Critique internationale - Sommaire
L’intérêt croissant des historiens pour les organisations internationales s’inscrit dans un mouvement de « globalisation » de la discipline, dans ses thématiques comme dans ses pratiques. Dans cette optique, les organisations internationales sont étudiées comme des lieux d’échanges et de circulations, à l’intersection et en interaction avec des réseaux internationaux, mais aussi des groupes et des milieux spécifiques au sein des différentes sociétés nationales. Saisies comme des espaces sociaux ouverts, elles constituent des observatoires privilégiés pour historiciser les phénomènes de globalisation et interroger les dynamiques d’internationalisation.
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C’est dans une perspective transnationale que sont analysés ici l’émergence de réseaux réformateurs de la protection de l’enfance durant le premier quart du XXe siècle et leur rôle dans la création du Comité de protection de l’enfance de la Société des Nations (1925). En insistant non seulement sur les continuités qui lient cette organisation aux réseaux réformateurs qui l’ont précédée, mais aussi sur les concurrences qu’elle fait naître entre réseaux rivaux, on met en évidence les enjeux de ce mouvement d’internationalisation de la protection de l’enfance et les tensions qu’il suscite : sur les modèles d’intervention, sur la façon d’en organiser la diffusion, sur le rôle des organes sociétaires dans ce processus, enfin sur les rapports entre la SDN et les réseaux d’ONG qui cherchent à s’affirmer comme les porte-parole d’une opinion publique globale. Il s’agit, d’une part, de réévaluer le rôle de ces réseaux et organismes techniques associés à la SDN dans l’évolution des politiques contemporaines de l’enfance et de la jeunesse ; d’autre part, de contribuer au renouvellement des connaissance sur les modes de fonctionnement institutionnel propres aux organisations internationales, en les analysant comme des espaces de structuration des circulations internationales.
Il est ici question d’examiner le rôle de l'Organisation économique et financière (OEF) de la Société des Nations en tant que vecteur de développement d'un nouveau réseau d'expertise durant l'entre-deux-guerres. En partant de ses origines durant la première guerre mondiale et en suivant ses premières années de fonctionnement, on montrera comment, par ses activités et les problématiques qu'elle a soulevées, l'OEF a engendré un maillage d'expertise tant interne qu'externe à la SDN. La création de ce réseau et son institutionnalisation répondent aussi bien à des dynamiques internationales et transnationales qu'à une nécessité de régulation beaucoup plus vaste, corollaire de l'imbrication croissante et de l'internationalisation de l'économie en cours depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Cette étude offre certes des similitudes avec d'autres recherches actuelles sur les organisations internationales, mais s’en singularise par sa composante structurelle qui lie l'organisme aux mouvements profonds du développement de l'économie et de la finance mondiale.
Même quand ils étaient ostensiblement occupés à promouvoir des visions de communauté internationale, les intellectuels et hommes politiques de l’entre-deux-guerres consolidaient les catégories nationales. Ce processus est ici mis en évidence et analysé à travers le cas des mécanismes de coopération intellectuelle de la Société des Nations. Après une rapide présentation du cadre institutionnel – les commissions et instituts de coopération intellectuelle affiliés à la SDN – l’auteur étudie l’imbrication et l’interaction constante des pratiques nationales et transnationales. Ainsi, les acteurs nationaux – par exemple ceux d’Europe centrale et orientale – évoquaient dans leurs échanges avec la SDN à la fois l’internationalisme culturel et les intérêts nationaux. Dans les congrès internationaux, la projection de la nation se faisait parfois ouvertement, parfois plus subtilement : les déclarations des délégués de l’Italie fasciste en fournissent d’intéressants exemples. Enfin, il faut se demander comment les individus concernés s’efforçaient d’assumer la double nature de leur action : l’auteur examine à cette fin le cas de plusieurs personnages impliqués dans les efforts de la SDN pour nourrir une « société des esprits ».
Cette étude de cas sur l’Allemagne et l’OIT entre 1919 et 1944 permet, d'une part, de se demander dans quelle mesure et sous quelle forme les organisations internationales peuvent constituer des espaces au sein desquels se « fabrique de l’international », d'autre part, de travailler empiriquement sur ces mécanismes d’internationalisation dans le domaine de la politique sociale en distinguant deux périodes. Durant la République de Weimar, ces mécanismes d’internationalisation des savoirs et des expertises sociales se déploient au croisement des scènes nationales et internationales. On assiste à des formes de dénationalisation du « modèle social allemand », qui toutefois ne se mettent pas en place sans tensions. La période du nazisme est celle du retour à la tradition d’impérialisme social de la fin du XIXe siècle. Son étude montre l’importance que les nazis ont accordée aux organisations internationales comme instrument de propagande et la façon dont ils ont tenté de les utiliser à leur profit, en « tordant » leurs objectifs.
La conférence de Copenhague (décembre 2009) a été un insuccès au regard des visées européennes et des attentes suscitées par l’agenda des négociations. Elle a surtout manifesté un bouleversement dans l’équilibre des rapports d’influence entre régions du monde. La conférence de Cancun, fin 2010, a confirmé que s’était opérée à Copenhague une bifurcation majeure. À l’idée d’une coordination quantitative entre États, aux exigences progressivement accrues mais contrebalancées par la possibilité de recourir aux « mécanismes de flexibilité », s’est substituée l’addition de démarches nationales faiblement coordonnées, impliquant pays industriels et pays émergents. Il en résulte une architecture à l’ambition modeste mais au périmètre plus large, complété par de nouvelles promesses de financement public et privé pour les pays en développement, notamment pour combattre la déforestation. Depuis Copenhague l’idée d’une communauté internationale s’organisant avec diligence pour gérer de façon avisée et coopérative un bien commun planétaire majeur s’est dissipée.
Depuis son élection, en 1978, Jean-Paul II a davantage canonisé et béatifié que tous les papes précédents. Cette pratique, poursuivie depuis 2005 par Benoît XVI, et souvent perçue comme une rupture avec la tradition, s’est vue qualifiée d’inflationniste, lorsque n’était pas évoquée, pour la déplorer, une fabrique de saints. Elle témoigne en tout état de cause d’une analyse stratégique renouvelée du Saint-Siège sur la présence de l’Église au monde, où la convocation de la sainteté jouerait un rôle central, comme emblème et vecteur de la « nouvelle évangélisation » voulue par Jean-Paul II. Ce qui conduit à se pencher sur les réagencements du dispositif vatican dont canonisations et béatifications constitueraient tant une attestation qu’un moyen. Et à chercher à mettre au jour ce que ces ajustements sont susceptibles de révéler des recompositions du contemporain. L’objectif est donc ici de s’interroger sur le sens (dans la double acception de signification et d’orientation) de cette fabrique contemporaine d’Élus, de réunir dès lors quelques éléments d’une anthropologie politique de la production et des usages actuels de la sainteté
Les années 2000 ont été marquées en Amérique latine par l’essor de forces politiques couramment qualifiés de « nouvelles gauches ». Cette montée en puissance masque néanmoins les relations ambivalentes que ces mouvements entretiennent avec la société et leur difficulté à faire émerger un nouveau modèle de développement. Venue combler le vide laissé par la liquidation des banques publiques, la microfinance s’est par ailleurs renforcée en adoptant une forme et des pratiques typiquement marchandes. Des cas nicaraguayen, équatorien et bolivien, il ressort que les administrations issues de l’alternance ont en commun une défiance idéologique envers la microfinance. En l’absence d’une autre option viable de financement, le climat de coexistence entre gouvernements et acteurs de ce secteur varie toutefois fortement d’un pays à l’autre, en fonction de facteurs stratégiques et institutionnels locaux. Il tend paradoxalement à conforter les structures les plus commerciales ou les moins pérennes, affectant en premier lieu les institutions qui s’étaient consolidées de manière économiquement durable, tout en demeurant engagées en faveur du développement socioéconomique.
Penser et affronter les désastres : un panorama des recherches en sciences sociales et des politiques internationales
Alexandra Oeser, Enseigner Hitler. Les adolescents face au passé nazi en Allemagne : interprétations, appropriations et usages de l’histoire Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2010, XVIII-434 pages.
Isabelle Lespinet-Moret et Vincent Viet (dir.) L’Organisation internationale du travail : origine, développement, avenir, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 212 pages.
John E. Mueller, Atomic Obsession : Nuclear Alarmism from Hiroshima to Al-Qaeda, Oxford, Oxford University Press, 2010, XIII-319 pages.