Les troubles du comportement à l'adolescence relèvent-ils de la psychiatrie ?
Les troubles du comportement à l'adolescence relèvent-ils de la psychiatrie ?
- Actualité Sciences Po
Séminaire scientifique de l'OSC 2019-2020
98, rue de l'Université 75007 Paris - salle Annick Percheron
vendredi 6 mars 2020 de 12h à 13h30
Les troubles du comportement à l'adolescence relèvent-ils de la psychiatrie ?
Incertitudes et dilemmes
Isabelle Coutant (CNRS-IRIS)
Chargée de recherche CNRS à l'IRIS (EHESS)
« Troubles du comportement », « troubles des conduites », « états-limite » ou « borderline », « pathologies de l’agir »… Selon les nosographies ou les affiliations théoriques, les catégorisations diffèrent pour désigner des troubles adolescents qui mettent à mal les normes sociales et qui, tant dans le champ éducatif que dans le champ de la santé mentale, sont jugés en augmentation.
En sciences sociales, depuis Michel Foucault, nombre de travaux ont questionné la légitimité d’un traitement psychiatrique de ce type de déviance. Ils considèrent qu’en médicalisant les comportements rétifs à l’ordre social, on participe du maintien des inégalités qui les produisent.
La controverse qui a suivi la publication d’un rapport de l’INSERM sur le trouble des conduites en 2005 a montré que ces interrogations traversent également pour partie la pédopsychiatrie. Les professionnels sensibles à la dimension sociale de ces troubles s’inquiétaient d’un repérage précoce au potentiel stigmatisant, dans un contexte politique de répression accrue de la délinquance des mineurs.
Il demeure cependant que la psychiatrie fait bien souvent office de soupape pour les autres institutions d’encadrement de la jeunesse confrontées à des adolescents qu’elles jugent « ingérables ». Les foyers socio-éducatifs, les établissements scolaires, les magistrats orientent régulièrement ces adolescents et leurs familles vers les dispositifs « psy ». Les questions qui se posent alors, dans le quotidien de l’activité est, au cas par cas : Quelle légitimité à intervenir ? Comment ne pas renforcer le stigmate dont l’adolescent ou l’adolescente fait l’objet ? Comment obtenir son adhésion ? Jusqu’où intervenir ?
A partir d’une enquête ethnographique menée au sein d’un service d’hospitalisation spécialisé dans la prise en charge des troubles du comportement, d’une seconde enquête réalisée au sein d’une Maison des adolescents, et d’un projet de film documentaire retraçant le parcours d’une jeune femme ayant été hospitalisée à l’âge de 16 ans, il s’agira de réfléchir à la fois aux dilemmes de la psychiatrie face à ce type de troubles qui, peut-être plus que d’autres, troublent l’institution, et à la fonction qu’elle peut remplir en terme de socialisation des adolescents, de médiation au sein des familles et de soutien des autres institutions en charge de la jeunesse.
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