Faire durer ses objets, une pratique distinctive ?
Faire durer ses objets, une pratique distinctive ?
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Faire durer ses objets, une pratique distinctive ?
Consommation et frontières de classe chez les ménages aisés
Maël Ginsburger (Sciences Po - CRIS), Julie Madon (Sciences Po - CSO)
Sociologie, volume 14, n° 1, p. 29 - 48
Cet article est consultable sur CAIRN
La consommation de biens et services ostentatoires a été largement étudiée en lien avec les dynamiques d’affirmation statutaire des classes supérieures. Pour autant, les pratiques de consommation ordinaire sont également propices à l’affirmation de frontières de classe et à la mise en évidence de mécanismes complexes de distinction sociale.
Nous avons choisi d'étudier la manière dont des pratiques visant à allonger la durée de vie des biens durables participent, au sein de ménages aisés, de formes renouvelées de distinction sociale vis-à-vis des autres ménages (issus des classes populaires, mais aussi des classes supérieures).
Pour ce faire, nous mobilisons la notion de « frontières symboliques », afin d’étudier l’interaction entre plusieurs répertoires distinctifs inégalement mobilisés par les individus.
À travers l’exploitation d’enquêtes statistiques et d’entretiens, nous montrons que les pratiques d’allongement de la durée de vie des objets demeurent associées – statistiquement ainsi que dans les représentations – à des situations de forte contrainte budgétaire.
Nous montrons comment la présence de telles pratiques chez des ménages aisés accompagne un difficile positionnement de leur part le long de la frontière socio-économique. Pour autant, ces pratiques servent de support à l’affirmation de frontières symboliques autres – éthiques, techniques et esthétiques – et participent de la construction d’une identité d’élite anti-consumériste.
Les biens durables retenus sont définis par l’enquête Budget de famille de l’Insee. Sont compris, les appareils électroménagers, audiovisuels et numériques, l’informatique et la téléphonie mobile, ainsi que les meubles et le matériel de jardinage et bricolage.
Nous explorons trois répertoires de distinction alternatifs à la consommation ostentatoire mobilisés par les classes supérieures aisées : la morale, la technique (savoir-faire et compétences masculines) et l’esthétique patrimoniale. Le croisement des méthodes et matériaux permet de mieux comprendre dans quelles configurations apparaît un tel recul du registre de la consommation ostentatoire au profit de l’affirmation d’un statut d’élite anti-consumériste.
Les deux auteurs ont été distingués par le Prix Jeunes Chercheurs de la Fondation des Treilles.