La recherche doit être une priorité
Editorial publié le 19 septembre 2012, en partenariat avec Ouest-France
Au lendemain de la conférence de rentrée des universités, relisons le classement mondial publié cet été par l'université de Shanghai.
Sur les vingt meilleures, dix-sept sont américaines, deux européennes et une asiatique. Les premières places, en France, sont occupées par deux établissements parisiens : l'université d'Orsay (37e) et l'université Pierre et Marie-Curie (42e). La discipline dans laquelle la recherche française continue de s'imposer reste les mathématiques. En France, un décalage existe donc entre l'excellence de la recherche en mathématiques et le niveau des élèves du secondaire qui a chuté, dans les dernières évaluations de l'OCDE. Il est vrai qu'en France, la sacralisation un peu ridicule des mathématiques comme matière de sélection, entretenue par les parents et les professeurs, détourne de nombreux élèves du message essentiel : le fait que cette discipline est avant tout un formidable jeu intellectuel.
Le classement de Shanghai n'est pas exempt de critiques : il prend peu en compte l'enseignement. Il rappelle cependant qu'il n'y a pas de bonne université sans recherche. Les universités françaises doivent avoir plus que jamais cet impératif à l'esprit. Cela requiert quelques conditions. En premier lieu, les laboratoires doivent constituer une masse critique pour exister au plan international. Il y a trop d'éclatement des lieux de production de la recherche en France. D'abord, entre les universités, bien qu'elles se soient regroupées dans des pôles de recherche et d'enseignement (PRES) et que les travaux sur l'environnement ou la santé obligent la médecine, les sciences expérimentales et les sciences sociales à travailler de plus en plus ensemble. Ensuite, entre les universités et les grands organismes comme le CNRS, l'Inra ou l'Ifremer. Cette situation défavorise d'ailleurs la France dans les classements de Shanghai : un laboratoire d'université associé au CNRS verra ses publications compter pour 50 % seulement, alors que le CNRS se verra attribuer les autres 50 %
En second lieu, des moyens financiers sont nécessaires. Cela ne signifie pas forcément que l'État doit payer plus. Les entreprises aussi devraient se sentir concernées par l'effort de recherche. En France, l'université et l'entreprise sont des mondes trop séparés. La recherche ¯ pourtant clé de l'innovation ¯ n'est pas assez une priorité du privé, notamment des PME. En Allemagne, l'université technologique d'une petite ville comme Karlsruhe fait partie des meilleures du pays car elle travaille avec les entreprises de la région, y compris des PME toujours à la recherche de nouvelles avancées technologiques.
Enfin, les grandes écoles (cette spécificité française) n'ont d'avenir que si elles produisent de la recherche. Elles le font de plus en plus en développant des laboratoires et en délivrant des doctorats. Un tiers des polytechniciens poursuivent aujourd'hui une thèse de doctorat. Mais ces grandes écoles doivent aussi se rapprocher des universités et non demeurer des mondes en soi. Il est tout de même singulier que la recherche continue en France d'être produite essentiellement à l'université alors qu'à l'exception du droit et de la médecine, les bons étudiants souhaitent y échapper. Après le bac, ils préfèrent prolonger le lycée dans des classes préparatoires, où l'on apprend essentiellement à bachoter en vue d'un concours, et non à s'initier à la recherche de façon créative.