La crise du sida à Berlin (1980 à nos jours)

Atelier topographique d'histoire, juin 2022
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RAPPORT de l’atelier topographique d’histoire
sur le terrain pour jeunes chercheur.e.s

La crise du sida à Berlin (1980-2020) :
urgence médicale, discours politiques et pratiques mémorielles

Lundi 6 juin – Samedi 11 juin 2022

Une collaboration entre le Centre d’histoire de Sciences Po, Paris (Elissa Mailänder), le Centre Marc Bloch e.V., Berlin (Aurélie Denoyer) et le Laboratoire ICT / Les Europes dans le monde, Paris (Patrick Farges) L’actualité épidémiologique et les défis posés à la santé publique incitent à réexaminer l’histoire d’une autre pandémie, celle du VIH/sida. En 1981, une forme particulière de pneumonie est diagnostiquée, d’abord aux États-Unis, puis en Europe, notamment chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, provoquant, pour des années, une « épidémie de signification » (Paula Treichler, 1987). Puis, au milieu des années 1980, en Amérique du Nord et en Europe occidentale, l’épidémie du VIH/sida se propage de manière exponentielle. Les médias évoquent dans un premier temps un « cancer gay », puis la « maladie des 4 H » (héroïnomanes, Haïtiens, homosexuels, hémophiles), stigmatisant ainsi certains groupes sociaux. Dans un tel contexte de « panique sexuelle » et d’urgence médicale, sanitaire et sociétale, le milieu associatif et militant, les arts et la littérature mais aussi l’activisme culturel ont constitué des pôles de résistance et de solidarité, en réponse à l’action des pouvoirs publics, à l’impuissance de la médecine et aux discours et pratiques d’exclusion et de stigmatisation. La perspective proposée dans le cadre de cet atelier topographique était donc d’interroger le VIH/sida comme phénomène multiple et croisé. Le VIH/sida se caractérise par une forme de paradoxe : si les discours médiatique et scientifique des années 1980-90 ont fortement marqué les sociétés occidentales, et plus particulièrement les grandes agglomérations urbaines, la transmission de la mémoire de cette crise est, jusqu’à nos jours, complexe et les réflexions interdisciplinaires, au croisement des sciences humaines et sociales, des sciences naturelles et de la médecine, commencent seulement à s’imposer. À ce titre, le cas berlinois est apparu comme un important noeud européen, voire transatlantique. Ville-palimpseste, Berlin incarne comme peu de lieux la séparation Est/Ouest, dont elle garde des traces vives. Après avoir d’abord nié l’épidémie comme « phénomène capitaliste » et loué le mur comme protection sanitaire, la République Démocratique Allemande (RDA) a mis en place une politique de traçage des malades et de leurs contacts, que seule une dictature avec un système de santé centralisé rendait possible. Prônant une morale sexuelle conservatrice comme meilleure protection contre le virus, une première exposition sur ce thème était organisée au Deutsches Hygiene-Museum de RDA en 1988. À l’Ouest, en République Fédérale d’Allemagne (RFA), certaines figures politiques, comme la ministre fédérale de la Santé de 1985 à 1988, Rita Sü.muth, ont défendu une politique de prévention active. En revanche, le climat politique général durant le mandat du chancelier chrétien-démocrate Helmut Kohl demeurait hostile, conduisant à une stigmatisation des malades. Dans cet État qui n’avait toujours pas abrogé le « paragraphe 175 » criminalisant l’homosexualité entre hommes âgés de moins de 21 ans, l’exposition au VIH et sa transmission étaient poursuivies pénalement. Ainsi, en 1989, la chute du mur, encore perçue comme inconcevable quelques mois auparavant, a fait de Berlin un carrefour de politiques publiques divergentes et de communautés LGBT* qui vivaient la crise du VIH/sida de manières très différentes. L’atelier topographique avait pour objectif d’allier des conférences thématiques et des déambulations dans l’actuelle capitale allemande, placées sous le signe de la mémoire de cell·eux qui ont lutté, vécu et choisi de parler de la crise du VIH/sida. Il s’adressait à des doctorant·e·s et postdoctorant ·e·s issu·e·s des humanités, des sciences sociales et de la médecine afin d’encourager un dialogue interdisciplinaire. L’ambition était de faire intervenir, d’une part, des spécialistes d’une sociohistoire culturelle du sida ; d’autre part de rencontrer des expert·e·s (médecins, muséographes, travailleurs sociaux/travailleuses sociales) et de visiter des lieux emblématiques. Ainsi, les participant·e·s pouvaient se confronter à des registres de narration et des récits mémoriels différents, au travers d’interventions de personnes aux profils divers, portant alternativement des formes de savoirs-experts et de savoirs-militants. Aux différents registres narratifs correspondaient souvent des lieux spécifiques, ce qui permettait aussi d’aborder la question des (in)visibilisations dans l’espace urbain.

Lire le rapport

Ouverture du séminaire "Humanités politiques" / Political Humanities first session

22 sept. 2022 - 17:00
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Seminaire Humanités politiques 
Recitals: Foundations, Fictions and Translations.

The first session will run Thursday, 22 September 2022 at 17:00 CET. Registration is required, as access to the seminar material is restricted to registered participants only.

To register, please use this link.

For programme for this term is: 
  • 22 September: Political Humanities Through the Looking Glass 
  • 6 October: Corpus Iuris and the Mysteries of Law
  • 20 October: Foundations and Transgressions 
  • 10 November: Creative Freedom and Freedom of Expression: Debating fiction and art in a courtroom
  • 24 November: Counterfactuals and Thought experiments: The Ironic Twist
We look forward to your participation!

Poste ATER histoire de l'éducation

Date limite : 15/09/2022 (16h)
Ce poste est à pourvoir à l'UFR SHS (département des sciences de l'éducation) de l'Université de Picardie Jules Verne (Campus Citadelle, Amiens).
La ou le collègue recruté(e) sera notamment chargé(e) de TD en histoire de l'éducation (essentiellement XVIIIe-XXe siècles) et TD de méthodologies documentaires et historiques pour les niveaux L2, L3 et M1.
Les candidatures s'effectuent via la plateforme ALTAIR du site internet Galaxie, qui est ouverte du 9 septembre au 15 septembre 2022 (16h).
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AAC | Prololongement appel - contrat doctoral EUR ODYSSEE

Date limite repoussée au 30/09/2022

Appel à candidature 
Contrat de financement doctoral de l’EUR ODYSSEE 

Informations générales 

Lieu de travail principal : Nice 

Date de publication : vendredi 9 septembre 2022
Nom des responsables scientifiques :

  • Directeur de thèse 
  1. Xavier Huetz de Lemps, Professeur d’histoire contemporaine, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine.
  • Co-directeur de thèse

    M. Arnaud Bartolomei, Maître de conférences en histoire contemporaine habilité à diriger des recherches, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine.

Unité de recherche : Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC, UPR 1193)
Type de contrat : CDD Doctorant/Contrat doctoral en Histoire
Durée du contrat : 36 mois
Date de début de la thèse : 1er novembre 2022
Quotité de travail : Temps complet
Rémunération : 1 769 € brut mensuel (https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid76053/

Sujet de thèse proposé :Européennes et Européens dans les migrations globales du premierXIXe siècle (vers 1820-1860, Amérique hispanique, Méditerranée, Extrême-Orient).

Descriptif du sujet

(voir ci-dessous, annexe 1) 

Profil recherché 

Les candidat.e.s devront avoir soutenu un mémoire de master d’histoire si possible portant sur la période, les aires géographiques ou les thématiques du projet. Ils ou elles veilleront à ce que leur projet doctorals’inscrive dans une démarche d’histoire sociale et globaledes migrations européennes. Les propositions pourront porter sur un seul des trois espaces de destination ciblés (Amériquehispanique, Extrême-Orient, rives sud et orientales de la Méditerranée), mais des approches comparatives ou connectées de ces espaces seront également très bien accueillies. Les projets pourront privilégier les migrations en provenance d’un seul pays européen ou envisager des comparaisons transnationales entre plusieurs régions de départ. De même, seront acceptées aussi bien les approches macros visant à une appréhension large des phénomènes étudiés, les approches micros ciblant des parcours de vie de migrants pour en éclairer les logiques et les enjeux sociaux ou les approches multiscalaires combinant différents niveaux d’analyse. Quel que soit le positionnement privilégié, le projet devra montrer que son auteur a pris la pleine mesure des enjeux documentaires (volume et accessibilité des sources) et scientifiques de ses choix, compte tenu des trois années de contrat. La maîtrise de la ou des langues nationales des espaces étudiés est indispensable. Enfin, le ou la candidat.e sera invité.e à collaborer activement aux projets de recherche en cours autour de cette thématique que ce soit au sein du CMMC,de la MSHS-SE et de l’EUR ODYSSÉE.

Contexte de travail 

La personne travaillera à Nice sous la supervision conjointe d’Arnaud Bartolomei et de Xavier Huetz de Lemps. Elle préparera sa thèse au sein du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (UPR 1193) et elle sera rattachée à l’École Doctorale Sociétés, Humanités, Arts et Lettres (ED SHAL) de l’EUR Odyssée. 

Contraintes et risques 

La personne candidate, francophone, hispanophone ou anglophone, devra être titulaire en septembre 2022 d'un diplôme de Master en histoire. La résidence sur le lieu du laboratoire d'accueil est souhaitée (Nice, France). La thèse pourra être rédigée en français, en espagnol ou en anglais. 

Modalité de candidature :  

- CV au format word ou odt (2 pages max).

- Le fichier numérique du mémoire de master 1 et/ou de master 2.

- Un projet de thèse entrant dans le cadre problématique proposé (3 à 5 pages maximum) avec une proposition de calendrier de travail pour les 36 mois de la thèse.

Calendrier :

- Avant le vendredi 30 septembre 2022 minuit : envoi des candidatures à Xavier.HUETZdeLEMPS@univ-cotedazur.fr et Arnaud.BARTOLOMEI@univ-cotedazur.fr 

- Semaine du 3 au 7 octobre 2022 : auditions par visio-conférence 

Composition du comité de sélection des candidatures : 

- les deux futurs co-directeurs de la thèse.

- le directeur ou la directrice adjointe de l’EUR ODYSSEE.

- le directeur ou la directrice adjointe du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine.

- la directrice ou le directeur adjoint de l’Unité de Recherche URMIS – Migrations et Sociétés (UCA, IRD, CNRS, Université de Paris).

Annexe 1 : Descriptif détaillé du sujet de recherche 

Au cours des dernières décennies, l’accélération spectaculaire du processus de la mondialisation a profondément renouvelé la réflexion en sciences sociales sur la genèse d’un phénomène qui avait d’abord été appréhendé comme une forme d’expansion de la « civilisation » et de la « modernité » européennes. Si les symptômesde l’emprise accrue des Européenssur le monde à partir de la seconde moitié du XIXe siècle sont aujourd’hui bien établis (départoutre-mer de 38 millions d’Européens entre 1865 et 1914, dont environ 30 millions de migrants définitifs, essor spectaculaire des échanges et des investissements internationaux, partage colonialdu monde, hégémonie culturelle et scientifique de l’Europe), les origines de ce mouvementexpansionniste demeurent l’objetd’intenses débats. Alors que les historiens contemporanéistes insistent sur l’apparition d’instruments technologiques, économiques, politiques et culturels nouveauxentre 1860 et 1914 pour affirmer que cette période correspondrait à une « première mondialisation », les historiens modernistes n’ont eu de cesse, de leur côté, d’attirer l’attention sur le caractère décisif des grands voyages exploratoires du XVe siècle et sur l’importance des premières interactions directes entre Européens, Américains, Africains et Asiatiques dans l’émergence de nouvelles façons d’appréhender et d’habiter le monde après 1500. Sans trancher ces débats sur les origines de la « mondialisation » ou de la « modernité », l’histoire globale, qui s’est affirmée depuis une vingtaine d’années comme un courant centraldes sciences historiques, propose plutôt de déplacer les questionnements en « provincialisant l’Europe » à laquelle une place prépondérante ne serait plus accordée d’emblée, en tendant vers une « histoire à parts égales » qui ferait une plus large place aux récits de la modernité produitspar des non- uropéens et en restituant toute leur complexitéet leur dimension circulatoire à des flux (migrations, échanges commerciaux, expansion militaire et politique, transferts culturels) jusque- à conçus comme rayonnantà partir de l’Europe. Loin d’être un programme scientifique parfaitement délimité dans ses objectifs et ses procédures, l’histoire globale se présente comme un ensemble d’approches et de démarchesplurielles, tantôt inspiréesd’une ambitieuse histoirecomparative des différents espaces mondiaux, tantôt au contraire d’une micro- istoire centréesur les interactions concrètes nouées au « ras du sol», mais qui ont pour ambition communede déconstruire les grands récits eurocentrés de la modernité et de proposer des relectures fondées sur des angles nouveaux d’analyse. C’est résolument dans les démarches, les débats et les perspectives de l’histoire globale que s’inscrit cette proposition de contrat doctoral.

Périmètre du sujet 

La proposition consiste à rouvrir le dossier de l’expansion européenne non pas en se situant dans la perspective traditionnelle des relations internationales qui insiste sur la « conquête » du monde, ni dans celle, d’inspiration marxiste, qui privilégie l’instauration d’une hégémonie économique sur des périphéries dominées, mais en adoptant les démarches d’une nouvelle histoire sociale, attentive aux parcours des individus qui quittèrent alors le continent européen, à leurs motivations personnelles, à leurs succès (ou leurs échecs)et aux conditions qui rendirentla réalisation de leurs projetsmigratoires possibles ou non. Une attention toute particulière sera notamment accordée aux figures et aux trajectoires de ces migrants− marchands et entrepreneurs, travailleurs et travailleuses, diplomates et consuls nommés pour les représenter et les encadrer− qui firent le choix de s’expatrier, et aux sources qui permettent de documenter au plus près leur existence. Parmi ces dernières, les archives consulaires rapatriées renferment de multiples témoignages sur l’expérience sociale de ces Européen.ne.s expatrié.e.s : correspondances consulaires non-ministérielles, recensements, actes d’état civil et immatriculations, fonds privés laissés par les individus décédés hors d’Europe, dossiers du tribunal consulaire etc. Dans le prolongement des travaux qui ont été consacrés, ces dernières années, à l’étude de l’institution consulaire, elles pourront être mobilisées et confrontées à des documents d’autres provenances et natures. Ainsi, l’exploitation de sources extra- européennes, qu’elles émanent des administrations locales (justice, police, municipalités etc.) de la sphère publique des sociétés d’accueil (presse, littérature, textes politiques, etc.) ou encore des réseaux consulaires déployés en Europe, dans ces mêmes années 1820-1860, par ces États eux aussi soucieux de s’affirmer sur la scène internationale, contribuerait utilement à l’écriture de cette nouvellehistoire des relationsinternationales, sensible aux interactions socialesqui se nouent directement entre les peuplespar-delà les relations interétatiques.

Le cadre spatial du projet est volontairement large. Il inclut trois aires géographiques : l’Amérique hispanique, les rives sud et orientales de la Méditerranée et l’Extrême-Orient. En revanche, la période chronologique (vers 1820 − vers 1860) est relativement stricte. Elle correspond, pour les trois aires concernées, à un moment de profonde reconfiguration des relations entre les États européens et les autorités exerçant leur souveraineté sur ces territoires, mais selon des modalités différentes. Dans l’Amérique hispanique, les États récemment émancipésde la tutelle coloniale européenne sont soucieux de s’ouvrir aux influences européennes et de construire des liens nouveaux avec le vieux continent tout en affirmantleur souveraineté sur les territoires et les sociétésplacés sous leur autorité.En Extrême-Orient, la politique de fermeture plus ou moins totale aux Européens des empires autochtones (Japon, Chine, Siam, Vietnam) est remise en question par les pressionsimpériales européennes qui exigent leur ouverture. En Méditerranée, la configuration est encore différente : c’est volontairement que des États récemment émancipés de la tutelle ottomane, comme la Tunisie ou l’Égypte, et l’empire ottoman lui-même, s’ouvrent beaucoup plus largement que par le passé aux échanges avec l’Europe. À la périphérie de ces trois aires, les États européens conservent des colonies (Cuba, Porto-Rico, antilles françaises et britanniques, Philippines et Indes néerlandaises etc.) ou acquièrent des points d’appui (par exemple les établissements britanniques du détroit de Malacca et, bien sûr, la conquête française de l’Algérie) qui deviennent les plaques tournantes des échanges, y compris migratoires. Toutefois, sous l’influence des idées libérales, les relations de ces établissements européens avec leur métropole ne sont plus exclusives et elles s’ouvrent également très largement (établissement de consulats, tolérancedes étrangers européens non-nationaux).

Cibler précisément ces décennies de l’ouverture des sociétés extra-européennes aux migrants issus d’Europe, à un moment où la domination européenne est loin d’être clairement établie, permettra ainsi de s’émanciper des interprétations téléologiques traditionnelles qui ont eu tendance à lire ce premier XIXe siècle aux prismes d’un hypothétique « empire informel » européen ou d’un « âge d’or colonial » à venir. En effet, même si l’histoire sociale des migrant.e.s n’est pas étrangère à celle des relations internationales « inter-étatiques » - celle des impérialismes, des traités et des conquêtes - elle ne saurait s’y réduire et permet même de l’éclairer sous un angle nouveau. Si une attention particulière sera donc accordée aux motivations profondesde ces migrant.e.s et aux conditions matérielles, économiques et sociales dans lesquelles ils et elles furent accueilli.e.s (ou rejeté.e.s) parleurs sociétés d’accueil, les conditions juridiques dans lesquelles se déroulèrent ces migrations et les enjeux politiques qu’elles suscitèrent devrontégalement être pleinement pris en considération. 

État de la question et perspectives de recherche 

L’intérêt des historiens pour les décennies centrales du XIXe siècle n’est pas nouveau. Certains auteurs (Gallagher et Robinson), insistant sur le recours fréquent des Européens à la coercition pour s’ouvrir de nouveaux marchés, ont affirmé que cette période d’« impérialisme de libre échange » ne différait fondamentalement pas de l’expansion coloniale des années 1870-1914 par sa nature, la volonté de domination étant la même, mais par des formes et des degrés particuliers d’affirmation de cette volonté. D’autres, au contraire, ont loué une époque d’expansion libérale, durant laquellele rayonnement de l’Europe n’aurait reposé que sur son dynamisme démographique et économique (Platt).Plus récemment, des historiens (Bayly,Todd pour la France) ont souligné la singulière multiplicité des possibles dans cette période de « méridien impérial » située entre l’effondrement des premiers empires coloniaux américains et le high imperialism de la fin du siècle. Employées pour désigner des formes de domination non-coloniale exercées ou promuespar les puissances européennes de cette époque, les notions d’« empire informel » et d’« impérialisme informel » ont également été mobilisées pour étudier les politiques expansionnistes d’autres puissances européennes que la Grande-Bretagne, et ce dans les trois aires ici prises en compte (Kayaoglu, Shawcross, Massé). Les travaux récemment coordonnés par le Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (notamment dans le cadre du projet IMERLIB associant la Casa de Velázquez et la Universitat Pompeu Fabra) et centrés autour des expériences française et espagnole, ont cependant apporté des révisions importantes aux notions d’impérialisme du libre-échange et d’empire informel mises en avant par cette historiographie : si le processus d’ouverture des marchés coloniaux est incontestable et si les « puissances européennes » furent bien le théâtre à cette époque de multiples projets d’expansion clairement impérialistes, les résultats concretsobtenus furent en général modesteset la domination européenne demeurale plus souvent strictement virtuelle(dossiers thématiques des revues Outre-Merset Illes e Imperis, 2021). Le contratdoctoral vise donc à approfondir la réflexion ainsi engagée ces dernières années, en décalant l'analyse du côté de l'histoire sociale et en diversifant les terrains d'observation.

Parallèlement à ces relectures récentes des formes de l’expansion impériale de l’Europe, un autre champ historiographique a profondément renouveléla réflexion sur le sujet à partir d’ancrages clairement situés dans l’histoire sociale ou l’histoire institutionnelle. Privilégiant des approches comparatives très larges, différents travaux se sont intéressés à l’instrumentalisation politique du « droit international » que firent de plus en plus ouvertement les Européens au XIXe siècle pour justifier leurs prétentions hégémoniques et imposer un nouvel ordre mondial (Pitts, Benton). D’autres historiens et historiennes ont au contraire placé la focale sur des études extrêmement fines du pluralisme juridique à l’œuvre dans les tribunaux mixtes ou capitulaires installés en Méditerranée ou dans les concessions chinoises, pour discuterl’existence même d’une hégémonie européenne unilatérale dans le domaine du droit (van den Boggert, Marglin, Oualdi). Au-delà de la diversité de leurs approches, ces travaux se rejoignent autour du projet ambitieux de l’écriture d’une nouvelle histoire socialedes relations internationales à laquelle s’attellede plus en plus d’historiens et d’historiennes, dans des cadres scientifiques très différents. Le Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine a pris sa part dans cette entreprise intellectuelle, notamment à travers des travaux consacrés à l’institution consulaire, à ses fonctions sociales et à ses inscriptions spatiales (Bartolomei et alii,2016, Bartolomei et alii, 2018, Grenet, 2021).

Enfin, le champ renouvelé des études migratoires constitue un troisièmepilier sur lequelle projet est construit. Alors que les grandes entreprises de quantification des migrants européens expatriés au cours du XIXe siècle ont maintenant porté leurs fruits (McKeown, 2004), des travaux récents se sont tournés vers l’étude des réseaux migratoires et de l’insertion des migrants dans les sociétés d’accueil, surtout pendant la grande vague migratoire de la seconde moitié du XIXe siècle (Magee et Thompson). Le recoursaux sources extra-européennes pour étudier ces phénomènes devientégalement plus fréquent. Ainsi, deux thèses françaises récentes ont mobilisé les sources de la justice civile argentine pour mettre l’accent sur la participation concrète des migrant.e.s européen.ne.s, pour l’une, dans la construction du bâti urbain de villes comme Buenos Aires (Becchini) et, pour l’autre, dans l’édification d’un nouveau cadre juridique pour les relations commerciales sur les rives du Rio de la Plata (L. Manac’h). 

Bibliographie succincte 

  1. Bartolomei, M. Grenet, F. Jesné et J. Ulbert (dir.), « La chancellerie consulaire française (XVIe-XXesiècle) :attributions, organisation, agents, usagers », Mélanges de l’École française de Rome, Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, n°128-2, 2016 [en ligne]. 
  2. Bartolomei,G. Calafat,M. Grenet et J. Ulbert(dir.), De l’utilité commerciale des consulsL’institution 

consulaire et les marchands dans le monde méditerranéen (XVIIe-XIXe siècle), Madrid-Rome, 2018. 

  1. ABayly,Imperial Meridian: The BritishEmpire and the World, 1780-1830, Londres, 1989. 
  2. Becchini,Des villesmigrantes : Marseille, Buenos Aires : construire et habiter les périphéries urbainesau temps des migrations italiennes (1860-1914), thèse de doctorat, Université Paris I, 2020. 
  3. Benton,Law and Colonial Cultures:Legal Regimes in World History1400-1900, Cambridge, 2001. 
  4. Gallagheret R. Robinson,« The imperialism of Free Trade »,The Economic History Review, 6-1, 1953, p. 1- 15. 
  5. Grenet(dir.),La maison consulaire. Espaces,fonctions et usagers,XVIe-XXIe siècle, Aix-en-Provence, 2021. 
  6. Huetzde Lemps, A. Bartolomei et M. Rodrigo y Alharilla(dir.), dossier thématique « L’impérialisme informelde la France et de l’Espagne au XIXe siècle », Outre-Mers. Revue d’histoire, n°410-411, 2021. 

Turan Kayaoglu,Legal Imperialism: Sovereignty and Extraterritoriality in Japan, the Ottoman Empire, and China,Cambridge, 2010. 

  1. B.Magee et A. S. Thompson,Empire and Globalisation. Networksof People, Goods and Capital in the British World,c. 1850-1914, Cambridge, 2010. 
  2. Manac’h,S’associer, entreprendre et faillir dans le monde hispanique à l'âge des révolutions : Catalogne, Cuba et Río de la Plata, 1776 - vers 1840, thèse de doctorat, Université Paris I (en cours). 
  3. Marglin,AcrossLegal Lines. Jews and Muslimsin Modern Morocco, New Haven, 2016. 
  4. Massé,Un empire informel en Méditerranée. Les consuls de France en Grèce et dans l’Empire ottoman, Paris, 2019. 
  5. M.McKeown,Melancholy Order. Asian Migrationand the Globalization of Borders, New York, 2008. 
  6. Oualdi,A SlaveBetween Empires. A Transimperial History of North Africa, Columbia,2020. 
  7. Pitts,Boundaries of the International: Law and Empire, Cambridge, 2018. 
  8. Rodrigoy Alharilla, X. Huetz de Lemps et A. Bartolomei (dir.), dossier thématique « La apertura de los mercadoscoloniales hispánicos (1770-1860) », Illes e Imperis, n°23, 2021. 
  9. Shawcross,France,Mexico and InformalEmpire in Latin America, 1820-1867.Equilibrium in the New World, Basingstoke, 2018. 
  10. Todd,A Velvet Empire: French InformalImperialism in the Nineteenth Century, Princeton & Oxford,2021. 
  11. vander Boogerts, The Capitulations and the OttomanLegal System : Qadis, Consuls,and Beratlı in the Eighteenth Century, Leiden-Boston, 2005.
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