Marie Miran, maître de conférence à l’EHESS
Prélude : données géo-démographiques
La Côte d’Ivoire est un pays pluriconfessionnel : 42% de musulmans, 34% de chrétiens et une proportion non négligeable d’animistes. 72% des non-nationaux, représentant 24,2% de la population résidente, sont musulmans. A la fin du 19e siècle, la présence de l’islam était limitée au nord soudano-sahélien, alors majoritairement animiste.
Laurent Bonnefoy, Chargé de recherche au CNRS
Fin août 2016 à Grozny, en Tchétchénie, 200 oulémas sunnites venus de nombreux pays musulmans se sont rassemblés pour discuter des frontières de leur identité religieuse collective. La conférence était organisée par le gouvernement tchétchène, proche de Vladimir Poutine. Issus notamment des pays du Caucase, de Syrie, du Yémen et d’Egypte, les signataires de la déclaration finale intitulée « Qui sont les sunnites ? » ont généré une vive controverse.
Observatoire International du Religieux
Depuis l’annexion de la Crimée au printemps 2014, l’armée russe inquiète les membres de l’OTAN. Et pour cause ! En dépit d’une situation économique dégradée, les dépenses consacrées à la défense augmentent (12,5 % du budget de l’État en 2010, puis 19,7 % en 2015). Pour autant, la réforme militaire engagée en 2008 n’a pas entamé l’impopularité du service militaire. Mais l’ambition affichée par le Kremlin de conserver une force d’un million d’hommes contraint l’Etat au maintien d’une forme de conscription.
Observatoire International du Religieux
Le 20 août 2016, le roi du Maroc a prononcé un discours remarqué, dans lequel il a fustigé l’islamisme radical et violent. Par-delà l'interprétation de la lettre ou de l’esprit de ce texte, que vous pouvez lire intégralement ci-dessous, il faut en cerner les enjeux au plan international.
sous la direction de Thierry Zarcone, Directeur de recherche HDR CNRS
La tentative de coup d’Etat survenue en Turquie le 15 juillet 2016 est immédiatement attribuée par le président du pays, Recep Tayyib Erdoğan, à la communauté religieuse Hizmet (Service) et à son leader Fethullah Gülen. Ennemie déclarée du président depuis 2013, cette communauté, riche de 5 millions de membres environ, a néanmoins été son alliée et celle du parti AKP (parti de la Justice et du Développement) depuis 2000.
Eran Tzidkiyahu*, Doctorant au CERI
En Israël, la dernière version du projet de loi qui vise à contrôler l'utilisation de puissants haut-parleurs extérieurs par les mosquées (connue en Israël comme "la loi muezzin") sera discutée au Comité Ministériel Législatif. Ce projet a été proposé par le député à la Knesset Moti Yogev du parti de droite national-religieux HaBayiot HaYehud (Foyer juif) et le député David Bitan du parti du Likoud, qui est le parti au pouvoir (Bitan est également président de la coalition et du groupe parlementaire du Likoud).
Colloque du 5-6 décembre 2016, avec les interventions de Laurent Bonnefoy, Alain Dieckhoff, Stéphane Lacroix, Laurence Louër, Pierre-Jean Luizard et Jean-Paul Willaime.
L’Islam est pluriel, dans ses approches juridiques, théologiques, spirituelles, mais depuis quelques temps, il est traversé, dans le monde sunnite, par la montée d’un courant fondamentaliste qui entend revenir, de façon stricte, aux « principes originels » de la religion. Cette volonté de « retour aux sources » est portée par le salafisme qui connaît un essor indéniable, sous des formes diverses, avec des rapports au politique eux-mêmes changeants, allant d’un quiétisme assumé à l’engagement dans l’action violente (djihadisme).
Pour comprendre ce fondamentalisme, il est impérieux de se pencher sur ses assises doctrinales, sur les représentations de soi et de l’Autre qu’il véhicule, sur les concepts (shari’a, sunna, djihad, califat…) qu’il mobilise, sur les mythes et utopies qu’il invoque. Certes, les idées seules ne font pas l’histoire, mais elles forment un soubassement indispensable à l’action des hommes. Il convient donc de prendre au sérieux les discours religieux eux-mêmes, sans les tenir pour de simples travestissements.
L’objectif de ce colloque interdisciplinaire qui réunit islamologues, historiens, sociologues, politistes, venant de différentes institutions de recherche en France comme à l’étranger, a précisément pour objectif de débrouiller cet écheveau complexe en engageant une réflexion en profondeur sur le fondamentalisme sunnite contemporain.
La place donnée par la recherche à l’islam du « centre », qui correspond à l’islam des mosquées, des écoles coraniques et des tribunaux religieux, a fait oublier qu’un autre islam, celui des marges ou de la périphérie, n’est pas moins attractif pour une grande partie de la population musulmane du Maroc à la Chine. Cet islam fait du reste, depuis quelques décennies, l’objet d’un grand engouement dans des régions du monde longtemps privées de libertés religieuses (ex-URSS, Chine, Bulgarie, Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, etc.). Cet islam, qui se résume en général au culte des saints et aux pèlerinages sur les tombeaux de ces derniers, possède un pouvoir de mobilisation sociale et même politique loin d’être négligeable. Les réactions des Etats de l’espace musulman à cet islam sont diverses et vont d’un désir d’éradication de ses pratiques, à l’instar des mouvements radicaux ou de l’Etat islamique qui dénoncent son caractère « hérétique », à une volonté de neutralisation, ou, plus généralement, de régulation, de manipulation ou de réforme, autant de stratégies mises en œuvre pour gagner le soutien des adeptes de ce culte et consolider le pouvoir du politique.
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L’Afrique subsaharienne se caractérise par un pluralisme religieux qui, bien que variable selon les Etats, tend partout à se renforcer. La fragmentation de l’offre, la mobilité des acteurs et la dérégulation des champs religieux favorisent une proximité et une cohabitation souvent inédites des cultes, notamment chrétiens et musulmans, démultipliant les possibilités d’interactions et avivant les rivalités. Quels visages emprunte cette compétition religieuse au quotidien ? Comment façonne-t-elle les relations qui se nouent d’une part entre les acteurs religieux et d’autre part entre ceux-ci et le politique ?
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« L’islam est la religion de l’Etat »… Telle une litanie, on retrouve cette expression dans toutes les Constitutions des pays arabes (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Irak, Jordanie, Yémen, Oman, Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Koweït) et en Iran. En Arabie Saoudite où il n’existe pas de Constitution, la religion musulmane est la seule autorisée. Ensuite s’ajoute la référence à la sharî’a et la façon dont les lois doivent s’en inspirer. Le principe d’égalité est affiché dans toutes les Constitutions des Etats arabes, sous des formes variant d’un texte à l’autre. Dans les faits, la reconnaissance des minorités religieuses se fait dans le cadre de l’héritage de la dhimmitude. L’autonomie du statut personnel des non-musulmans, assurée dans toutes les Constitutions, trouve sa source dans la sharî’a. Quant aux sectes issues de l’islam, elles ne sont tout simplement pas reconnues.
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