Critique internationale - Sommaire
Concept controversé des relations internationales, la notion de pays « émergents » est à l’origine d’un nouveau champ d’études. Une généalogie critique de cette catégorie d’analyse permet de mettre au jour les représentations dominantes de l’ordre international tout en analysant certaines des conséquences politiques de l’arrivée de ces pays sur le système international et sur ses institutions. Ce sont donc à la fois les représentations et les pratiques de l’émergence qui sont au cœur de ce dossier.
L’une des questions les plus importantes soulevées par l’émergence actuelle de nouvelles puissances est son impact sur les concepts de Tiers monde et de Sud. L’article examine en quoi et comment ce phénomène remet en cause bien des idées reçues en matière de politique mondiale et bouscule des géographies historiques, catégories spatiales et regroupements politiques qui allaient naguère de soi. Mais il montre aussi les limites d’une telle vision. Il est vrai qu’on en apprend beaucoup sur les émergents en observant leurs efforts pour naviguer et se positionner au mieux dans l’ordre mondial existant, c’est-à-dire stato-centré, libéral et capitaliste, tout en acceptant une bonne partie des postulats de base et des valeurs de cet ordre. Mais la nature de cette navigation est en grande partie façonnée par leur trajectoire historique et par le contexte (de développement, sociétal et géopolitique) de leur émergence.
La coopération internationale est critiquée par les puissances émergentes comme étant trop occidentalo-centrée. Les puissances occidentales la critiquent à leur tour pour son incapacité à atteler les pays émergents à la tâche commune. Les théories existantes de la coopération présupposent un ordre géopolitique stable, conduit par des pays partageant une conception commune du champ et des modalités de la coopération. Ces présupposés sont désormais caducs. L’« ordre libéral occidental » est entré dans une longue phase de transition mais il n’y a pas de nouvel hégémon capable (ou désireux) de remplacer les États-Unis et de porter une refonte radicale de l’architecture du gouvernement mondial. Les puissances émergentes entrent dans la coopération mondiale à leur façon et à leurs propres conditions. En résumé, alors qu’une demande croissante existe pour une coopération mondiale efficace, nous ne disposons plus de concepts universellement applicables à partir desquels l’analyser, ni de langage commun pour la décrire. Cet article explore l’évolution des conditions structurelles de la coopération internationale dans un ordre en transition sous un angle précis : les dynamiques d’interaction entre puissances émergentes, groupes de type « G » et organisations internationales formelles. La thèse est que les groupes « G » offrent des lieux où se renégocie le « pacte constitutionnel » qui sous-tend l’ordre libéral occidental. Les asymétries de puissance au sein du système international de l’après-Guerre Froide et les défis (structurels) significatifs auxquels est confronté l’ordre libéral occidental entraînent un recours de plus en plus important aux institutions informelles agissant en marge des organisations formelles. Elles jouent aujourd’hui un rôle crucial dans de nombreux domaines et occupent l’espace crucial entre gouvernance multilatéral d’une part et diplomatie traditionnelle de grandes puissances de l’autre. L’article développe un cadre analytique permettant d’expliquer le changement de nature de la coopération dans un système en transition.
Quelles sont les relations entre l’émergence d’un Etat sur la scène internationale et la prolifération nucléaire ? Les propositions selon lesquelles l’acquisition de systèmes d’armes nucléaires serait une condition ou une conséquence de l’émergence d’un Etat sont ici remises en cause à partir d’une analyse à trois niveaux. Au niveau métathéorique tout d’abord, l’intuition originale d’Edward Carr sur l’aspect téléologique de la discipline des relations internationales est réaffirmée, en établissant à partir de six indicateurs précis l’homologie entre une compréhension majoritaire de l’histoire nucléaire comme histoire de la prolifération et la pensée développementaliste, toutes deux téléologiques. Au niveau empirique ensuite, il est démontré que bien des Etats proliférants n’ont pas émergé pour autant alors que certains Etats émergents n’ont pas choisi de se doter de systèmes d’armes nucléaires. Au niveau politique enfin, il s’avère que l’association de l’émergence et de la prolifération n’est pas seulement partielle et fragile : si elle entend identifier les suspects de prolifération pour mieux prévenir cette dernière, elle peut se révéler contre-productive.
Même si les statistiques sont encore difficiles à établir, la binationalité est désormais l'un des éléments déterminants de la relation entre la France et l’Algérie. Ces Français singuliers que sont les binationaux sont porteurs tout à la fois du poids de la mémoire coloniale et de composantes identitaires françaises assumées. La transgression du lien national met-elle en cause la légitimité du projet indépendantiste algérien ou représente-t-elle un prolongement inédit de la relation coloniale ? En tout état de cause, elle constitue un terrain de recherche significatif pour les études postcoloniales.
Entre 2005 et 2009, le HCR a évoqué le seul motif du « changement de circonstance » dans le pays de retour pour justifier et promouvoir le rapatriement des réfugiés congolais en République démocratique du Congo. Dès lors, la diminution de l’assistance et de la protection des réfugiés dans les pays d’accueil a contribué à nuancer la notion de « libre consentement » au retour, pourtant largement mise en avant dans les textes juridiques régissant les modalités du rapatriement volontaire. Le HCR est aujourd’hui contraint de prendre en considération les intérêts des pays financeurs et des pays d’asile, le plus souvent au détriment des choix personnels et subjectifs des réfugiés et au risque d’une évaluation erronée du niveau de sécurité dans la région de retour. Une ethnographie multisituée réalisée dans les régions d’accueil et de retour permet de rendre compte des différentes motivations des réfugiés, sous l’éclairage des conditions structurelles et politiques dans lesquelles, mais aussi face auxquelles, elles peuvent se forger.
L’État d’Israël peut être envisagé comme le produit d’une entreprise identitaire : le projet national sioniste. Or, depuis les années 1990 et la période d’Oslo, ce projet identitaire a cessé d’être hégémonique. Le discours académique sur la société israélienne a alors envisagé l’émergence de deux nouveaux projets susceptibles de conduire à son dépassement : le postsionisme et le néosionisme. Il semble aujourd’hui que la tension entre ces deux pôles du paysage identitaire israélien ne soit plus à même de rendre compte de la réalité d’une société qui devrait être appréhendée, au contraire, comme une multiplicité de communautés. Qu’il s’agisse des Juifs orientaux, des Russes en provenance de l’ex-URSS ou des Palestiniens d'Israël, ces groupes revendiquent à la fois leur intégration et la reconnaissance de leurs spécificités culturelles en mobilisant différents répertoires d’action en fonction de leur degré d’insertion politique et sociale.
État de la littérature. L’islam et les musulmans en Europe : un objet périphérique converti en incontournable des sciences sociales
L’islam saoudien au prisme des sciences sociales
Nabil Mouline, Les clercs de l’islam : autorité religieuse et pouvoir politique en Arabie Saoudite, XVIIIe-XXIe siècle, Paris, PUF, 2011, 357 pages.
Omar Saghi, Paris-La Mecque : sociologie du pèlerinage, Paris, PUF, 2010, 284 pages
Stéphane Lacroix, Les islamistes saoudiens : une insurrection manquée, Paris, PUF, 2010, 360 pages.