Une analyse territoriale fine de l'exposition à l'insécurité en Île-de-France
Une analyse territoriale fine de l'exposition à l'insécurité en Île-de-France
- Image Vasin Lee (via Shutterstock)
Comment affiner des statistiques qui peuvent apparaître trompeuses s'agissant du sentiment d'insécurité ou de la victimation ? Comment sortir d'un effet de stigmatisation de certains quartiers ? L'exposition à la délinquance gagnerait à être analysée de manière fine, en tenant compte de la diversité des territoires : ville centre, périurbain, lointaine banlieue...
C'était l'objectif des chercheurs du Centre de recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP) et de l'OSC réunis dans le projet INSOCPOL (financement ANR - Appel à projet « Inégalités, discriminations, migrations ») clôturé en 2020. On en trouvera les principales conclusions exposées dans un article de la revue Déviance et société.
Antoine Jardin (CESDIP), Edmond Préteceille (Sciences Po - OSC), Philippe Robert (CESDIP) et Renée Zaubermann (CESDIP), « Territoires et insécurité en Île-de-France », Déviance et société, vol. 45, n° 2, p. 319-355, juin 2021. Article disponible sur CAIRN.
Déjà en 2005, des chercheurs de l'OSC (Nicolas Herpin et Hugues Lagrange), avait distingué dans leurs travaux les zones résidentielles aisées peu concernées par la délinquance, les centres-villes exposés à la victimation mais sans grande inquiétude exprimée et des zones populaire de relégation très affectées par le sentiment d'insécurité. Au fil des études, la typologie s'est enrichie... les scientifiques cherchant à combiner les caractéristiques des populations avec les spécificités territoriales.
Dans le projet ici présenté, les chercheurs sont partis des caractéristiques des unités territoriales en combinant 4 bases de données permettant de construire 4 types d'indicateurs :
- les enquêtes de victimations ont permis de bâtir des indicateurs d'atteintes aux personnes et de sentiment d'insécurité (Institut Paris Région) ;
- l'INSEE a fourni la composition socioprofessionnelle ainsi que l'origine géographique des populations présentes sur l'unité (recensement national à l'échelle de l'IRIS) et Edmond Préteceille a pu tirer profit de sa typologie des types socioprofessionnels (à partir des PCS) et de celle des types migratoires pour situer le milieu social et la présence de populations immigrées ;
- enfin l'analyse des résultats électoraux a fourni un indicateur des comportements politiques sur la question de l'insécurité.
La maille territoriale d'observation revêt une importance particulière. Les chercheurs ont finalement choisi la commune (arrondissement à Paris) pour exploiter les données. Une comparaison des territoires a pu être menée, chaque commune possédant ses variables de profil de composition sociale et migratoire, victimation, peurs et préoccupations, rapport au quartier et résultats électoraux.
L'étude fait ressortir 8 types distincts de territoires :
- Sécure de la bourgeoisie parisienne
- Sécure des classes supérieures à Paris
- De classe moyenne supérieures parisienne, avec victimes ++ et insécurité -
- De grande banlieue, avec victimes - et peu insécure
- De banlieue éloignée moyen/mélangé, avec victimes - et insécure +
- De proche banlieue moyen/mélangé, peu insécure
- De banlieue éloignée, petite classe moyenne et ouvrière, avec insécurité ++
- Prolétaire et immigré de proche banlieue, avec victimes ++ et insécurité ++
Les auteurs de l'étude tirent plusieurs conclusions exposées dans l'article.
Les espaces apparaissent très divers par leur exposition à certaines victimations ou au sentiment d'insécurité, les deux n'étant pas toujours corrélés. Victimations et sentiment d'insécurité ne fonctionnent pas selon la même logique.
Le risque de victimation est lié à la position géographique, culminant dans la capitale.
L'insécurité concerne les classes « dominées » selon 2 modalités : territoires de la précarisation et hantise de la précarisation...