La France face aux défis écologiques et climatiques
Jusqu’aux années 2000, la France ne se distinguait guère par son volontarisme en matière écologique et climatique. A la suite du Grenelle de l’environnement de 2007, le pays a néanmoins su s’imposer rapidement parmi les champions de la cause écologique en Europe. A l'époque, les dirigeants français et européens avaient fait le pari que la contrainte écologique devait promouvoir l’innovation et donc la compétitivité de la société et de l’économie. En 2008, pendant le semestre où elle exerçait la présidence du Conseil de l’Union européenne, la France a promu avec force le Paquet climat-énergie, qui fixait l’objectif de « 20-20-20 », à savoir 20% d’énergies renouvelables, 20% de réduction des émissions de CO2 et 20% d’efficacité énergétique, qui figurent maintenant parmi les huit objectifs principaux de l’Union européenne à l’horizon 2020. L’autre fait remarquable de ces dix dernières années en matière environnementale et climatique a été l’adoption en 2015 de l’accord de Paris sur le climat. La Conférence de Paris a réussi l’exploit de produire un document qui engage à la fois les pays développés et les pays en voie de développement et notamment la Chine, l’Inde et le Brésil1. Aujourd’hui, la diplomatie française est universellement reconnue pour son leadership et sa capacité de médiation en matière climatique.
Cependant, la communauté internationale est confrontée à de nombreux défis écologiques et climatiques. Si l’on prend en considération les dix-sept Objectifs de développement durable adoptés par l’ONU en 2015, on remarque que cinq d’entre eux sont directement liés à l’écologie et au climat : accès à l’eau salubre et à l’assainissement, recours aux énergies renouvelables, lutte contre le changement climatique, vie aquatique et vie terrestre. Même si tous les Objectifs de développement durable sont liés les uns aux autres et contribuent à la protection de l’environnement et à la lutte contre la déréglementation climatique, la présence sur la liste de ces cinq objectifs atteste du consensus international sur leur importance par rapport à d’autres domaines des politiques environnementales et climatiques. La France, dans son rapport national de 2016 sur la mise en œuvre des objectifs, apporte son soutien à ce processus onusien et recense les nombreuses actions qu’elle mène sur le territoire métropolitain et outre mer pour contribuer à atteindre ces objectifs à l’horizon 2030. Des efforts restent toutefois à faire, notamment en matière de maintien en bon état des écosystèmes et de gestion durable des ressources naturelles. Paris soutient aussi les efforts de nombreux autres pays. La France est en effet le cinquième pays donateur au monde et prévoit d’augmenter sa part d’aide publique au développement2.
TRANSITION ENERGETIQUE ET AMELIORATION DE LA QUALITE DE L'EAU, DEUX ACTIONS PRIORITAIRES POUR LE GOUVERNEMENT
Lors de l’élaboration du plan d’action pour la mise en œuvre des Objectifs de développement durable en France, deux priorités ont été affichées par le gouvernement : d’un côté, la transition énergétique, de l’autre, l’amélioration de la qualité de l’eau3. En continuité avec l’accord de Paris sur le climat, la loi de 2015 sur la transition énergétique fixe de nouveaux objectifs plus ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et réforme le système de subventions pour encourager les entreprises, les villes et les foyers à réduire leur empreinte carbone, augmenter l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables produites localement. Le pari reste donc celui de l’utilisation de la contrainte écologique comme levier pour l’innovation et pour la compétitivité. Cependant, les investissements publics et privés en faveur de la transition énergétique restent, dans l’Hexagone, inférieurs en termes de puissance installée à ceux des pays voisins comme l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni4. La prépondérance du nucléaire dans le mix énergétique français rend difficile d’envisager une sortie du pays de cette énergie sur le modèle de l’Allemagne, qui a adopté en 2011 une loi pour abandonner le nucléaire d’ici 2022, et réduit la capacité de la France d’investir dans la filière des énergies renouvelables alors que celles-ci commencent à devenir compétitives. La gestion de la crise que traverse le nucléaire français5 représente l’un des enjeux majeurs pour la France dans les années à venir.
L’amélioration de la qualité de l’eau et en particulier la lutte contre les nitrates et les pesticides constitue une priorité nationale du gouvernement français. La protection des captages d’eau fait l’objet de nombreuses actions sur le plan national. La promotion de mesures agro-écologiques et la progression de l’agriculture biologique contribuent aussi à la poursuite de cet objectif. Fort de son expertise sur la gestion de l’eau, Paris coopère étroitement avec les autres pays, notamment dans le cadre de l’Union européenne, du Forum mondial de l’eau et du Réseau international des organismes de bassin. Les entreprises leaders au niveau mondial en matière de fourniture d’eau potable et d’assainissement sont françaises. Ces dernières années, elles ont souffert du ralentissement du processus de privatisation de la gestion de l’eau dans de nombreux pays6. La mise en œuvre de l’ODD 6 sur l’accès à l’eau salubre et à l'assainissement représente par conséquent une opportunité de taille pour l’économie française car le maintien de la France de son statut de champion mondial dans le domaine de l’eau constitue un enjeu majeur pour le pays.
L’UNION EUROPEENNE ET L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES AU COEUR DE LA DIPLOMATIE FRANCAISE EN MATIERE ECOLOGIQUE ET CLIMATIQUE
Le processus d’intégration européenne est essentiel en matière écologique et climatique. Cela s’explique notamment par les économies d’échelle réalisées par la production conjointe de textes normatifs sur des questions hautement techniques comme la qualité de l’air, de l’eau et la gestion des risques liés aux substances chimiques mais aussi par la limitation du dumping environnemental à l'intérieur et à l'extérieur du marché commun7. Cependant, la crise financière, économique, sociale et politique qui a débuté en 2008 a ralenti le développement de la politique environnementale de l’Union européenne8. Ainsi, Bruxelles se concentre sur la lutte contre la pollution et sur les politiques environnementales existantes et ne fait pas des nouvelles réformes une priorité, même si la politique de protection de la nature de l’Union européenne n’est pas considérée comme pleinement efficace9. La France pourrait jouer un rôle important dans la relance de la politique environnementale de l’Union européenne.
La France participe activement à des centaines de processus multilatéraux souvent imbriqués les uns dans les autres. Par exemple, la protection de certains oiseaux en voie d’extinction rentre dans le domaine d’application d’au moins cinq accords internationaux différents. Le suivi et la coordination de ces initiatives se révèle particulièrement complexe, malgré les efforts faits par le Programme des Nations unies pour l’environnement. Pour renforcer la gouvernance environnementale mondiale, Paris soutient depuis longtemps la création d’une Organisation mondiale de l’environnement sur le modèle de l’Organisation mondiale du commerce10. A l’occasion de la dernière grande conférence onusienne sur le développement durable en 2012 à Rio, la communauté internationale a plutôt choisi de mieux intégrer la gouvernance mondiale du développement durable dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU et de l’ECOSOC11. Cependant, le problème de la coordination des processus environnementaux internationaux persiste ; un renforcement de la gouvernance environnementale mondiale serait une contribution importante pour atteindre les Objectifs de développement durable, y compris pour les océans. Possédant le premier domaine maritime au monde, la France a une responsabilité toute particulière à cet égard.
L’INTERNATIONAL DANS LES PROPOSITIONS SUR L'ECOLOGIE ET LE CLIMAT DES PRINCIPAUX CANDIDATS
Le positionnement international de la France face aux défis écologiques et climatiques dépendra beaucoup du résultat des prochaines élections. Si la quasi-totalité des cinq principaux candidats à l’élection présidentielle française12 soutiennent l’efficacité et la sobriété énergétique et la protection et le bien-être animal, la plupart sont favorables à la lutte contre les particules fines, à l’interdiction progressive des pesticides et des perturbateurs endocriniens et au développement des énergies renouvelables, de la rénovation thermique, des circuits courts et de l’économie circulaire. Les candidats positionnés à gauche soutiennent la sortie du nucléaire sur le modèle allemand ; les proches de la droite prônent la restructuration de la filière et la modernisation du parc nucléaire français. En revanche, les références à la position internationale de la France sont limitées : sanctions contre les pays qui pratiquent le dumping environnemental ou qui ne respectent pas les clauses environnementales des accords commerciaux, renforcement des normes anti-pollution européennes pour les véhicules, mais aussi création d’une Communauté européenne de l’énergie et organisation d’une Conférence mondiale pour l’environnement qui par ailleurs existe d'ores et déjà.
Ces éléments laissent supposer que l’Europe restera bien au centre de la diplomatie française en matière écologique et climatique. La France ne peut agir seule et devra donc travailler avec ses partenaires européens. Paris pourrait contribuer à faire émerger de nouvelles initiatives et normes internationales, par exemple dans la protection et le bien-être animal ou encore dans les circuits-courts et l’économie circulaire, mais il devra faire face à d’autres défis qui demanderont un positionnement clair de la France, à commencer par la relance de la politique environnementale de l’Union européenne et la mise en œuvre des Objectifs de développement durable. Deux défis semblent se détacher des autres : d’un côté, la gestion de la crise du nucléaire français et, de l’autre, le rôle de la France en matière d’eau et de pollution. A côté de l’état, les grandes entreprises françaises du secteur nucléaire et d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement, mais aussi la société civile, joueront forcément un rôle important pour relever ces défis. La France devra impérativement rattraper son retard par rapport aux pays voisins en matière d’énergies renouvelables et réussir sa transition énergétique. Enfin, la communauté internationale s’attend à ce que la France continue à jouer un rôle de leader par rapport à la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat. La crédibilité de la diplomatie française en matière environnementale et climatique repose aussi sur le devenir de cet accord.
- 1. Stefan Aykut et Amy Dahan, Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.
- 2. Rapport sur la mise en œuvre des Objectifs de développement durable présenté à l’occasion de la revue nationale volontaire de la France au Forum politique de haut niveau sur le développement durable, New York, 2016.
- 3. Discours de Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, prononcé à Paris le 6 juin 2016 à l’occasion des ateliers sur le plan d’action national sur les Objectifs de développement durable.
- 4. IRENA, Statistiques d’énergies renouvelables 2016, Abou Dabi, IRENA, 2016.
- 5. Cédric Pietralunga et Jean-Michel Bezat, « Areva dans la tourmente », Le Monde, 19 novembre 2014.
- 6. Armelle Bohineust, « Veolia et Suez malmenés dans l'eau et les déchets », Le Figaro, 22 octobre 2012.
- 7. Jean-Noël Jouzel et Pierre Lascoumes, « Le règlement REACH : une politique européenne de l'incertain. Un détour de régulation pour la gestion des risques chimiques », Politique européenne, n°33, 2011, pp. 185-214.
- 8. Florence Simonetti, « Le droit européen de l'environnement », Pouvoirs, n°127, 2008, pp. 67-85.
- 9. European Union, "Fitness check" evaluation of the EU Nature Legislation (Birds and Habitats Directives), Bruxelles, European Commission, 2016.
- 10. Frank Biermann et Steffen Bauer, A world environment organization: solution or threat for effective in-ternational environmental governance?, Ashgate, Aldershot, 2005 ; Maria Ivanova (2012), « Institutional design and UNEP reform: historical insights on form, function and financing », International Affairs, Vol. 88, n° 3, 2012, pp. 565-584.
- 11. Frank Biermann et al., « Navigating the Anthropocene: Improving Earth System Governance », Science, Vol. 335, n° 6074, 2012, pp. 1306-1307.
- 12. Marine Le Pen, François Fillon, Emmanuel Macron, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon.
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