Critique internationale - Sommaire
Nous analysons ici la constitution progressive en Italie, depuis le début des années 1990, d’un mouvement opposé à la rétention administrative des sans-papiers et l’importance prise par cette question dans l’agenda du gouvernement de centre-gauche élu en avril 2006. Pour ce faire, nous adoptons une approche du processus politique en termes d’interactions, refusant de concevoir les mouvements sociaux uniquement comme des phénomènes anti-institutionnels. Après avoir pointé l’importance du débat actuel au sein de la coalition gouvernementale à propos du « dépassement » des CPTA, nous décrivons l’émergence au cours des quinze dernières années de mobilisations de contestation radicale de la rétention, en présentant leurs compositions et leurs répertoires d’action. Leur unification récente, en termes de culture et de grammaire politiques communes, est ensuite détaillée. Enfin, revenant sur l’importance que la rétention a prise récemment dans les débats internes à la gauche et tâchant d’en identifier les causes, nous décrivons les nouveaux rapports qui se sont établis entre partis et mouvement pour les libertés civiles des étrangers, entre appareils centraux et périphéries des partis de centre-gauche, ainsi que la structure d’opportunités politiques qui en découle.
Le 18 juin 2006, l'électorat catalan a ratifié par référendum le nouveau statut d'autonomie qui régit désormais les relations entre la Communauté autonome (CA) de Catalogne et le reste de l'Espagne. Ce nouveau statut a une importance particulière car il a ouvert une nouvelle ère, l'acte II de l'État des Autonomies. En effet, cette réforme n'a pas pour seule portée les relations Catalogne/reste de l'Espagne, elle influe également sur les relations de chaque CA avec le reste du pays et spécialement sur les autres réformes statutaires en cours, comme celle de l'Andalousie. La présente réflexion vise à déterminer ce que le nouveau statut d'autonomie catalan révèle de cette forme innovante d'organisation territoriale qu'est l'État dit autonomique et en quoi il influence particulièrement son évolution. La stratégie qui consiste à instrumentaliser une ressource symbolique (« l'identité catalane ») à des fins juridiques (accroissement de l'autogouvernement) et politiques (conquête et consolidation du leadership local) est de fait très performante ; suffisamment pour être reprise par d'autres CA et être au cœur de la formule politique de l'Espagne contemporaine.
La « famine » de 2005 au Niger a été l'objet d'une très forte médiatisation en Europe dont on s'accorde aujourd'hui à reconnaître les excès. Cette « crise alimentaire » a eu plusieurs causes, dont la principale fut une flambée imprévue des prix, dans le contexte d'un milieu rural très monétarisé où les stratégies de débrouille et les migrations sont devenues indispensables pour acheter les compléments de céréales nécessaires désormais chaque année. La crise de l'agriculture pluviale nigérienne est en effet structurale. La médiatisation a eu également pour caractéristique de s'alimenter en images auprès du phénomène de la malnutrition infantile, qui est en fait chronique dans toute la région et relève d'une imbrication de facteurs économiques, sociaux et culturels. Les distributions alimentaires massives (non ciblées sur les plus pauvres), consécutives à la médiatisation, ont été interprétées par les populations locales comme une nouvelle forme de la « rente du développement » et ont donné lieu à diverses stratégies de captation. L'analyse de cette crise met à jour une réalité complexe bien éloignée des faux débats de type « organismes humanitaires contre institutions de développement » « causes économiques contre causes culturelles » ou « cultures commerciales contre autosuffisance alimentaire ».
Aucun résumé
Les années de l’après-11 septembre 2001 ont été marquées en Mélanésie par le réengagement direct des anciennes puissances coloniales (Australie et Nouvelle-Zélande) et par l’obligation faite aux jeunes États océaniens de mettre en œuvre des « réformes » politiques et économiques néolibérales. Un « arc d’instabilité » est censé s’étendre de Timor à Fiji, parsemé d’« États en faillite » dont la déréliction ne pourrait être traitée que par l’intervention militaire et la mise en place de plans d’ajustement structurels considérés comme la panacée. Cet article met en évidence ce tournant des relations internationales et entreprend d’analyser ses répercussions locales sur le rapport aux traditions, dans un contexte où sociétés et cultures mélanésiennes sont regardées désormais de manière ouvertement critique par les anciennes puissances coloniales. Le déclin des nationalismes ethno-culturels dans la région, officialisés en idéologie d’État au lendemain des indépendances, n’est pas sans présenter de nombreux parallèles avec la position actuelle du biculturalisme institué par l’État en Nouvelle-Zélande depuis les années 1980, et qui vient lui aussi d’entrer en crise.
La réforme du code de la famille intervenue au Maroc en 2004 et en Algérie en 2005, réforme qui vise à moderniser l’institution familiale, laquelle devient plus égalitaire au profit des femmes et renforce les droits de l’enfant, a fait l’objet d’un processus politique long et complexe. La mobilité du positionnement des acteurs de ce processus et de leurs alliances témoigne de l’ampleur des recompositions en cours du champ politique : appropriation du référent religieux par l’ensemble des acteurs et querelle des significations sous cette grammaire de la réforme ; paralysie au bout du compte des instances politiques de la représentation nationale et mécanismes du recours qui renvoie au scénario de la modernisation autoritaire, de la réforme par le haut, mais selon des modalités qui questionnent la viabilité des recours. Symptôme de la judiciarisation des processus politiques, le débat largement ouvert sur l’application de la réforme, accompagnant les transformations sociales ou, à l’opposé, contraignant la société à se conformer à des modèles imposés de l’extérieur, a fait émerger la figure du juge comme acteur central de la réforme.
Joel S. Fetzer, J. Christopher Soper, Muslims and the State in Britain, France, and Germany, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2005, XV-208 pages.
Madawi Al-Rasheed, Contesting the Saudi State: Islamic Voices from a New Generation, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2007, XXI-308 pages
William Baker, Islam without Fear: Egypt and the New Islamists, Cambridge, Harvard University Press, 2003, 310 pages.
Malika Zeghal, Les islamistes marocains : le défi à la monarchie, Paris, La Découverte, 2005, 332 pages.
Marie Miran, Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire, Paris, Karthala, 2006, 546 pages.
Daniel N. Posner, Institutions and Ethnic Politics in Africa, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2005, XV + 338 pages.