Maël Ginsburger
Maël Ginsburger
- Image SurfsUp (via Shutterstock)
Maël Ginsburger termine son parcours de doctorant au CRIS. Dans 3 mois viendra la soutenance finale, alors que plusieurs articles et un ouvrage co-écrit garnissent déjà son portefeuille de publications.
Il décide à l’automne dernier de candidater au Prix Jeune chercheur de la Fondation des Treilles, créé par Anne Gruner-Schlumberger pour « nourrir le dialogue entre les sciences et les arts, afin de faire progresser la création et la recherche ». Le printemps venu, Maël découvre qu’il fait partie des lauréats distingués par le Conseil scientifique de la fondation. C’est l’occasion de présenter plus en détail ses travaux entamés au CRIS en 2018.
Titre de la thèse : Pratiques environnementales, inégalités sociales et styles de consommation en France depuis 1985, sous la direction de Philippe Coulangeon (Sciences Po - CRIS, CNRS).
Pourquoi présenter sa candidature au Prix Jeune chercheur ?
Plusieurs raisons en fait ! La dotation financière proposée par la Fondation qui constitue, comme les postes d’ATER, une source de financement pour terminer sereinement sa thèse. Un précédent, Mathieu Ferry, doctorant de l’OSC qui a obtenu ce prix en 2017 (1). C’est un prix pluridisciplinaire, orienté vers les jeunes chercheurs. Enfin, il y a eu un effort à fournir pour expliciter à des non spécialistes les enjeux et les méthodes mises en œuvre dans ma thèse.
Présentation du cadre scientifique
Ma thèse s’inscrit dans le domaine scientifique de la sociologie quantitative, l’étude de la stratification sociale, dans la lignée des travaux de Pierre Bourdieu sur la distinction.
Problématique et singularité de la démarche
- Pierre Bourdieu a principalement étudié les goûts et les pratiques culturelles, la culture revêtant une dimension symbolique structurant l’appartenance à différentes classes sociales. J’ai décidé, ce qui fait l’originalité de mon travail, d’étudier la stratification par le prisme très contemporain de la transition écologique, via des aspects matériels : les pratiques de consommation ordinaires, qui s’inscrivent dans des styles de vie. Cette approche permet une grande profondeur historique pour observer l’entrée dans la transition, le cheminement (ou pas) vers l’éco-citoyenneté prônée aujourd’hui.
- Le fait d’avoir des appareils électro-ménagers nombreux et récents, d’utiliser une automobile ou le train, de trier ses déchets ou de fréquenter des magasins bio sont autant de marqueurs qui sont interprétables pour le sociologue. On a longtemps considéré que le développement de la société de consommation des années 70 à 2000 a amené à masquer les différences de classe. L’étude des pratiques quotidiennes ordinaires dans un contexte de prescriptions et d’injonctions environnementales me permet d’identifier les facteurs de différenciation.
Rien ne change vraiment
L’un des résultats remarquables de mes travaux c’est de noter la stabilité de la stratification sociale depuis 1985, entre les consommateurs exclus (contraints par les conditions matérielles d’existence) et ceux qui sont intégrés. Autre clivage pérenne, celui qui distingue les connectés (consommateurs de biens technologiques, très mobiles sur de longue distance, usagers des transports collectifs urbains), des autonomes (pratiquant l’autoconsommation, peu de déplacements, un faible renouvellement des objets).
Des discours et des actes
On peut observer que les membres d’un groupe social peuvent se distinguer en érigeant une “frontière morale”, par exemple par le biais d’un discours supérieur prônant une éthique et des comportements environnementaux vertueux, alors qu’ils sont, de par leurs style de vie, et proportionnellement à d’autres groupes, de gros consommateurs.
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1. Observatoire sociologique du changement, ancienne appellation du laboratoire.
Titre de la thèse de Mathieu Ferry : What goes around meat eating, comes around: Vegetarianism as a status marker in contemporary India