Allemagne : Les limites du consensus
En partenariat avec Alternatives Internationales
Mollassonne, sans débats ni clivages, la campagne électorale n’est pas à la hauteur des défis que devra affronter une coalition aux contours encore incertains.
S’il est une campagne électorale sans relief, c’est bien celle que connaît l’Allemagne en vue de la réélection de son parlement, le Bundestag, le 22 septembre. Comme l’a écrit la Süddeutsche Zeitung le 19 août dernier, la seule vraie différence qui semble opposer le parti majoritaire de droite sortant, la CDU-CSU, au principal parti de gauche, le SPD, est que le premier est au gouvernement alors que le second est dans l’opposition. Leurs deux programmes respectifs appellent en effet à ne pas augmenter trop les impôts, à introduire un salaire minimum qui se substituerait aux actuels accords de branche et à faire en sorte que l’Union européenne n’accroisse pas les transferts budgétaires de l’Allemagne vers les pays du sud du continent. Cette absence de clivage donne un avantage à la chancelière sortante, Angela Merkel. Celle-ci joue la carte de la bonne gestionnaire des finances publiques qui entend continuer à protéger l’épargne de ses concitoyens. Elle profite, en outre, du manque de popularité du leader du SPD, Peer Steinbrück, qui a notamment dû avouer qu’il avait perçu, avant la campagne, des honoraires élevés pour des conférences. Les problèmes de fond ne manqueront pourtant pas de se poser au prochain gouvernement. Depuis l’été 2012, un ralentissement des exportations dans la zone euro a des conséquences directes sur la croissance. Le FMI a souligné, dans un rapport rendu public le 6 août dernier, que dix ans de gel des salaires (2002- 2012) avaient un impact négatif sur la consommation interne et qu’il conviendra de la relancer. De même, la précarité sociale s’est accrue avec l’introduction entre 2003 et 2005, sous le gouvernement du SPD Gerhard Schröder, des lois Hartz qui ont permis la création de « minijobs» rémunérés à des taux horaires très bas. Le prochain gouvernement devra veiller à ce que le nombre de travailleurs pauvres n’augmente pas, ce qui explique les propositions des deux principaux candidats visant à introduire un salaire minimum. Enfin, la responsabilité de l’Allemagne en Europe, en tant que première puissance économique, se trouvera au coeur de l’agenda du futur chancelier et du futur Bundestag. Des intellectuels proches du SPD, dont Jürgen Habermas, considèrent que l’Allemagne devrait à l’avenir jouer plus collectif dans ses réformes économiques et assumer une responsabilité plus grande encore à l’égard des difficultés de la zone euro. Aucun pronostic clair sur la coalition qui découlera des élections ne peut être dressé aujourd’hui. La possibilité d’une grande coalition entre la CDU-CSU (crédité de 40 % des voix) et le SPD (crédité de 23 % des voix) sur le modèle des années 2005-2009, n’est pas exclue. Angela Merkel y aurait intérêt d’un point de vue strictement électoral, car une grande coalition empêcherait le SPD d’affirmer ses différences idéologiques à l’égard de la CDU-CSU. Le SPD aurait en revanche avantage à gouverner avec les Verts, crédités de 13 % des voix. Mais cela dépendra du score que feront les écologistes, notamment dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest, où ils séduisent de plus en plus la bourgeoisie urbaine. Plus à gauche, le parti Die Linke, qui trouve son réservoir de voix essentiellement dans l’ex-Allemagne de l’Est, pourrait en théorie contribuer à la formation d’une coalition de gauche, avec 8 % des intentions de vote. Mais il faudrait pour cela que le SPD accepte d’amender une bonne partie de son programme économique, ce qui semble exclu. Reste le scénario de la continuité amenant Angela Merkel à former à nouveau une coalition avec les libéraux du FDP. Pour cela, ces derniers devront franchir la barre des 5 % des voix, ce que les sondages semblent considérer probable. Au final, les combinaisons CDU-CSU-FDP d’une part, ou SPD-Verts d’autre part, sembleraient préférables à toutes les autres, afin que la première économie européenne puisse elle aussi se réformer et non être l’incessante prisonnière de ce que le politiste allemand Fritz Scharpf a appelé, il y a vingt ans déjà, le « piège de la décision conjointe »