Comment les données façonnent notre vision de la guerre ? (DATAWAR)

 
Responsable(s)

Sciences Po 
- Frédéric Ramel (project coordinator)
- Louise Beaumais 
- Iris Lambert

Ecole Polytechnique (Linx)
- Thomas Lindemann (work package coordinator)
-  Grey Anderson

Sciences Po Lille (CERAPS)
- Eric Sangar (work package coordinator)
- Sami Makki

A propos

Comment les représentations de la violence sont-elles influencées par l'« agence des données », c'est-à-dire les pratiques sociales de collecte et d'analyse des données dans les études quantitatives des conflits armés ?

Un grand nombre des interprétations causales des conflits armés ont bénéficié de la vérification empirique par les outils de la recherche quantitative, et ceci bien avant les débats actuels sur les Big Data. Les premières grandes bases de données « mesurant » les conflits ont été construites après l’émergence du comportementalisme dans les sciences sociales au cours des années 1960. Depuis lors, les publications mobilisant des grands ensembles de données ont contribué à renforcer et à spécifier de nouvelles propositions théoriques telles que le déclin des conflits interétatiques depuis 1990 ou la thèse de la « paix démocratique ». En outre, institutions politiques, ONG et les médias s’appuient de plus en plus sur les résultats des études quantitatives pour « prédire » les conflits armés et développer leurs positions analytiques et normatives.

Cependant, au sein de la communauté scientifique, la validité des résultats produits par la recherche quantitative positiviste sur les conflits est de plus en plus remise en question. Les critiques visent, entre autres, la fiabilité des données collectées, la qualité des modèles mathématiques utilisés dans l’analyse statistique, et les pratiques de dissémination pratiquées par les grandes revues scientifiques.

Mais comment les résultats de la recherche quantitative sur les conflits influencent-ils réellement les perceptions des praticiens à l'égard des conflits armés ? La littérature en science politique existante analyse principalement les manières dont les chiffres sont instrumentalisés par les gouvernements dans le contrôle les populations et la numérisation du champ de bataille. Par exemple, les données quantitatives en matière de sécurité internationale sont utilisées pour la persuasion, la (dé)politisation et la standardisation. En revanche, des enquêtes approfondies visant la réception des pratiques de la production scientifique, y compris les logiques internes de la collecte des données et de leur analyse et publication, sont largement absentes ce ces recherches existantes.

La principale question de recherche de ce projet est donc la suivante : comment l'« agence » des données quantitatives sur les conflits, comprise ici comme l'ensemble des pratiques scientifiques associées à la génération, au traitement, à l'analyse et à la dissémination scientifique de grands ensembles de données sur les conflits armés, influence-t-elle les représentations et les attentes liées à la guerre dans les médias, les institutions politiques et les ONG ?

DATAWAR réalisera la première étude systématique des pratiques scientifiques dans le domaine des études quantitatives sur les conflits ainsi que leur impact sur les représentations de la guerre par les praticiens, couvrant le cycle de vie complet des données sur les conflits, à commencer par leur collecte et analyse jusqu’à leur réception et interprétation par les journalistes, les représentants d'ONG et les officiels de trois grands pays activement impliqués dans la gestion des crises internationales : la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Le projet explore l'hypothèse selon laquelle la production scientifique dans les études quantitatives de conflit est moins propulsée par l'innovation théorique que par la « politique des données », c'est-à-dire la disponibilité, la réputation et la malléabilité mathématique des observations quantifiées des conflits. En conséquence, nous anticipons que les interprétations des conflits développées par les praticiens sont soumises à des perceptions erronées causées par la nature des données disponibles, par le type de modèles mathématiques utilisés pour analyser et potentiellement « prédire » les conflits, et par le recours trop restreint aux arguments théoriques disponibles.

Programme

Septembre 2020 : WEBINAR de lancement de DATAWAR en ligne.

Octobre 2021 : “Lost in quantification ? Armed Conflict Databases and Humanitarian Practices”, panel organisé dans le cadre de la Conférence de l’International Humanitarian Studies Association organisée à Sciences Po Paris.

Décembre 2021 : Workshop « Datawar » organisé par l’École Polytechnique.

Novembre 2022 : Participation au symposium du Centre de crise de l'université de la Bundeswehr à Munich.

Décembre 2022 : Participation à un colloque en tant qu’invités par Sorbonne université sur le thème Data and sustainable development.

Juin 2023 : Participation au Workshop “Practices of Crisis Management”, King’s College London.

Septembre 2023 : “Data on War or Data for War? How quantitative data may change perceptions of armed conflict and influence senses of ontological (in)security”, Panel organisé dans le cadre de l’European International Studies Association Congress (EISA), Potsdam.

Octobre 2023 : Participation à l’IUS Armed Forces and Society, Reston à Washington D.C.

Décembre 2023 : Colloque de clôture du programme DATAWAR à Sciences Po Lille. 

Travaux

Bad Data Better Than No Data? How Journalists Use Numeric Data in Reporting Armed Conflicts 
Iris Lambert
International Journal of Communication 18(2024), 5343-5362.


Datawar. (2022).Bons chiffres, fausses prédictions ? Pourquoi la guerre en Ukraine a pris l’Europe par surprise,La Vie des idées.

Anderson, G. (2023). “Weapon of power, matrix of management: NATO’s hegemonic formula,” New Left ReviewII:140/141 (March-June 2023), 5-34.  

Beaumais, L. (2023). “Les systèmes d’alerte précoce ou l’illusion de l’objectivation”. Cités, (3), 83-96. 

 Beaumais, L. (2023). “Do humanitarian workers really trust numbers? An assessment of the use of quantitative data in the humanitarian field”. Journal of Humanitarian Affairs, 5(1), 24-36. 

Beaumais, L. & Ramel, F. (2023) “Diplomats, soldiers, and armed conflict databases: Another French exception?”, Global Studies Quarterly, 3(2). 

Lindemann, T. (2022). “Vers une dé-réification de « l’intérêt » dans l’analyse des conflits”. Cultures & Conflits, 137-152.  

Lindemann, T. (2023) “Theorising danger or dangerous theories? Positivist data and the making of the China threat”. PARISS: Political Anthropological Research on International Social Sciences, 1-21. 

Lindemann, T. Anderson G. (2023) “Worlds of datawar”, PARISS : Political Anthropological Research on International Social Sciences, 4, 5-22. (Paris 4.1)

Sangar, E. (à paraitre en 2024). “Sécuriser l’avenir pour mieux militariser le présent ? Le projet de la Red Team du ministère des Armées français”, Cultures & Conflits (manuscrit accepté pour publication) 

Ouvrage à paraître 

DATAWAR. Quantifying International Conflicts. Data on War or Data for War. Palgrave MacMillan, Contrat signé en juillet 2023 pour une remise du manuscrit au printemps 2024. 

A destination des praticiens

Policy Briefing - Datawar 2023

Partenaires

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