Régions d'Europe et indépendance
Article publié le 15 octobre 2012, en partenariat avec Ouest France
En septembre, un million et demi de Catalans ont défilé pour réclamer l'indépendance de leur région. Vendredi, c'était au tour des anti-séparation d'arpenter les rues. Du jamais vu depuis le retour de l'Espagne à la démocratie. En Grande-Bretagne, le Premier ministre écossais, Alex Salmond, issu du parti nationaliste SNP, négocie, avec le Premier ministre britannique David Cameron, l'organisation d'un référendum sur l'indépendance de l'Écosse fin 2014.
La perspective pour l'Union européenne de gagner de nouveaux États membres, après la Croatie en 2013, n'est donc pas une vue théorique. Mais cette fois, il s'agirait d'un élargissement de l'Europe par scissiparité.
La Catalogne et l'Écosse sont des régions plutôt prospères qui cherchent à s'émanciper du pouvoir central dans un contexte marqué par la crise économique de 2008. Produisant un cinquième du produit intérieur brut de l'Espagne, la Catalogne estime, en effet, que l'État espagnol lui retient beaucoup d'impôts sans lui reverser suffisamment de ressources. Au point d'être devenue la région la plus endettée d'Espagne. L'Écosse, avec son gaz naturel et son secteur bancaire prospère (Edimburgh est la deuxième place financière de Grande-Bretagne après Londres), aimerait également moins partager le fardeau de la dette nationale. En quelque sorte, ce sont les difficultés que connaît l'Europe en matière de finances publiques qui ont relancé le régionalisme indépendantiste.
Il faut, certes, nuancer la comparaison. Tout d'abord, le soutien des opinions publiques est différent. En Catalogne, tous les sondages récents montrent que plus de 50 % des citoyens (y compris parmi les descendants de familles venues d'autres régions d'Espagne) sont favorables à l'indépendance.
En Écosse, le soutien à l'indépendance ne dépasse jamais les 30 %. Ensuite, les enjeux politiques sont négociés d'une façon posée entre Edimburgh et Londres. Au contraire, la tension est maximale en Espagne, parce que le gouvernement central de droite refuse l'idée d'un référendum qui, selon la Constitution espagnole de 1978, ne peut être initié que par l'État central. Le chef du gouvernement indépendantiste de Catalogne répond alors qu'il organisera le référendum d'autodétermination sans l'assentiment du reste de l'Espagne, après les élections générales du 25 novembre en Catalogne.
Le conflit entre Barcelone et Madrid démontre surtout les limites de deux options politiques figées : d'un côté, le « catalanisme » qui souhaite un transfert complet de souveraineté à un nouvel État européen ; de l'autre, « l'espagnolisme » qui refuse l'idée de partager davantage la souveraineté espagnole. Une alternative raisonnable serait pourtant l'inscription du fédéralisme dans la Constitution espagnole, sur le modèle allemand ou canadien, se traduisant par plus d'autonomie - notamment fiscale - pour Barcelone au sein de l'Espagne.
L'Union européenne, tout récent prix Nobel de la paix, n'a pas encore réussi à convaincre les gouvernants et les citoyens que les systèmes politiques reposant sur l'autonomie de plusieurs niveaux de gouvernement sont légitimes. Il est dommage que pour des raisons opposées, ni une majorité des Catalans ni une majorité des autres Espagnols ne soutienne la fédéralisation d'un État espagnol plus respectueux de l'autonomie de ses minorités historiques.