Les coûts de l'autonomie : économistes et médecins libéraux dans les réformes expérimentales des soins primaires
Les coûts de l'autonomie : économistes et médecins libéraux dans les réformes expérimentales des soins primaires
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Noémie Morize soutient une thèse de sociologie qui s'intitule :
Les coûts de l'autonomie : économistes et médecins libéraux dans les réformes expérimentales des soins primaires.
Jury :
Mme Sophie Bernard, Professeure des universités en sociologie, Université Paris Dauphine PSL, laboratoire IRISSO (UMR CNRS INRAE 7170-1427) - Rapportrice
Patrick Castel, Directeur de recherche à la FNSP, Sciences Po, Centre de Sociologie des Organisations (CSO), CNRS (URM 7116) - Directeur
Mme Nancy Côté, Professeure agrégée en sociologie, Université Laval, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sociologie du travail et des organisations de santé
Mme Cécile Fournier, Directrice de recherche à l’Irdes - Directrice
Patrick Hassenteufel, Professeur des universités en science politique, Université Versailles Saint-Quentin et Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, laboratoire PRINTEMPS (UMR 8085) - Rapporteur
Mme Anne Paillet, Professeure des universités en sociologie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, laboratoire CESSP (UMR 8209)
La soutenance publique aura lieu le 31/05/2024 à 09h30 en salle B 108, 1er étage, IEP de Paris, 1 place Saint-Thomas d'Aquin, Paris 7e
Résumé :
Dans le secteur des soins primaires, la demande de soin excède largement l’offre, entre augmentation des maladies chroniques et vieillissement de la population, conjugué à une baisse de la démographie médicale. L’apparition de zones géographiques sous-dotées interroge alors l’absence de régulation de l’installation et des pratiques des médecins généralistes libéraux. Ces dernières décennies sont marquées par le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles. Ces organisations permettent à des professionnels libéraux de bénéficier de financements publics en échange, entre autres, d’une coordination pluriprofessionnelle accrue. Leur essor s’accompagne d’une diversification des modes de rémunération, avec l’apparition de financements collectifs et complémentaires au paiement à l’acte. Lancées en 2019, les expérimentations d’une Incitation à une prise en charge partagée (Ipep) et d’un Paiement en équipe de professionnels de santé de ville (Peps) marquent un pas supplémentaire dans ces réformes. Elles visent des redivisions du travail sectorielles (pour Ipep, entre secteur des soins primaires et hospitalier) et professionnelles (pour Peps, entre médecins généralistes et infirmières). La collectivisation des professionnels de santé (et de leurs rémunérations) vise à les responsabiliser malgré leur statut libéral, en leur attribuant le mérite de résultats de santé mais aussi en leur imputant les dépenses en matière de consommation de soins de leur patientèle. Ces expérimentations sont promues par des économistes administratifs, et relayées par des médecins généralistes libéraux, entrepreneurs de ces réformes. Comment expliquer cette alliance a priori improbable, entre des médecins historiquement attachés à leur autonomie libérale, et des pouvoirs publics soucieux de réformer l’exercice libéral ? L’enquête qualitative, conduite de 2019 à 2023, mobilise principalement l’observation de réunions liées à la mise en œuvre des expérimentations, et une centaine d’entretiens semi-directifs aux niveaux national et local avec des acteurs administratifs et des professionnels de santé. Ma thèse montre l’existence d’une communauté d’acteurs composée d’économistes administratifs, de chercheurs et de professionnels de santé libéraux, mobilisés autour de la promotion d’instruments de coordination des soins. Plus précisément, l’analyse révèle des compromis réciproques entre ces acteurs. D’une part, les économistes administratifs amendent les modèles économiques pour préserver leur relation avec les médecins libéraux. D’autre part, certains médecins généralistes, acculturés au style de raisonnement économique, cherchent à présent à organiser les soins selon cette logique. Pour autant, les médecins généralistes réaffirment une place déjà centrale dans les relations entre groupes professionnels de soins primaires, amenant à un renforcement des hiérarchies professionnelles.
Mots clés : Professions libérales – Economie - Economistes - Rémunérations – Action publique – Administrations sanitaires – Soins primaires – Groupes professionnels