Denis Lacorne, Directeur de recherche au CERI
Il y a un paradoxe dans la situation américaine : une religiosité à fleur de peau, des présidents ou des candidats aux présidentielles qui font étalage de leur conversion à l’évangélisme (Jimmy Carter, Bush-fils, Ted Cruz, Carsons, Perry). D’innombrables références à Dieu, à Jésus ; des jours de prière et de thanksgiving, des serments sur la Bible, des devises comme « In God we Trust » et « One Nation under God ».Mais, on a, en même temps, une « Constitution sans Dieu » qui interdit toute église officielle, qui dé-confessionalise l’État fédéral.
Dans un contexte européen marqué par une forte dynamique national-populiste, le retour au pouvoir d’une tradition nationale-catholique autoritaire invite à complexifier les paradigmes de la transition par la prise en compte des singularités historiques ainsi que celle des conflits de cultures politiques. En Pologne, la religion, plus exactement sa politisation, est au cœur même de cette conflictualité, opposant la poussée anti-libérale de l’ethno nationalisme religieux à une démocratie, plus soucieuse de pluralisme, d’autonomie du politique et d’Etat de droit.
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Les revendications exprimées en termes d’objection de conscience se multiplient dans les démocraties contemporaines. Manifestant, au moins sous certaines de leurs formes, la remise en cause globale des normes communes au nom d’un droit naturel supérieur ou de valeurs civilisationnelles ou morales, elles traduisent une politisation de la conscience. Renouvelant ainsi la question des rapports entre religion, morale et politique, elles interrogent les démocraties dans leur capacité à répondre à certains défis de la postmodernité.
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Elément clivant d’un système politique, la question religieuse et/ou philosophique figure au centre des démocraties américaines et européennes. Le développement des biopolitiques, du pluralisme des convictions sur le devenir de la personne humaine, de la prise de parole « politique » par les cultes ou bien encore des phénomènes migratoires mondiaux porteurs de diversité pour les sociétés pose à nouveau la question de la nature de la relation du temporel au spirituel. Les partis politiques, à l’image de leurs sociétés, construisent une relation identitaire, coopérative, relativisée et/ou de sujétion à et pour la religion et recourent à des traitements différenciés suivant les cultes et les philosophies.
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L’arrivée au pouvoir en 2014 du Parti du peuple indien (BJP), une formation nationaliste hindoue, ne s’est pas traduite à ce jour par des modifications constitutionnelles. Les seules remises en cause du sécularisme d’ordre juridique sont intervenues au niveau des Etats de l’Union indienne récemment conquis par le BJP. En revanche, le nouveau pouvoir a laissé se développer des milices nationalistes hindoues à l’origine d’une police culturelle dont les minorités musulmanes et chrétiennes sont les premières victimes. L’Inde acquiert ainsi certaines caractéristiques d’une « démocratie ethnique ».
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Durant la phase de jeunesse d'Israël (1948-1967), l'Etat, alors dominé par la gauche sioniste, mit en œuvre une politique d'intégration vigoureuse des nouveaux immigrants qui venaient pour l'essentiel d'Europe orientale et des pays d'islam. L'Etat fut l'agent central de construction de la nation juive reterritorialisée, mais sous les auspices d'un patriotisme séculier. La guerre des Six jours (juin 1967) constitua un tournant : en permettant un contact renouvelé avec certains hauts lieux du judaïsme (Jérusalem, Cisjordanie), elle fait émerger un nationalisme religieux qui voit dans le développement de la présence juive un impératif religieux indiscutable. Ce nationalisme religieux n'a pas épargné certains cercles ultra-orthodoxes et, surtout, les milieux traditionnalistes sépharades. Cette valorisation forte de la judéité de l’Etat ouvre la voie à une relativisation de la démocratie, la loi religieuse étant censée être supérieure à la loi civile.
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Issu de l’islam politique, Recep Tayyip Erdoğan s’est considérablement éloigné de l’idéologie des Frères musulmans dès son arrivée au pouvoir et a entrepris des réformes qui ont fait de la Turquie un « pays modèle » où islam et démocratie semblaient parfaitement coexister. Ainsi, jusqu’en 2011, l’action du gouvernement était guidée par les principes de dialogue et de démocratie. Pourtant, enivré par ses successives victoires électorales et piégé par la crise syrienne dans laquelle le pays s’est enlisé, le pouvoir a vite oublié la démocratie pour promouvoir une « nouvelle Turquie » où islamisme et nationalisme font bon ménage.
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