Numéro spécial de l'AJIM
Numéro spécial de l'AJIM
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Nous avons le plaisir de vous annoncer la sortie du numéro spécial de la revue American Journal of Industrial Medicine, 58, S1: From silicosis to silica hazards: an experiment in medicine, history and the social sciences. Edited by Paul-André Rosental (Sciences Po), Paul Blanc (UCSF) and David Rosner (Columbia University)
En 1995, l'Organisation Internationale du Travail (ILO) et l'Organisation Mondiale de la Santé lancèrent une campagne pour éradiquer la silicose, partant du postulat que la connaissance et les moyens pour son élimination étaient à notre portée. Pourtant, la silicose est toujours parmi nous, que ce soit sous forme d'épidémie dans l'industrie minière chinoise ou sud-africaine, sous une forme moins visible d'épidémie dans quantité de petites fabriques en Inde ou sous forme de poussées dans de nouveaux contextes. Au niveau politique, les efforts actuels des Etats-Unis pour réduire le risque de silicose et d'autres maladies liées à la silice ont été bloqués par les représentants d'intérêts corporatistes.
La persistance de ce risque ancien et la relation complexe entre la silice et la silicose et autres maladies qui leur sont associées, est manifeste dans l'intérêt contemporain de la recherche pour le sujet. Un examen de la littérature anglophone publiée révèle un nombre croissant d'études consacrées aux trajectoires inflammatoires et aux marqueurs génétiques, et montrant un intérêt continu pour les complications pour le cancer du poumon et les maladies autoimmunes, ainsi qu'une pléthore d'études de cas de silicoses et des enquêtes industrielles, en particulier dans les pays en développement. En parallèle, la littérature historique nous apprend que la façon dont une société définit et indemnise la silicose, et les maladies professionnelles en général, relève autant du contexte social que de la connaissance biomédicale.
Cette conjonction des processus sociaux et scientifiques fait de la silicose un terrain fertile pour la recherche interdisciplinaire. A cette fin, les chercheurs associés au Centre d'Etudes Européennes de Sciences Po, ont choisi de se concentrer sur l'étude de la conférence internationale qui s'est tenue à Johannesburg en 1930. Cette conférence était conçue pour jouer un rôle fondamental dans l'accord international entre les experts sur la nosologie et l'étiologie de la silicose, et a ouvert la voie à l'inclusion de la silicose dans la convention de l'ILO sur l'indemnisation des maladies professionnelles quatre ans plus tard. Mais elle a également suspendu de grandes recherches médicales, qui sont aujourd'hui reprises, 85 ans plus tard.
Pour traiter de ces questions, ce numéro spécial propose au moins trois niveaux d'exploration. Il combine :
- l'histoire des institutions - la mise en lumière des enjeux et priorités contradictoires des participants et des entités organisatrices de la conférence de 1930;
- l'histoire des idées médicales ou scientifiques - dans le cas présent, l'influence durable de décisions prises à la conférence sur la conceptualisation biomédicale de la silice et de la silicose, entraînant une définition étroite, qui s'impose encore aujourd'hui.
- un troisième niveau qui est peut-être le plus ambitieux. Il consiste à adopter une position contrefactuelle par rapport à celle issue de la conférence, en se recentrant, à travers une enquête épidémiologique et en laboratoire à l'aide des techniques modernes, sur la silice comme agent porteur d'effets étiologiques sur un spectre de maladies pulmonaires et systémiques plus large que la maladie "tronquée" en 1930.