Certaines annonces ont ainsi déjà illustré ce risque. L'opposition en profita aussitôt pour accuser le pouvoir de ne pas savoir où il voulait aller, et de n'avoir aucune stratégie claire. C'est là un argument classique, mais il n'est pas toujours dénué de fondement en l'occurrence, et pourrait affaiblir éventuellement l'efficacité du Président, sapant ainsi peu à peu sa crédibilité. On retrouve là un des points de bataille de l'ARENA lors de la campagne électorale. Il faudra tout le talent du Président FUNES, son sens de l'entregent mais aussi la vigilance de l'appareil qui forme son cabinet pour éviter que les ministres ne s'écharpent par des commentaires ou des déclarations trop rapides ou trop vives.
Il serait cependant erroné de s'arrêter au comptage des Ministres. Le cabinet salvadorien compte certes officiellement 13 Ministres. Mais c'est sans compter les Vice-ministres, que nous appelons secrétaires d'Etat. Il s'en décompte plus de 20 .... Soit plus que les Ministres eux-mêmes ... Au-delà des interrogations que ne peut manquer de faire surgir une telle pléthore, dont les intitulés laissent souvent perplexes quant aux tâches relevant réellement de telle ou telle attribution, il faut s'intéresser aux nominations de ces personnes pour prendre la mesure des rapports de pouvoir au sein même du gouvernement. Et là, le compte n'y est pas totalement pour le FMLN. Sous la réserve expresse qu'il est délicat de classer tel ou tel comme membre ou non du FMLN (l'appartenance à ce parti a souvent été discrète pendant des années), on dénombre donc seulement 6 Vice-ministres membre officiellement du FMLN sur 20 titulaires ! Si ce compte est correct, on mesure donc une marque plus nette du Président FUNES sur son gouvernement. Car, outre le fait que certains de ces Secrétaires d'Etat sont à la tête de secteurs-clés, comme celui chargé du Logement, ou bien encore celui chargé des Salvadoriens de l'extérieur, il faut souligner que certains ont ni plus ni moins le rôle de ministre-bis lorsque leur ministre de tutelle dispose d'une compétence limitée dans le domaine qui lui a été attribué. Néanmoins, on notera que lorsqu'un ministre n'est pas membre du FMLN, il est presque systématiquement flanqué d'un doublon qui l'est ; l'inverse étant vrai également. Ainsi Hector DADA, l'un de membres les plus notables du gouvernement non FMLN, est doté à la fois d'un secrétaire d'Etat à l'Economie, ce qui est pourtant son titre propre, issu de la société civile, mais aussi d'un secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Industrie, qui est, lui, membre du FMLN. De la même manière il y a un Ministre des Travaux Publics, mais aussi un Secrétaire d'Etat aux Travaux Publics, membres tous les deux du FMLN, et qui travailleront avec leur collègue secrétaire d'Etat au logement, secteur important, qui ne l'est pas. Pour compléter l'équipe de ce ministère, on trouve également un secrétaire d'Etat aux Transports, secteur important et remuant, source d'une quantité de problèmes qui ont toujours été le talon d'Achille de ce portefeuille, également membre du FMLN. Voila donc 4 personnes en tout, chargées d'œuvrer ensemble dans ces domaines connexes. Ces considérations amènent donc à nuancer notre propos quant à l'influence directe du Président FUNES. Il a certes pu placer des hommes qui lui sont redevables, mais il a dû aussi là encore composer avec le Parti.
A ces attelages parfois curieux, il convient d'ajouter enfin les diverses agences gouvernementales et autres dépendances. En établir la liste serait fastidieux, mais ignorer leur rôle serait une erreur car certaines sont en fait de véritables ministères, dans leurs attributions si ce n'est dans leur dénomination. Et là, par contre, la marque du Président FUNES semble plus nette. Si l'on prend les 6 plus importantes, il n'y a qu'un membre direct du FMLN, et encore est-ce à la tête de la Loterie Nationale, poste qu'il ne faut négliger car il rapporte des sommes importantes au budget. Mais on trouve à la direction de ces dépendances, des personnes d'origine fort variée. Ainsi le FSV, qui gère les fonds en faveur du logement social, sera dirigé par Tomas CHEVEZ, ex-candidat présidentiel du PCN en rupture de son parti ! De même la CEPA, l'organisme qui gère les ports et aéroports du pays, sera aux mains de LOPEZ SUAREZ, ancien ministre de SACA. Enfin le Fonds du Développement social, qui œuvre dans les principaux programmes sociaux, sera dirigé par Hector Silva, ancien député FMLN certes, mais surtout fondateur du FDR, le défunt parti formé des déçus du FMLN. Hector SILVA fut aussi maire de San Salvador, la capitale. C'est enfin à un entrepreneur indépendant qu'est confié la CEL, l'autorité de gestion des réseaux de production électrique. Sans doute sont-ce là autant de signes de l'ouverture à la salvadorienne.
La mise en place progressive d'une nouvelle politique
La transition s'était bien passée, certes, mais elle n'empêcha pas le jeu classique des découvertes pas toujours heureuses une fois la passation des pouvoirs effectuée. Certains ministres se retrouvèrent avec des bureaux vides, des classeurs expurgés. D'autres durent d'abord mettre de l'ordre dans le personnel sous leur responsabilité. Ce processus s'accompagna des dénonciations d'usage, et des protestations d'honnêteté de la nouvelle opposition. On découvrit ici des postes en surnombre, là des contrats en faveur de l'épouse ou de l'ami. Ce furent encore des loyers extravagants ou des frais difficilement justifiables. Plus sensible, un certain nombre de fonctionnaires furent remerciés et priés de se trouver d'autres tâches. La défaite de l'ARENA compliqua ce phénomène car le parti de droite, pour la première fois dans l'opposition, non seulement n'y était pas habitué, mais n'avait pas les postes nécessaires pour héberger ses anciens affidés, dont certains se sont retrouvés sans rien. Situation délicate, et qui favorisa les protestations en tout genre et l'accusation de revanchisme et de chasse aux sorcières. Il faut rappeler ici que les fonctionnaires ne bénéficient pas tous du même statut, et que celui-ci n'est pas de même nature qu'en Europe, en particulier en France. Un certain nombre de ces travailleurs de l'Etat sont en fait des personnels sous contrat, et celui-ci peut dès lors être rompu.
Sur le plan politique, les principales annonces furent à la fois prudentes et symboliques. Prudentes car le contexte n'est guère porteur. Le gouvernement hérite d'un budget structurellement déficitaire, et l'année 2009 voit les rentrées fiscales nettement moindres que prévues. Les exportations baissent, la consommation est affectée par les prix du pétrole et la réduction des fameuses « remesas ». Les principales décisions notables en la matière furent d'une part un redéploiement des lignes budgétaires, conçues en accord avec l'ARENA, avant même la passation du pouvoir, et d'autre part la négociation de lignes de crédit auprès du FMI et de la BID afin de faire face aux problèmes les plus immédiats en élaborant un plan anticrise comme on en trouve dans la plupart des pays. On remit à plus tard une réforme fiscale, qui seule permettra à la fois de tenter de remonter la pente d'un déficit qui se creuse, et d'instaurer un peu plus de justice dans les contributions des uns et des autres aux dépenses publiques. Il faut souligner ici que ce sera sans doute l'occasion d'un bras de fer redoutable, car bien des membres de l'ARENA feront de ce sujet un casus belli et de l'attitude de ce parti dépend en grande part la possibilité pour le Président FUNES non seulement de pouvoir honorer une de ses promesses électorales, mais tout simplement de pouvoir faire fonctionner l'Etat et de mettre en œuvre certaines politiques. Sans doute l'élaboration actuelle du budget 2010 sera l'occasion d'observer de plus près les inflexions voulues par le pouvoir. Au rayon des mesures symboliques, on trouve la mise en place d'une pension pour les personnes âgées qui en sont dépourvues, en particulier dans les communes relevant du nouveau plan de « Comunidades solidarias », appelé à prendre le relais, en l'étendant, du système de « Red Solidaria » créé par l'ancien Président Saca. Cette mesure de bon sens évitera le pire à ces personnes, souvent isolées et qui jusqu'ici passait au travers des mailles du mince filet de protection sociale local. On peut relever que l'Union Européenne vient d'ailleurs d'annoncer qu'elle abonderait ce type de programme par une dotation quinquennale de quelques millions d'euros.
On peut enfin mesurer la relative réussite de ces premiers 100 jours à trois éléments qui ont ponctué l'exercice du pouvoir, et, en quelque sorte, lui ont servi de baptême du feu. En premier lieu, une crise institutionnelle. L'arrivée au pouvoir du FMLN a coïncidé avec l'obligation de résoudre deux vacances de pouvoir déterminantes. L'une concernait la Cour Suprême de Justice, l'instance maximale du pouvoir judiciaire, dont 4 membres devaient être renouvelés, en particulier son Président. Election fondamentale, par sa portée symbolique, mais surtout pratique, l'institution exerçant la tutelle sur tout le système judiciaire, depuis la nomination des juges jusqu'à la mise en place de quelque politique que ce soit en matière de sécurité. Le processus avait débuté sous la précédente mandature, sans succès. De la même manière, la « Fiscalia General », sorte d'équivalent de notre Procureur General près la Cour de Cassation, autorité suprême en matière de pouvoir d'enquête et de police judiciaire, était sans titulaire. Ces deux cas complexes, indispensables au bon fonctionnement des pouvoirs et à la mise en œuvre des politiques nécessaires, prirent un certain temps, mais aboutirent finalement, après bien des péripéties, aux nominations requises. On ne peut que constater l'implication directe du Président FUNES dans ces deux problèmes, par divers moyens dont des réunions de conciliation sous l'égide de la présidence. C'est donc en partie à son crédit que l'on peut inscrire la nomination lente mais correcte des personnes concernées. Or la question de la sécurité est essentielle non seulement pour le pays, étourdi par une vague d'homicides très élevée et qui fait craindre à beaucoup le retour des années noires de l'insécurité. L'assassinat récent du documentariste franco-espagnol Christian Poveda en est l'illustration la plus marquante. C'est un domaine sur lequel l'actuel gouvernement sera jugé attentivement car la droite a toujours fait de la sécurité sa marque de fabrique, sans succès tonitruant mais avec quelques réussites dans l'ensemble. La gauche joue donc sur ce terrain de sa crédibilité comme force de gouvernement.
En second lieu, une crise politique régionale avec le « vrai-faux coup d'Etat » au Honduras. Cet événement, dont l'effet dépasse le Salvador, a provoqué bien des réactions dans le pays. Non seulement les liens économiques et humains sont forts, mais l'exil forcé d'un Président de gauche augurait mal des perspectives d'avenir pour le tout jeune gouvernement salvadorien, en soulignant à l'envie la fragilité relative des démocraties d'Amérique Centrale. Coincé en les soubresauts d'un Guatemala sombrant dans l'anarchie et la famine, d'un Nicaragua tonitruant mais instable, pourvu désormais d'un voisin oriental qui s'enfonce dans une crise politique, El Salvador parait un ilot de démocratie bien isolé ! C'est certainement flatteur pour le pays, mais d'aucuns y ont vu le rappel que certaines élites économiques locales n'ont pas complètement assimilé l'idée que le pouvoir pouvait leur échapper. La réaction du gouvernement salvadorien fut donc scrutée par l'ensemble des forces politiques, et là encore le Président FUNES sut trouvé le bon équilibre, entre, d'une part, la réaffirmation de son attachement au règlement démocratique et pacifique de ce conflit interne à un pays souverain, jouant ainsi la carte de l'appui à la solution proposée non seulement par le Président ARIAS, mais soutenue par les instances régionales et internationales, et, d'autre part, la critique de gauche d'une action qui entache le fonctionnement régulier d'un pouvoir élu, propre à satisfaire son aile FMLN. Il faut relever que la crise hondurienne provoque un relatif blocage du fonctionnement de toutes les instances régionales, PARLACEN ou SICA, et entrave la bonne conclusion des Accords d'Association négociés entre la région Centraméricaine et l'Union Européenne. Sur le plan intérieur, le Président a su donner des gages tant à ceux qui lui reprochaient de faire la part belle aux milieux économiques nationaux et internationaux, tout en parvenant à mettre en avant certaines mesures progressistes. Ainsi son gouvernement a obtenu par deux fois des aides du FMI pour un montant élevé (près de 1,6 milliards de dollars de crédits), témoignant de la confiance envers le pays ; il a également maintenu un dialogue direct avec les instances représentatives du patronat salvadorien (ANEP et ASI par exemple). D'un autre côté, il a mis en place un Conseil Economique et Social, sur le modèle français, avec une parité entre secteur privé et secteur issu de la société civile ; ou bien encore le FMLN a décidé de ne pas voter une réforme constitutionnelle, pourtant entamée sous la précédente législature, visant à inscrire dans la Loi fondamentale l'interdiction du mariage aux personnes de même sexe.
C'est sans doute pour toutes ces raisons que le Président FUNES a obtenu une bonne note dans l'évaluation trimestrielle mesurée par le journal La Prensa Gráfica, opération traditionnelle depuis de nombreuses années, et qui vise à mesurer le degré de soutien dont dispose les autorités gouvernementales. On notera à ce sujet que ce sont les actions en matière d'éducation et de santé qui ont recueilli le plus d'approbation, alors que la sécurité constitue le point noir et que l'économie reste mal jugée. Ce gouvernement semble donc plutôt bien parti, mais il a devant lui le plus dur : faire approuver son budget par une Assemblée où il ne dispose pas de la majorité nécessaire pour le faire seul. C'est seulement après cette épreuve que l'on pourra affirmer que le nouveau pouvoir salvadorien a passé avec succès son certificat de gouvernabilité, et qu'il pourra vraiment s'engager dans la mise en œuvre de son programme.