Critique internationale - Sommaire
Volume 1. Construire le conflit au travail : des mobilisations entre ruptures, circulations et continuités
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Nous nous intéressons ici à un conflit du travail émergeant au sein de l’entreprise de distribution Walmart, bastion de l’antisyndicalisme, dans une période de remise en question du mouvement syndical nord-américain. À partir d’une recherche ethnographique menée à Chicago autour de la journée de mobilisation nationale du Black Friday, journée de solde suivant Thanksgiving en novembre 2013, nous revenons sur la structure et le fonctionnement quotidien de la campagne « Making Change at Walmart » et de l’association Our Walmart ainsi que sur les répertoires rhétoriques et d’actions mobilisés par les employés et leurs soutiens. La campagne apparaît ainsi comme une tentative syndicale d’agir de manière conjointe sur différents fronts. Et si cette dernière contient en germe les possibilités d’un dépassement du syndicalisme bureaucratique et technocratique qui a contribué au déclin du mouvement syndical étasunien, elle recèle aussi le risque d’une reproduction des travers d’un syndicalisme de service.
En externalisant massivement leur production dans les pays du Sud, de nombreuses entreprises occidentales ont mis à distance des consommateurs les conditions de travail couramment illégales qui caractérisent les usines de la sous-traitance internationale. Au-delà des seules campagnes de sensibilisation des consommateurs sur ces pratiques, des syndicats internationaux et américains se sont lancés, dès les années 1980, dans des campagnes de syndicalisation (labor organizing campaigns) de travailleurs du Sud employés directement dans des usines de sous- traitance d’opérations productives de multinationales de l’électronique et de l’habillement, notamment dans les sweatshops d’Amérique centrale. Nous décrivons ici l’origine de ce répertoire syndical dans le contexte d’externalisation de la production au Sud, à partir des campagnes de syndicalisation en Amérique centrale.
Quelles sont les conditions de transmission des savoir-faire militants dans l’usage de la grève dans le secteur du commerce en France ? Pour répondre à cette question, nous nous appuyons sur l’observation ethnographique du travail de formation et de soutien des militants accompli dans une structure syndicale territoriale de la CGT. De fait, dans des secteurs de faible tradition de lutte syndicale, c’est essentiellement dans ces espaces locaux des organisations syndicales que se joue la formation des nouveaux militants aux techniques de l’action syndicale. Nous revenons d’abord sur les apprentissages techniques et politiques par lesquels s’opère, selon des modalités différentes et concurrentes, l’initiation des adhérents à l’usage de la grève. Puis, nous mettons en évidence les multiples facteurs qui font obstacle à la transmission de ces savoir-faire militants pratiques et à ces principes d’action militants dans l’usage de la grève. C’est donc un double enjeu de réflexion qui est ici posé : d’une part, celui des limites que rencontre le travail organisationnel de (con)formation des adhérents syndicaux aux pratiques de l’action militante et aux principes d’action dont se réclame leur confédération ; d’autre part, celui des freins au développement des grèves dans des univers professionnels de faible implantation syndicale.
Cet article présente une analyse de la spécificité des conflits du travail dans les entreprises publiques chinoises d’aujourd’hui. Cette analyse se fonde sur la comparaison de deux cas : une entreprise purement publique et une joint-venture liée à un groupe multinational. Les mobilisations des salariés étudiées ici font apparaître une forte évolution depuis les grandes restructurations des années 1990. Le droit du travail n’est plus simplement un instrument au service de la politique des entreprises, il est devenu un levier permettant aux salariés d'exprimer leurs intérêts propres. Dans des conflits collectifs ouverts, il est saisi comme un soutien à la mobilisation, mais il rend également possible des stratégies plus individuelles de mobilité, face à des orientations managériales que les salariés perçoivent comme incohérentes. L'analyse se fonde sur les catégories classiques exit/voice d'Albert Hirschman pour analyser cet éventail de mobilisations qui va du conflit collectif ouvert à la mobilité individuelle
Cette étude s’appuie sur 150 entretiens réalisés dans trois pays auprès de personnes d’origine populaire qui ont connu des trajectoires de très forte ascension sociale. L’approche retenue ici s’organise en trois étapes. Dans un premier temps, nous établissons une typologie des multiples formes que prennent les tentatives de réhabilitation du populaire chez les personnes interviewées. Dans un deuxième temps, nous nous appuyons sur cette typologie pour ouvrir des pistes de réflexion sur ce qui rend possible la présentation de l’origine populaire comme une ressource. À cet égard, il semblerait que la virtuosité de la mise en récit de l’expérience, véritable compétence sociale, constitue un élément décisif, et nous avançons que la conception de l’origine populaire comme ressource est avant tout permise par un processus de mystification qui vise à faire oublier que cette valeur est le produit d’un travail de mise en récit de soi-même. Dans un troisième temps, nous montrons par un travail de comparaison que ces stratégies individuelles de mise en récit demeurent extrêmement contingentes des spécificités culturelles du pays dans lequel elles se déroulent.
Les récentes réformes politiques et constitutionnelles qui ont donné naissance à un nouveau modèle d’État plurinational en Bolivie se sont déroulées dans le cadre d'un débat international plus large sur la « question indigène ». Partant d’une perspective multidisciplinaire et diachronique, et sur la base des résultats de deux années de travail de terrain en Bolivie, nous soulignons les effets sur les processus de construction identitaire de ces réformes que l’on peut plus généralement inscrire dans la catégorie des « politiques de la reconnaissance ». Nous nous penchons également sur le renforcement du lien entre identité et allocation de ressources pour expliquer le processus d'ethnicisation de l’identité et les nouveaux conflits entre communautés rurales (indigènes vs paysannes) qui en découlent. À partir des discours et des actions des individus, nous proposons une critique (ontologique et opérationnelle) de ce type de politiques et des effets qu’elles produisent sur un environnement social déjà marqué par une fragilité économique et par l’exclusion sociale.
En Allemagne, il existe depuis longtemps une politique industrielle polycentrique, volontariste et axée sur le moyen terme. Grâce à l’excellente compétitivité structurelle et technologique de l’industrie allemande, les gouvernants de ce pays n’ont pas eu à mener d’importantes réformes structurelles, mais face aux chocs de l’ouverture des frontières et de l’unification, ils se sont lancés dans des politiques de sites axées sur l’attractivité de ses territoires. Ils ont ainsi décidé d’améliorer la compétitivité-coût de la partie orientale par d’importantes réformes sociofiscales libérales. Les finances publiques n’ont pas été épargnées par les tensions internes de l’unification. À la veille de l’union monétaire, les dirigeants allemands ont fait le choix d’une réforme en profondeur du modèle ouest-allemand qui passait par l’austérité budgétaire. Cette stratégie a été confirmée par le grand élargissement européen de 2004. Hinterland naturel de l’ex-RDA, les firmes allemandes ont mené une réorganisation productive à l’échelle continentale. La stratégie de Lisbonne et le Pacte de stabilité ont permis aux dirigeants de réformer le modèle allemand et la crise financière de légitimer cette orientation. Dans cette configuration, le pays mène une politique industrielle mercantile et de concurrence sociofiscale génératrice de tensions mortifères pour la poursuite de l’intégration européenne.
Michael Taussig. I Swear I Saw This: Drawings in Fieldwork Notebooks, Namely My Own
Chicago, The University of Chicago Press, 2011, XII-173 pages.
Pénélope Larzillière. La Jordanie contestataire : militants islamistes, nationalistes et communistes Arles
Actes Sud, 2013, 242 pages.
Laurent Bonnefoy et Myriam Catusse (dir.). Jeunesses arabes. Du Maroc au Yémen : loisirs, cultures et politiques
Préface de François Burgat Paris, La Découverte, 2013, 373 pages.
Sossie Andézian. Le sacré à l’épreuve du politique : Noël à Bethléem
Paris, Riveneuve Éditions, 2012, 236 pages.
Martin Ruhs. The Price of Rights: Regulating International Labor Migration Princeton
Princeton University Press, 2013, IX-254 pages.