AAC | La Shoah comme projet européen ?

AAC | La Shoah comme projet européen ?

Date limite : 24/07/2022

Conférence internationale à l’Institut historique allemand, Paris
Dates : 14-16 mars 2023

Date limite de l’appel : 24.7.2022

La Shoah comme projet européen ?

La nouvelle recherche sur les perpetrators dans une perspective transnationale
The Shoah as a European Project?
New Perpetrator Research in a Transnational Perspective

Dans quelle mesure la Shoah doit-elle s’entendre comme un projet européen ? Telle est la question que se sont récemment posée des chercheuses et chercheurs sur la Shoah aussi éminents que Mary Fulbrook et Thomas Sandkühler[1]. Depuis l’arrivée au pouvoir des nazis, les Allemands ont été les précurseurs et les praticiens de la discrimination, de l’exclusion, et, à terme, de l’assassinat systématique de la population juive en Allemagne. Pendant la guerre, les occupants allemands ont indubitablement été les initiateurs, les artisans et les exécuteurs de l’extermination des Juifs. Mais partout ils ont trouvé des complices et des partenaires pour mettre en œuvre la ghettoïsation, la déportation et l’assassinat de la population juive. Si l’on dispose aujourd’hui de travaux substantiels sur la complicité dans divers pays occupés, il manque à ce jour d’un cadre interprétatif permettant de décrire et d’expliquer l’implication dans la Shoah comme un phénomène transnational. Ces dernières décennies, les recherches sur la Shoah se sont certes internationalisées, mais l’instrumentaire de l’histoire transnationale (c’est-à-dire la question du transfert des savoirs et des pratiques, de la comparaison systémique et la recherche d’un schéma d’interprétation transversal) est peu utilisé dans ce champ de recherche important, dès lors qu’il s’agit d’étudier la complicité des sociétés non allemandes. Le colloque veut contribuer à saisir la dimension européenne de la coopération durant la Shoah sur un plan conceptuel, comparatif et terminologique, afin de sonder les possibilités d’explorer ce champ avec les outils de l’histoire partagée ou de l’histoire croisée.

Thèmes et questionnements

Étudier les formes d’implication dans la Shoah impose de rendre compte des multiples configurations du régime d’occupation et de la collaboration dans diverses régions d’Europe. Les individus agissaient dans différents cadres d’action définis par les Allemands en tant qu’artisans et exécuteurs du génocide des Juifs européens.

En tenant compte de ces contextes variés et de la responsabilité allemande, le colloque s’interrogera sur les comparaisons et les enchevêtrements ainsi que sur les possibles transferts de savoirs et de pratiques à l’échelle européenne. Mener une recherche au prisme des diverses conditions d’occupation suppose de commencer par mettre en lumière quels phénomènes, groupes ou institutions se prêtent à une comparaison ou à l’étude de processus de transferts. Une fois posée, cette base permettra de faire ressortir les desiderata de la recherche et de définir un futur agenda de recherche.

Dans une étape suivante, la conférence cherchera à déterminer dans quelle mesure les bourreaux allemands ont sciemment impliqué la population locale, les institutions et les administrations dans le génocide des Juifs. Quelle a été l’efficacité de cette stratégie dans divers contextes et régions ? Au demeurant, les Allemands ont persécuté une minorité déjà stigmatisée avant la guerre dans les pays occupés : quel rôle ont joué les pratiques et les discours antisémites d’avant-guerre ?

Partant des conditions-cadres de l’occupation allemande, quelles formes de coopération et de compromission peut-on identifier dans les différentes régions ? Nous souhaitons débattre pendant le colloque de plusieurs catégories de complices non allemands :

  • Partenaires des meurtres de masse ayant assassiné des Juifs de leur propre initiative (par ex. l’armée roumaine et d’autres)
  • Européens engagés dans des unités mobiles de tuerie allemandes et dans les centres de mise à mort de l’ Aktion Reinhardt (par ex. les Trawniki)
  • forces de police locaux sous commandement allemand
  • Partenaires de coopération (forces de police, institutions, administrations et gendarmeries de divers pays d’Europe) qui ne se trouvaient pas sous commandement allemand
  • Population civile, délateurs, profiteurs de l’« aryanisation »
  • Groupes clandestins (résistance contre les Allemands tout en persécutant des Juifs)

Notre objectif est d’étudier les unités en uniforme, les administrations civiles et d’autres institutions dans une perspective comparative et transnationale : par ex. le rôle de la police locale, des pompiers, des brigades de construction, des échelons subalternes de l’administration civile ou de l’Église. Comment pouvons-nous procéder à une comparaison transnationale de ces institutions ? Dans quelle mesure l’usurpation des biens juifs par les populations locales a-t-elle joué un rôle dans la manière dont elles ont été impliquées ou se sont compromises dans les meurtres ? Est-il possible de comparer la dénonciation des juifs dans les divers pays (en termes de fréquence, de procédures administratives, de normes sociales) ? Inéluctablement se pose la question de la simultanéité de phénomènes différents : dans quelle mesure les bourreaux non allemands étaient-ils simultanément des victimes de l’occupation allemande ou actifs dans la résistance – et comment, le cas échéant, s’articulaient l’implication dans des crimes, le statut de victime et la résistance ?

Enfin, le changement de perspective est ici central : les victimes juives considéraient-elles leur persécution comme un phénomène européen dans lequel elles n’avaient aucun allié ? Et comment décrivaient-elles leur situation dans les sociétés occupées ? Comment ont-elles perçu la radicalisation de la politique et de la pratique d’extermination nazie ou encore le comportement de la population locale ? Comment le savoir sur la Shoah circulait-il parmi la population juive en Europe ?

Notre objectif explicite est de faire passer concepts, termes et approches méthodologiques au banc d’essai pendant le colloque. Éminemment controversée au sein de la recherche et pourtant couramment utilisée, il conviendra de remettre en question la notion de collaboration en tant que catégorie analytique[2]. Avons-nous besoin d’une nouvelle « recherche sur la collaboration » ou d’une « nouvelle recherche sur les bourreaux » qui prenne en compte les non-Allemands[3] ? Les termes de collusion, coopération, complicité, compromission seraient-ils plus adaptés ? Quelles sources peuvent être revisitées et quelle valeur une « nouvelle recherche sur les bourreaux » accorde-t-elle aux sources des victimes ?

Nous attendons des propositions de communication de 20 minutes qui abordent la question des complices et bourreaux non allemands dans une perspective comparative ou transnationale. Nous souhaitons aussi vivement intégrer la perspective juive sur l’ampleur européenne de la Shoah et la circulation des savoirs. De même, nous sommes intéressés par les questions méthodologiques et théoriques. Si la focale géographique est placée sur la France, l’Allemagne et l’Europe centrale et orientale, les propositions sur l’Europe du Sud et du Sud-Est ou sur les colonies françaises, le Maghreb en particulier, sont les bienvenues.

La conférence se déroulera sous réserve de son financement.

Merci d’envoyer vos propositions en anglais avec un max. de 500 mots et un bref CV d’ici au 24 juillet 2022 à Agnieszka Wierzcholska : conference2023@dhi-paris.fr 

 

Comité d’organisation

Frank Bajohr, Zentrum für Holocaust-Studien, Institut für Zeitgeschichte, München

Havi Dreifuss, Tel Aviv University/ Yad Vashem, Jerusalem

Jürgen Finger, Institut historique allemand, Paris

Andrea Löw, Zentrum für Holocaust-Studien, Institut für Zeitgeschichte, München

Anna Ullrich, Zentrum für Holocaust-Studien, Institut für Zeitgeschichte, München

Agnieszka Wierzcholska, Institut historique allemand, Paris

Claire Zalc, CNRS-IHMC (Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine) / EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), Paris

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