Critique internationale - Sommaire
Les contours et la nature de la social-démocratie sont la résultante d’un travail de con ci liation, voire de compromis, entre une économie de marché aux formes éminemment variables et une intervention publique visant à promouvoir l’emploi tout en corrigeant les inégalités sociales. Or cette relation intime entre l’emploi et les politiques sociales n’a pas fi ni de faire l’objet de vifs débats et de polémiques. Pour mieux la comprendre, il convient de revenir sur l’évolution et la complexité du rapport des sociaux-démocrates – dans leurs déclinaisons nationales – aux principes de marché ainsi qu’à la diversité des marchés concrets.
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Les partis sociaux-démocrates ont-ils, sous la houlette des « modernisateurs », renié le projet socialiste de leurs prédécesseurs ? Certes, ils multiplient les réformes libérales depuis plus d’une décennie, mais les éléments de continuité ne doivent pas être sous-estimés. L’analyse des documents programmatiques du Labour et du parti social-démocrate suédois (SAP) de 1966 à 1990 est à cet égard révélatrice : elle montre qu’un terme clé comme « planification », par exemple, peut faire l’objet d’emplois multiples et divers selon les orientations du moment. En réalité, si ces partis ont très tôt choisi de miser sur l’État providence, leurs directions ont également toujours été convaincues que la seule manière de financer ce dernier était une économie de marché prospère et des industries nationales compétitives. Cette acceptation globale du marché et des limites qu’il fixe à l’action publique a ensuite facilité le tournant « modernisateur ». On ne saurait donc parler de rupture « révisionniste ».
Au cours de ces dix dernières années, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont réduit les revenus de substitution versés aux chômeurs (programmes « passifs ») et modifié l’équilibre intérieur du volet « activation » des politiques de l’emploi, au détriment de l’amélioration des qualifications et au bénéfice d’un système couplant retour rapide à l’emploi et aide minimale attribuée sous conditions de ressources. Ces évolutions concernent tous les chômeurs au Royaume-Uni mais sont limitées aux chômeurs de longue durée en Allemagne. Si elle est commune aux deux pays, la tendance générale de ces nouvelles politiques de l’emploi n’empêche donc pas la préservation de certaines caractéristiques nationales. Dans l’ensemble en effet, la politique allemande reste plus proche des conceptions social-démocrates que celle du Royaume-Uni. En témoignent notamment la générosité des indemnités versées, la part encore assez large des dispositifs d’assurance par rapport à l’aide sociale, et les sommes consacrées aux programmes d’activation et à la formation.
Le New Labour a rejeté l’État fort de la « vieille gauche » et l’État minimal de la « nouvelle droite » pour leur préférer « l’État facilitateur ». Au dire de Tony Blair, ce troisième modèle trouve une excellente illustration dans la politique suivie par le gouvernement sur la question de « la vie saine », et plus particulièrement dans ses choix en matière de lutte contre l’alcoolisme et l’obésité. Trois instruments ont été privilégiés, l’autolimitation des industries, le partenariat avec ces dernières et les campagnes publiques d’information. Or ce répertoire apparaît dans toutes les enquêtes scientifiques comme le moins efficace, alors que le New Labour se flatte de ne choisir que des solutions « qui marchent ». Ce paradoxe s’explique notamment par la priorité accordée aux bonnes relations avec le monde de l’économie, « principe fondateur du New Labour » (Tony Blair), et par la crainte électoraliste d’être accusé de vouloir mettre en place un « État-nounou ».
Cet article explore une dimension relativement négligée et pourtant essentielle des transformations des régimes sociaux-démocrates en Europe du Nord. Toujours appréhendés sous l’angle des politiques économiques et sociales de l’État, ces régimes s’appuient en réalité sur des formes de gouvernement local particulièrement ancrées et qui sont responsables de la gestion des services sociaux. Or, depuis la fin des années 1980, de nombreuses expérimentations ont été menées qui visaient à conférer plus d’autonomie à ces niveaux locaux et qui ont ouvert la porte à une certaine diversification des politiques sociales dans des pays habitués à un cadre universaliste particulièrement homogène et égalitaire. A partir des exemples suédois et norvégien, l’article présente et discute les modalités des ces évolutions en montrant comment les deux pays ont emprunté des trajectoires passablement différentes à partir d’un socle commun. En effet, là où la Suède a poursuivi et intensifié les expérimentations locales, le recours à des opérateurs privés, à des quasi-marchés, le système norvégien a été « repris » en main par l’État et la décentralisation a connu une évolution en demi-teinte. En esquissant un bilan de ces changements, l’article insiste sur la nécessité d’étudier plus avant ces formes complexes de régulation territoriale du social.
Le succès électoral de Cristina Kirchner en décembre 2007, quatre ans après celle de son époux, confirme la domination des « kirchneristes » sur la scène politique argentine. Pourtant, l’histoire de l’ascension au pouvoir de Nestor Kirchner en 2003 rappelle que celui-ci ne disposait que de soutiens extrêmement fragiles et peu stabilisés notamment au sein du parti péroniste dont il se réclamait. Comment comprendre alors cette reconfiguration du jeu politique argentin ? L’analyse des politiques publiques engagées par le gouvernement de Nestor Kirchner dès les premiers mois de son arrivée au pouvoir permet de répondre à cette question. La restauration d’une capacité à agir s’est jouée notamment en partie dans les ralliements de groupes politiques et institutionnels intéressés par les redistributions des ressources clientélaires attachées à la fonction présidentielle de Nestor Kirchner.
De 2003 à 2005, les diplomaties françaises et allemandes, rejointes par la diplomatie britannique, s’impliquèrent fortement dans le but de faire lever l’embargo sur les armes imposé en 1989 par l’Union européenne à la République populaire de Chine. Elles parvinrent ainsi progressivement à dégager au sein des instances européennes un timide consensus qui fit dire à de nombreux analystes que la levée se produirait dans le courant de l’année 2005. Comment expliquer dès lors qu’en l’espace de quelques mois cette mesure qui semblait inéluctable ait disparu du calendrier de l’Union européenne sans provoquer de réel émoi parmi les Nations qui en avaient été pourtant les plus farouches partisanes. Faut-il voir là une victoire de l’opposition américaine ? Ou la manifestation d’intérêts nationaux bien compris ?
Le néoconservatisme apparaît comme un mouvement spécifiquement états-unien. Pourtant, en Espagne, dans l’entourage du principal parti de l’opposition, le Partido Popular, un groupe en particulier revendique son appartenance idéologique à ce courant. Le principal ressort d’influence du GEES (Grupo de estudios estratégicos) a été la convergence de ses positions en matière de politique étrangère avec les orientations prises par la droite espagnole, notamment sous le gouvernement de José María Aznar de 1996 à 2004. Les moments les plus marquants de cette relation privilégiée ont été la réaction du gouvernement espagnol aux attentats du 11 septembre 2001, puis son soutien à l’intervention militaire en Irak. Après le passage de la droite dans l’opposition, les néoconservateurs espagnols ont contribué à maintenir un affrontement idéologique avec la gauche au pouvoir, mais l’adoption récente d’une attitude plus modérée par la direction du Partido Popular représente pour eux le risque d’une marginalisation définitive.
Comprendre la circulation internationale des solutions d’action publique : panorama des policy transfer studies
Jay Rowell, Le totalitarisme au concret : les politiques du logement en RDA, Paris, Économica, 2006, 339 pages.
Magali Gravie, Good Bye Honecker ! Identité et loyauté dans les administrations est-allemandes (1990-1999), Paris, Les Presses de Sciences Po, 2008, 283 pages.
Heinrich Best, Heinz Mestrup (Hrsg.), Die Ersten und Zweiten Sekretäre der SED. Machtstrukturen und Herrschaftspraxis in den thüringischen Bezirken der DDR, Weimar, Hain Verlag, 2003, 824 pages.
Mario Niemann, Die Sekretäre der SED-Bezirksleitungen, 1952-1989, Paderborn, Schoeningh Ferdinand Gmbh, 2007, 446 pages.