Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

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Thema
Thema - Femmes combattantes
Sous la responsabilité de Lætitia Bucaille

Les femmes sont-elles des combattants comme les autres ? Si elles sont présentes dans nombre d’armées et mouvements de guérilla, elles y demeurent minoritaires, n’accèdent que rarement à des positions de commandement et sont souvent confinées à l’arrière. La guerre, plus encore que les autres sphères sociales, est soumise à une division sexuelle des tâches. Les femmes ont-elles intérêt à y conquérir une place ? Ne risquent-elles pas d’être les proies d’une instrumentalisation de la part d’organisations dont l’objectif est avant tout de sortir victorieuses des conflits ? Doit-on s’interroger plutôt sur la capacité des femmes à infliger une violence à l’adversaire ? Il semble que le problème de l’intégration des femmes se heurte d’abord et avant tout à la gestion de la mixité et de l’économie sexuelle dans les rangs des combattants.

Femmes à la guerre. Égalité, sexe et violence
Lætitia Bucaille
9-19

Plan de l'article

Logiques de guerre : un éclairage à partir des femmes
La guerre émancipe-t-elle les femmes ?
Douceur, fragilité et sexualité : l’impossible banalisation des femmes combattantes ?

Thema
Théorie et construction des rapports de genre dans la guérilla kurde de Turquie
Olivier Grojean
21-35

Les situations de conflits violents sont souvent propices à la restructuration des rapports sociaux, et notamment à la renégociation des rôles masculins et féminins. Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est cependant considéré comme le mouvement qui est allé le plus loin dans la féminisation de son recrutement, dans sa théorisation complexe des rapports hommes/femmes et dans sa réelle tentative de mise en application au sein de l’organisation des principes qui en ont découlé. Ces transformations quantitatives et ces développements organisationnels s’accompagnent-ils pour autant d’une construction singulière des rapports de genre au sein de l’armée du PKK ? Permettent-ils d’éviter une certaine division sexuelle du travail militant et guerrier ? En fait, la construction des rapports de genre au sein de la guérilla est d’abord une réponse aux questions soulevées par l’engagement féminin, et s’apparente finalement à une rationalisation des pratiques « traditionnelles ». Au-delà, il semble nécessaire de repenser la question féminine sous l’angle plus général de la domination au sein du PKK : la libération des femmes n’apparaît plus alors que comme la version féminine de la désexualisation et de la soumission des militants

Thema
La question du genre en situation de conflit armé : l’expérience des femmes combattantes au Pérou (1980-2000)
Camille Boutron
37-52

Au Pérou, l’engagement des femmes dans la lutte armée est un phénomène majeur puisqu’elles sont allées jusqu’à représenter 40 % des effectifs déployés dans les guérillas, et y ont souvent occupé des postes à hautes responsabilités. Or, si c’est en particulier le cas dans le Parti communiste péruvien-Sentier lumineux, l’un des principaux protagonistes du conflit, la participation des femmes aux luttes révolutionnaires défendues par les guérillas est, d’une façon plus générale, le reflet d’une série de bouleversements profonds qui se sont produits dans la société péruvienne depuis la fin des années 1960. Le militantisme subversif féminin révèle ainsi des enjeux sociaux et politiques associés non seulement à la question de l’émancipation féminine mais aussi au rôle joué dans le conflit par des institutions fondamentales comme l’école ou la famille. De même, la sortie du conflit s’accompagne pour les femmes combattantes d’une violence spécifiquement genrée qui non seulement souligne les limites d’une véritable émancipation par les armes, mais aussi met en évidence l’instrumentalisation du genre dans des discours et des pratiques légitimant la criminalisation de la lutte armée au Pérou.

Thema
Des féminités mobilisées et incarcérées en Palestine
Stéphanie Latte Abdallah
53-69

De 1967 à nos jours, les subjectivités genrées des militantes palestiniennes incarcérées en Israël ont évolué en fonction de leurs mobilisations politiques et armées et des conditions de leur détention. Jusqu’à la première Intifada, la prison a été un lieu de formation pour des femmes politiques qui ont affirmé leur militantisme autour des partis séculiers (Fatah, partis de gauche) et du féminisme. Elles ont violemment subi le conflit dans leurs corps quand les services de renseignements israéliens ont eu recours lors des interrogatoires à des sévices physiques et psychologiques liés à leur genre et à la sexualité. En retour, elles ont resignifié ces stigmates comme autant de marqueurs de leur engagement. Après les accords de paix d’Oslo, leurs actions se sont diversifiées. Face à la répression de la seconde Intifada, elles se sont lancées dans des opérations martyres. Pourtant, la violence est niée dans leurs récits et les corps apparaissent comme sexualisés et féminins. Les militantes séculières ont été alors rejointes par d’autres appartenant aux partis religieux (Hamas, Djihad islamique). Puis, avec la banalisation de l’expérience carcérale pour tous, de nouvelles manières de vivre par-delà la prison ont progressivement vu le jour. Les anciennes détenues ont tissé des réseaux collectifs féminins, tandis que leurs mobilisations et leurs passages par la prison étaient désormais vécus comme porteurs de transformations des rapports de genre.

Thema
Genre et violence dans les paroles de soldates : le cas d’Israël
Orna Sasson-Levy, Edna Lomsky-Feder
71-88

L’armée, en tant qu’organisation hyper-masculine chargée d’exercer la violence au compte de l’État, établit un lien étroit entre genre et violence. Le plus souvent, la littérature sur l’impact de la militarisation sur la vie des femmes les considère surtout en tant que victimes de la violence militaire. Mais qu’en est-il en Israël, où la conscription est obligatoire pour les deux sexes ? Quel impact la militarisation en général et le service militaire en particulier ont-ils sur la vie des Israéliennes ? Nous avons interrogé leur rapport au genre et à la violence à partir de récits rétrospectifs sur leur service militaire : d’une part, deux séries d’entretiens avec des femmes ayant respectivement fait leur service dans les bureaux (leur affectation traditionnelle) et dans des rôles habituellement « masculins » ; d’autre part, des témoignages de soldates ayant servi dans les territoires occupés, rassemblés par une organisation de lutte contre l’occupation. Nous constatons que ces récits portent l’empreinte profonde du facteur genre : les femmes à l’armée sont primordialement des « étrangères du dedans ». Cette dualité aiguise leur perception du genre et leur interprétation de leur propre expérience militaire sous cet angle ; mais elle constitue aussi une vulnérabilité qui les amène à collaborer aux mécanismes socioculturels d’occultation ou d’édulcoration de la violence militaire, de sorte que celle-ci est le plus souvent absente de leurs récits.

Varia
Réprimer avec discrétion : l’économie des pratiques antisyndicales dans les usines du Guatemala
Quentin Delpech
91-109

Au Guatemala, le taux de syndicalisation est un des plus faibles d’Amérique latine et les droits syndicaux font l’objet depuis de nombreuses années de violations régulièrement dénoncées au niveau international. L’étude des très rares mobilisations syndicales qui se produisent dans certaines usines de textiles et de vêtements (maquilas) permet de montrer comment les pratiques de répression sont rendues invisibles par un ensemble de stratégies patronales, intentionnelles ou non, et comment des groupes criminels, souvent mis de côté dans l’analyse de la répression des mouvements sociaux, sont impliqués dans la gestion répressive de ces mobilisations. L’ordre social particulièrement violent de ce pays facilite le déploiement de pratiques répressives tout en autorisant des stratégies de déresponsabilisation des acteurs politiques et patronaux.

Varia
Les chemins de la décolonisation aujourd’hui : perspectives du Pacifique insulaire
Natacha Gagné, Marie Salaün
111-132

L’Océanie contemporaine connaît à la fois la persistance, la naissance et la résurgence de luttes pour l’autodétermination. Les revendications indépendantistes, autonomistes, régionalistes ou encore « autochtones » qui s’y côtoient, sans être exclusives les unes des autres, évoluent au gré des recompositions des champs politiques locaux. Il s’agit ici de comprendre la très grande diversité d’expression de ces mobilisations souverainistes à travers leurs différents niveaux et champs de détermination : l’histoire coloniale, le poids démographique des populations autochtones, l’émergence récente d’une culture de l’excuse, la reconnaissance d’un droit des peuples autochtones à l’international, les formes contemporaines du capitalisme et les revendications identitaires qu’elles favorisent, l’idéologie du « moins d’État » et celle de la « coutume » comme mode de régulation… L’idée est de tenir ensemble ce faisceau d’opportunités. Le modèle théorique de l’anthropologie du système-monde tel que l’a développé Jonathan Friedman sert de point d’ancrage à une analyse du poids des expériences coloniales dans l’imaginaire postcolonial, du poids des contextes régional et international dans le choix du type de souveraineté, et enfin du poids de l’État, de moins en moins « visible » mais toujours aussi présent.

Varia
L’État guatémaltèque et les populations mayas : stratégies d’identifications ethniques négociées chez les "Chuj" (1821-2011)
Carine Chavarochette
133-150

L’histoire du Guatemala, aujourd’hui espace intermédiaire entre l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale, est jalonnée de flambées de violence raciale. L’exemple de cette démocratie centraméricaine où la population indienne est majoritaire sans pour autant contrôler l’État, comme en Bolivie ou en Équateur, permet de cerner les variations de l’expression politique de l’ethnicité. Ainsi, dans le Nord-Ouest, ancienne zone de guerre puis zone de migrations internationales, frontalière avec le Mexique, l’ethnicité est mobilisée et instrumentalisée par des acteurs aussi bien politiques (partis, guérilla, armée) que civils. De la fin du XIXe siècle à nos jours, la relation de l’État avec les Indiens chuj a été marquée par la fixation de la frontière internationale, les politiques d’assimilation et la violence imposée aux Indiens. Toutefois, depuis le début du XXIe siècle, et dans le cadre des luttes contre l’ouverture de mines à ciel ouvert promue par des multinationales, la reformulation d’une identification « maya » se fait en lien avec l’idée de protection de l’environnement et de défense des territoires indiens.

Lectures
Lecture
Isabelle Delpla
153-160

Jelena Subotić Hijacked Justice: Dealing with the Past in the Balkans Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2009, XVIII-201 pages.
Lara J. Nettelfield Courting Democracy in Bosnia and Herzegovina: The Hague Tribunal’s Impact in a Postwar State New York, Cambridge University Press, 2010, XVII-330 pages.

Lectures
La pauvreté au Sahel : du savoir colonial à la mesure internationale
Hélène Blais
161-164

Vincent Bonnecase La pauvreté au Sahel : du savoir colonial à la mesure internationale Paris, Karthala, 2011, 290 pages.

Lectures
Un monde unidimensionnel
Philippe Perchoc
165-168

 

Dario Battistella Un monde unidimensionnel Paris, Presses de Sciences Po, 2011, 174 pages.

 

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