Au-delà de Boko Haram
Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS & directeur du CERI
Philippe Portier, directeur d’études à l’EPHE & directeur du GSRL
Chères Lectrices, chers Lecteurs,
Notre exploration africaine se poursuit ce mois-ci, par-delà le Sahara. Ce 18e numéro du bulletin de l’Observatoire du fait religieux nous emmène effectivement au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique et première économie de la partie occidentale du continent.
Un an avant les élections générales prévues en 2019, nous avons décidé de porter notre regard sur ce pays afin d’y mettre à jour l’influence protéiforme du religieux dans la vie quotidienne des Nigérians. En effet, ce numéro a choisi de décaler un peu la focale analytique strictement jihadiste couramment mobilisée lorsque l’on parle du Nigéria, en ne se concentrant pas uniquement sur les dynamiques à l’œuvre au sein du groupe terroriste Boko Haram. Le Nigéria offre ainsi un bel exemple de ce que « le religieux a à nous dire » dès lors qu’on ne s’intéresse pas uniquement aux réactions armées qu’il génère.
Ainsi, dans un premier temps, Marc-Antoine Pérouse de Montclos analyse la place des écoles coraniques au sein du système éducatif nigérian. Loin du sens commun, on y découvre qu’elles sont souvent les fers de lance de la lutte contre la radicalisation jihadiste. Puis, Kingsley Madueke documente les conflits en cours dans la région centrale de Jos. Présentés comme un conflit interreligieux entre chrétiens et musulmans, les affrontements entre groupes recouvrent en réalité des enjeux économiques et ethniques. Pour clore ce dossier central, la contribution de Precious Diagboya et de Corentin Cohen offre un pont vers l’Europe, en soulignant le rôle des chefs religieux dans les réseaux de traite d’êtres humains venus du Nigéria.
Changement de continent pour l’Eclairage(S) et direction l’Inde où l’on découvre, sous la plume de Gayatry Jay Singh Rathore, la réinvention d’un culte ancestral – où lorsque la déesse Sitalā se pare de vertus « rafraîchissantes » pour répondre aux impératifs sanitaires de son temps !
La Ressource(S) de Thierry Zarcone achève cet opus en nous exposant l’utilisation stratégique du soufisme à laquelle s’est attaché l’Etat algérien afin de lutter contre l’enrôlement jihadiste de sa population.
L’ensemble des textes de ce numéro nous montre, une fois encore, le caractère complexe, plastique et polymorphe du rapport entre le religieux et le social dans nos sociétés contemporaines. Et appelle ainsi à des analyses empiriques toujours plus fines des faits observés.
A toutes et à tous une très bonne lecture !