Ségrégation urbaine et choix du collège
Ségrégation urbaine et choix du collège
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Ségrégation urbaine et choix du collège :
quelles contributions à la ségrégation scolaire ?
Béatrice Boutchénik, Pauline Givord, Olivier Monso
Revue économique, 2021, vol. 72, n° 5, p. 717 à 747
Le système scolaire français fournit une illustration intéressante de l’impact du choix scolaire sur la ségrégation entre établissements, car il combine une affectation géographique assez stricte des élèves dans les collèges publics, avec l’existence d’établissements privés financés par l’État, non soumis à la carte scolaire.
En utilisant une approche d’équilibre partiel, les résultats empiriques de l'article donnent une mesure des contributions relatives de la ségrégation urbaine et du choix du collège sur la ségrégation scolaire pour trois zones urbaines françaises : Bordeaux, Clermont-Ferrand et Paris. En utilisant les limites précises des secteurs de recrutement scolaire et les données administratives sur les élèves inscrits, il a été possible d’identifier, pour chaque élève, le collège public dans lequel il aurait dû être inscrit selon la règle d’affectation, et le collège qu’il fréquente effectivement.
On peut comparer le degré de ségrégation scolaire qui serait observé si tous les élèves étaient inscrits dans le collège public de leur quartier au degré réel de ségrégation sociale dans les collèges. La différence entre la ségrégation résidentielle et la ségrégation scolaire indique dans quelle mesure le choix des familles de ne pas fréquenter leur collège public de secteur aggrave ou, au contraire, atténue l’impact de la ségrégation résidentielle sur la ségrégation scolaire. L'article détaille les deux principaux mécanismes opposés qui peuvent expliquer cette relation : effets de « réallocation » et d’« évitement ».
Sur le plan méthodologique, cet article propose un nouvel outil pour décomposer les indices de ségrégation, en s’appuyant sur une mesure couramment utilisée, l’indice d’entropie normalisé, version normalisée de l’indice d’information mutuelle.
Les résultats confirment que dans les trois villes, le niveau de ségrégation observé entre collèges reflète en grande partie le niveau de ségrégation urbaine. Cependant, les possibilités de choix scolaire, et notamment l’inscription dans les collèges privés, contribuent à réduire encore la mixité sociale dans les collèges de ces trois villes.
Le fait que certains parents évitent le collège de secteur contribue pour 37 % à 49 % au niveau de ségrégation dans les collèges, selon la ville considérée, résultat essentiellement déterminé par l’évitement vers l’enseignement privé.Si la mixité sociale se détériore dans les collèges publics évités, la polarisation sociale entre collèges privés est également marginalement plus élevée (et dans le cas de Paris, significativement plus élevée) que celle observée au niveau local.
Ces estimations empiriques statiques suggèrent que dans le contexte actuel, les pratiques de contournement de la carte scolaire sont étroitement liées au milieu socio-économique et au lieu de résidence des familles, et sont un mécanisme déterminant de la ségrégation scolaire.