Auteur(s): 

Pierre-Jean Luizard, Directeur de recherche CNRS

Date de publication: 
Décembre 2016
Illustration

Soldat américain se préparant à engager le combat (companie B., 1er battaillon, 126e régiment d'infanterie, 2e brigade de combat, 101e division Airborne), checkpoints de Qayyarah (31 oct. 2016).

Mossoul connaîtra-t-elle le sort tragique d’Alep ? Dans les deux cas, nous assistons à la tentative de reconquête de la seconde ville de chacun des deux pays par des gouvernements qui proclament lutter contre le « terrorisme » et agir pour restaurer la souveraineté de l’Etat. Car en Irak comme en Syrie, l’Etat a cédé la place à une conception communautaire du territoire.

Colloque du 5-6 décembre 2016, avec les interventions de Laurent Bonnefoy, Alain Dieckhoff, Stéphane Lacroix, Laurence Louër, Pierre-Jean Luizard et Jean-Paul Willaime.

L’Islam est pluriel, dans ses approches juridiques, théologiques, spirituelles, mais depuis quelques temps, il est traversé, dans le monde sunnite, par la montée d’un courant fondamentaliste qui entend revenir, de façon stricte, aux « principes originels » de la religion. Cette volonté de « retour aux sources » est portée par le salafisme qui connaît un essor indéniable, sous des formes diverses, avec des rapports au politique eux-mêmes changeants, allant d’un quiétisme assumé à l’engagement dans l’action violente (djihadisme).
Pour comprendre ce fondamentalisme, il est impérieux de se pencher sur ses assises doctrinales, sur les représentations de soi et de l’Autre qu’il véhicule, sur les concepts (shari’a, sunna, djihad, califat…) qu’il mobilise, sur les mythes et utopies qu’il invoque. Certes, les idées seules ne font pas l’histoire, mais elles forment un soubassement indispensable à l’action des hommes. Il convient donc de prendre au sérieux les discours religieux eux-mêmes, sans les tenir pour de simples travestissements.
L’objectif de ce colloque interdisciplinaire qui réunit islamologues, historiens, sociologues, politistes, venant de différentes institutions de recherche en France comme à l’étranger, a précisément pour objectif de débrouiller cet écheveau complexe en engageant une réflexion en profondeur sur le fondamentalisme sunnite contemporain.

Résumé 

« L’islam est la religion de l’Etat »… Telle une litanie, on retrouve cette expression dans toutes les Constitutions des pays arabes (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Irak, Jordanie, Yémen, Oman, Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Koweït) et en Iran. En Arabie Saoudite où il n’existe pas de Constitution, la religion musulmane est la seule autorisée. Ensuite s’ajoute la référence à la sharî’a et la façon dont les lois doivent s’en inspirer. Le principe d’égalité est affiché dans toutes les Constitutions des Etats arabes, sous des formes variant d’un texte à l’autre. Dans les faits, la reconnaissance des minorités religieuses se fait dans le cadre de l’héritage de la dhimmitude. L’autonomie du statut personnel des non-musulmans, assurée dans toutes les Constitutions, trouve sa source dans la sharî’a. Quant aux sectes issues de l’islam, elles ne sont tout simplement pas reconnues.

Bibliographie 

« Laïcité(s) en France et en Turquie », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien (CEMOTI), 19, 1995.

Les Constitutions des pays arabes. Actes du colloque organisé en 1998 à Beyrouth par le Centre d’études des droits des pays arabes (CEDROMA) de l’Université Saint-Josep, Bruxelles, Bruylant, 1999.

Al-Hakîm Jacques, « Syrie : constitution de la République arabe syrienne », dans Éric Canal-Forgues (dir.), Recueil des Constitutions des pays arabes, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 203-208.

Amor Abdelfattah, « La place de l’Islam dans les constitutions des États arabes : modèle théorique et réalité juridique », dans Gérard Conac et Abdelfattah Amor (dir.), Islam et droits de l’homme, Economica, Paris, 1994, p. 13-27.

Ben Jémia Monia, « Non-discrimination religieuse et Code du statut personnel tunisien », dans Hervé Bleuchot et François-Paul Blanc (dir.), Revue franco-maghrébine de droit, 15, 2007, p. 199-216.

Bernard-Maugiron Nathalie et Bras Jean-Philippe, La Charia, Paris, Dalloz, 2015.

Bernard-Maugiron Nathalie, La Haute Cour constitutionnelle égyptienne et la protection des droits fondamentaux, thèse de droit, Université Paris-Nanterre, 1999.

Botiveau Bernard, Loi islamique et droit dans les sociétés arabes. Mutations des systèmes juridiques du Moyen-Orient, Paris, Karthala-IREMAM, 1993.

Boustany Katia, « Minorités et organisation institutionnelle au Liban : architecture de l’État et dispositifs juridiques », dans Nicolas Levrat (dir.), Minorités et organisation de l’État. Textes présentés au quatrième colloque international du Centre international de la common law en français, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 389-411.

Digard Jean-Pierre, Hourcade Bernard et Richard Yann, L’Iran au XXe siècle. Entre nationalisme et mondialisation, Paris, Fayard, 2007.

Dumont Paul, Mustafa Kemal invente la Turquie moderne, Bruxelles, Complexe, 2006.

Gannagé Pierre, Le Pluralisme : droit libanais et droits proche-orientaux, Presses de l’Université Saint-Joseph, Beyrouth, 2001.

Georges Naël, « Minorités et libertés religieuses dans les Constitutions des États de l’Orient arabe », Égypte/Monde arabe, 10, 2013.

Luizard Pierre-Jean (dir.), Le Choc colonial et l’islam. La politique religieuse des puissances coloniales en terres d’islam, Paris, La Découverte, 2006.

Luizard Pierre-Jean, « Al-Azhar, institution sunnite réformée », dans Alain Roussillon (dir.), Entre réforme sociale et mouvement national, Le Caire, CEDEJ, 1995, p. 519-548.

Luizard Pierre-Jean, Laïcités autoritaires en terres d’islam, Paris, Fayard, 2008.

Pérouse Jean-François, La Turquie en marche. Les grandes mutations depuis 1980, Paris, La Martinière, 2004.

Richard Yann, L’Iran. Naissance d’une république islamique, Paris, La Martinière, 2006.

Rondot Pierre, « Les minorités dans le Proche-Orient (3) », L’ Afrique et l’Asie modernes, Paris, 15, été 1987, p. 85-101.

Sulaymân H., 1989, « Comparaison entre les constitutions arabes et les deux pactes internationaux », Droits de l’homme : études appliquées sur le monde arabe, Beyrouth, Dâr al-ʻilm lil-malâyîn, tome 3, p. 217-240.

Vaner Semih (dir.), Modernisation autoritaire en Turquie et en Iran, Paris, L’Harmattan, 1991.

Zarcone Thierry, La Turquie moderne et l’islam, Paris, Flammarion, 2004.

Affiliation 

Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL), CNRS.

Biographie 

Pierre-Jean Luizard est directeur de recherche au CNRS, historien de l’islam au Moyen-Orient au sein du Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL UMR 8582 CNRS/EPHE).

Bibliographie 

- Le piège Daech, L’Etat islamique ou le retour de l’Histoire, Paris, La Découverte, Paris, 2015.

- (dir. avec A. Bozzo), Polarisations politiques et confessionnelles : la place de l’islam dans les « transitions » arabes, RomeTre Press online, 2015.

- (dir. avec A. Bozzo), Les sociétés civiles dans le monde musulman, Paris, La Découverte, Paris, 2011.

- Comment est né l’Irak moderne, Paris, CNRS Editions, 2009.

- Laïcités autoritaires en terres d’islam, Paris, Fayard, 2008.

- (dir), Le choc colonial et l’islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en terres d’islam, Paris, La Découverte, 2006.

- La vie de l’ayatollah Mahdî al-Khâlisî par son fils (Héros de l’islam), traduction de l’arabe et annotations, Paris, La Martinière, 2005.

- La question irakienne, Paris, Fayard, 2002, 2004.

- La formation de l’Irak contemporain, Paris, CNRS Editions, 1991, 2002.

Retour en haut de page