Charlotte Thomas, postdoctorante, CERI – Sciences Po Paris
Le 15 décembre 2017 se tenait un colloque consacré à la diplomatie du Pape François. Organisée par Alain Dieckhoff (Sciences Po-CERI/CNRS), François Mabille (FIUC/GSRL) et Frédéric Martel (ZHdK University, Zurich), cette journée avait pour but d’analyser divers aspects des pratiques diplomatiques du Pape élu le 13 mars 2013 suite à la démission de Benoît XVI. Après quelques mots d’introduction générale, la journée a débuté par trois interventions présentant les principales dynamiques qui animent la politique étrangère du Saint-Siège sous le Pape François.
Colloque du 15/12/2017
Introduction générale
Allocution d’ouverture : Alain Dieckhoff, directeur du CERI, Sciences Po
Antonio Spadaro, La Civiltà Cattolica
The diplomacy of mercy
François Mabille, FIUC/GSRL
Une géopolitique de la pastorale : le Saint-Siège en action
___
Une nouvelle diplomatie en Amérique latine ?
Présidence : Christian Lequesne, Sciences Po-CERI
Gianni La Bella, Università degli Studi di Modena e Reggio Emilia
Le pape François et la paix en Amérique latine
Janette Habel, IHEAL, Université Paris 3
Les relations entre La Havane et le Saint Siège : la singularité cubaine
___
Le Saint Siège, les catholiques et la Chine
Présidence: Pierre Haski, L’Obs
Benoît Vermander, Université Fudan, Shanghai
L’Eglise catholique chinoise et la diplomatie du Pape François
Pierre Morel, ancien ambassadeur de France près le Saint-Siège et en Chine, Observatoire Pharos
La relation entre Pékin et le Saint Siège : négocier sans reconnaître
___
Le Moyen-Orient et les chrétiens d'Orient
Présidence : Jean-Marie Guénois, Le Figaro
Joseph Yacoub, Université catholique de Lyon
Le Saint-Siège et les chrétiens d’Orient : le pape François, continuité et innovation
Jean Guéguinou, ancien ambassadeur de France près le Saint-Siège, ancien consul général à Jérusalem
Le Moyen Orient : un dossier diplomatique primordial pour le Saint-Siège
___
Quelques questions multilatérales
Présidence : Guillaume Devin, Sciences Po-CERI
Gerard Powers, Kroc Institute for International Peace Studies, Keough School of Global Affairs, University of Notre Dame
The Holy See and nuclear disarmament
Rafael Luciani, Boston College / CELAM
Pope Francis' Pastoral Geopolitics of Peoples and Cultures
___
Conclusions : Philippe Portier, GSRL/EPHE
Responsables scientifiques : Alain Dieckhoff (Sciences Po-CERI/CNRS), François Mabille (FIUC/GSRL), Frédéric Martel (ZHdK University, Zurich)
Philippe Perchoc, analyste EPRS, chargé du dialogue inter-religieux
Au mois de décembre 2016, une information a fait la une de la presse italienne : le Pape François est apparu, sans s’annoncer, dans un magasin pour acheter une paire de chaussures orthopédiques. En quoi cette affaire est intéressante, sinon qu’un chef d’Etat achète lui-même ses chaussures ? Tout simplement parce qu’elle a ravivé une controverse impliquant un parchemin du IXème siècle, faisant référence à la « donation de Constantin », supposée avoir eu lieu au IVème siècle.
Héritage du dispositif diplomatique du XIXe siècle, le Saint-Siège possède des traits singuliers sur la scène internationale : micro-Etat oscillant entre vocation spirituelle et défense d'intérêts temporels, membre des Nations unies, il se présente comme un exemple de soft power et peut avoir un rôle de médiateur dans certains conflits. Ordonnées autour d'actions caritatives, notamment en lien avec les nombreuses ONG catholiques, ses interventions sur le terrain en font également un acteur humanitaire de premier plan. Au final, le Saint-Siège constitue une intéressante illustration des variations de la souveraineté sur les trois derniers siècles.
Bernstein Carl et Politi Marco, Sa Sainteté, Paris, Plon, 1996.
Duriez Bruno, Mabille François et Rousselet Kathy (dir.), Les ONG confessionnelles. Religions et action internationale, Paris, L’Harmattan-Association française de sciences sociales des religions, 2007.
Hervieu-Léger Danièle, Catholicisme, la fin d’un monde, Paris, Bayard, 2003.
Joblin Joseph, L’Église et la Guerre. Conscience, violence, pouvoir, Paris, Desclée de Brouwer, 1988.
Johnston Douglas et Sampson Cynthia, Religion, The Missing Dimension of Statecraft, New York (N. Y.), Oxford University Press, 1994.
Löwy Michael, La Guerre des dieux. Religion et politique en Amérique Latine, Paris, Éditions du Félin, 1998.
Mabille François (dir.), La Longue Transition du catholicisme. Gouvernementalité et influence, Paris, Éditions du Cygne, 2014.
Mabille François, Approches de l’internationalisme catholique, Paris, L’Harmattan, 2002.
Merle Marcel et Montclos Christine de, L’Église catholique et les relations internationales, Paris, Centurion, 1988.
Minnerath Roland, L’Église catholique face aux États, Paris, Cerf, 2012.
Montclos Christine de, Le Vatican et l’éclatement de la Yougoslavie, Paris, PUF, 1999.
Onorio Joël-Benoît d’ (dir.), Le Saint-Siège dans les relations internationales, Paris, Cujas, 1989.
Onorio Joël-Benoît d’, Le Pape et le gouvernement de l’Église, Paris, Tardy, 1992.
Pettinaroli Laura (études réunies par), Le Gouvernement pontifical sous Pie XI, Rome, École française de Rome, 2013.
Thomas Scott M., The Global Resurgence of Religion and The Transformation of International Relations, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2005.
Vallely Paul, Pope Francis. Untying the Knots, Londres, Bloomsbury, 2015.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Commentaire de François Mabille
- Carte
Relations diplomatiques : La carte manifeste la singularité du catholicisme et le poids de l'histoire sur le Saint-Siège. Ce dernier représente en effet, de par sa double nature d'acteur confessionnel et politique, le seul gouvernement religieux à entretenir des relations diplomatiques avec des Etats, par l'intermédiaire d'un réseau de diplomates qui est l'un des plus étoffés au monde. On constate le poids des tensions religieuses (notamment avec l’islam) et politiques (avec le communisme) dans l'absence de relations avec certains Etats.
Nombre de voyages officiels des papes : de cette carte émergent deux critères de différenciation dans le déploiement géopolitique du catholicisme : la durée des pontificats, qui autorise une projection sur le long terme ; et l'intérêt personnel des papes pour pour les enjeux internationaux et leur prise en charge par l'église catholique.
- Graphique
Voyages de papes par régions : l'évolution des régions visitées permet une vision diachronique de la géopolitique vaticane au cours du temps. Le pontificat de Jean-Paul II est ainsi indéniablement associé à la guerre froide et aux fractures Est-Ouest du monde d’alors. Celui de Benoît XVI témoigne d’une vision européo-centrée. Enfin, les effets de la mondialisation et l'émergence d'un « Sud » renouvelé sont visibles dans les voyages du pape François.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Commentaire de Denis Pelletier
La répartition géographique des cardinaux électeurs (âgés de moins de 75 ans) lors de l’élection de chaque pape permet d’évaluer la politique de nomination du pape précédent sous l’angle de la mondialisation et celle du pape François au cours des quatre premières années de son gouvernement. La répartition est évaluée en fonction des sièges épiscopaux et non en fonction de l’origine nationale des cardinaux. La place de l’Italie tient à la tradition de centralisation et au poids des cardinaux issus de la Curie romaine.
Le pontificat de Paul VI est particulièrement intéressant. Elu par un conclave très majoritairement européen, ce pape est le premier à modifier l’équilibre entre l’Europe et le reste du monde, au prix d’une augmentation du nombre des cardinaux qui facilite ce rééquilibrage. Son successeur est élu par un conclave où l’Europe et le reste du monde sont à égalité. Sous Jean-Paul II et Benoît XVI, les équilibres se modifient peu : Jean-Paul II a surtout été soucieux de nommer des cardinaux issus de l’ancienne Europe de l’Est, Benoît XVI a légèrement renforcé le poids des Italiens, et notamment des Romains. Les premières années du pontificat de François montrent une nouvelle inflexion : le renforcement de l’Afrique, de l’Asie et de l’Océanie. La diminution du nombre des Européens tient surtout au non remplacement des cardinaux italiens, que François estime surreprésentés.