L'écologie en pratiques. Consommation ordinaire et inégalités en France depuis les années 1980
L'écologie en pratiques. Consommation ordinaire et inégalités en France depuis les années 1980
- Illustration Lexi Claus (via Shutterstock)
L'écologie en pratiques.
Consommation ordinaire et inégalités en France depuis les années 1980
Practicing being green. Ordinary consumption and inequalities in France since the 1980s
Maël Ginsburger
Soutenance le jeudi 15 juin à Sciences Po Paris, salle 900, à 14h30.
Composition du Jury : Philippe Coulangeon (Directeur de recherche, Sciences Po - CRIS, CNRS), Sophie Dubuisson-Quellier (Sciences Po - CSO, CNRS), Tally Katz-Gerro (University of Haïfa) , Frédéric Lebaron (UVSQ-Printemps), Ivaylo Petev (Directeur de recherche, CREST, CNRS), Marie Plessz (ENS, INRAE, Centre Maurice Halbwachs).
L’injonction à la réforme écologique des modes de vie, dont l’espace public est saturé depuis le début des années 1990, induit un questionnement sociologique sur l’hétérogénéité des styles de consommation des ménages français et l’évolution des inégalités sociales. Les différences dans les manières de consommer, de polluer et de se conformer aux injonctions au verdissement des modes de vie reproduisent-elles ou renouvellent-elles des mécanismes de stratification et de différenciation sociale plus anciens ? Comment les inégalités relatives à la classe sociale et au revenu, mais aussi à l’âge, au genre et aux conditions résidentielles affectent-elles les styles de consommation ordinaire et de facto, l’observance d’une norme émergente d’écocitoyenneté ? Les conditions matérielles vécues par les individus sous le sceau de la ressource ou de la contrainte supplantent-elles les dispositions acquises dès l’enfance (goûts, valeurs et habitudes) dans la compréhension de tels clivages ? Des réponses sont apportées à ces trois interrogations.
En se focalisant sur les pratiques de consommation ordinaire — liées à l’alimentation, à l’énergie, aux déplacements, à l’équipement et à l’habillement — cette thèse explore les dynamiques de changement social générationnelles et au cours de la vie. Elle met ainsi en lumière la manière dont de telles pratiques se sont renouvelées ou pérennisées depuis 30 ans en lien avec le développement des préoccupations pour la préservation de l’environnement.
Cette thèse montre que les nouvelles significations éthiques et environnementales de certaines pratiques de consommation ne remettent pas en cause les clivages qui structurent les styles de consommation ordinaire des ménages depuis les années 1980. Ceux-ci restent parcourus d’oppositions étonnamment stables, qui traduisent, dans le domaine de la consommation, les positions inégales occupées dans l’espace social et résidentiel : ces oppositions distinguent les ménages intégrés et exclus de la consommation ordinaire, et les consommateurs ancrés localement des consommateurs connectés.
Les inégalités dans les styles de vie dépendent d’abord de conditions matérielles d’existence (budgétaires, résidentielles, familiales, professionnelles) inégales. Les styles de vie dépendent secondairement de dispositions acquises et transmises lors des expériences de socialisation, et seulement marginalement des variations dans l’inquiétude environnementale et du souci de conformité à la norme d’écocitoyenneté.
Les injonctions normatives ainsi que les nouveaux registres de distinction sociale qui naissent de la valorisation de formes d’anti-consumérisme doivent composer avec des formes rigides d’inégalités dans les styles de vie, qui, depuis longtemps, font des ménages socialement exclus — pauvres, plutôt jeunes et urbains — les champions de la frugalité et des agriculteurs et de leurs enfants les principaux tenants d’une consommation ancrée localement.