Corentin Cohen
Si les confraternités nigérianes occupent une place croissante dans les médias au nom de la menace criminelle qu’elles représentent, elles n’ont fait l’objet d’aucun travail de recherche de terrain au Nigeria ni en Europe. Cette médiatisation alimente une confusion croissante entre les catégorisations juridico-policières qui sont utilisées pour les définir et les pratiques et discours panafricains, de solidarité ou d’émancipation, qu’elles mettent en avant. L’approche socio-historique développée dans cette étude permet de mettre en perspective l’expansion globale des confraternités depuis les années 2000, et de proposer un autre regard sur le rôle de ces sociétés secrètes et leur inscription dans des économies politiques et des territoires différents. En Europe, les confraternités sont d’abord des institutions sociales encadrant la jeunesse et les diasporas. Elles assurent la reproduction du pouvoir des élites tradition-nelles et politiques à l’étranger par la captation des rentes liées aux migrations (remittances), et jouent donc un rôle clé dans la production d’une forme de mondialisation de la société nigériane par le bas, participant à l’implantation des institutions morales et sociales du sud du pays en Europe. Derrière un discours d’empowerment et de solidarité, les confraternités sont ainsi un réseau transnational qui per-pétue un ordre conservateur, une hiérarchie sociale et des inégalités qu’elles contribuent à naturaliser.
Evelyne Ritaine
La construction politique de la frontière extérieure de l’UE en Méditerranée, envisagée du point de vue des Etats de l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Malte), montre l’importance de la charge politico-symbolique du contrôle de la frontière pour ces Etats. Elle détermine en grande partie les modalités des contrôles mis en place, et les intrications entre décisions nationales et décisions européennes. La mise à l’agenda de cette question fait apparaître une version méditerranéenne des frontières extérieures de l’UE, largement déterminée par les conditions d’intégration des différents pays méditerranéens dans l’espace Schengen. Ce nouveau régime frontalier révèle des jeux politiques complexes, tant cette frontière méditerranéenne est saturée par des échanges politiques qui en construisent une vision sécuritaire. Considéré comme un produit de ces différents processus et tensions, l’actuel dispositif de contrôle apparaît bien moins planifié et légal-rationnel qu’erratique et travaillé par des tensions permanentes, entre tactiques internes, stratégies étatiques et tentatives de communautarisation.
Marc Lazar
Marie-Laure Basilien-Gainche
A la suite du printemps arabe qui a marqué le début de cette année 2011, quelque 30 000 Nord-Africains ont débarqué sur les côtes italiennes et ainsi ravivé les peurs d'une Europe en crise de croissance et d'identité. Dénonciation d'un manque de solidarité entre Etats membres de l'Union dans le partage du « fardeau » de l'accueil des migrants par les uns, accusation d'un manque de vigilance dans les contrôles aux frontières extérieures de l'Union par d'autres, les tensions se sont avivées entre l'Italie et la France ; entre les Etats méditerranéens et les autres ; entre certains Etats membres et l'Union ; entre le Conseil et la Commission. Le débat sur une remise en cause des accords de Schengen met en évidence combien les fondamentaux de cet espace sont aujourd'hui malmenés, qu'il s'agisse de la libre circulation des personnes ou de la confiance mutuelle entre Etats membres.